Fugue

Publié le 26 janvier 2013 par Lorraine De Chezlo
d'Anne Delaflotte Mehdevi
Roman - 336 pages
Editions Gaïa - septembre 2010
C'est arrivé d'un coup : Clothilde a perdu sa voix. Certes, elle a beaucoup crié lorsque Madeleine, sa fille, a fugué le jour de la rentrée. Mais la voix ne revient pas. Les spécialistes parlent de dysphonie smasmodique du larynx quand, contre toute attente, elle parvient à chanter, à  prendre des cours de chant lyrique, à assurer lors des concerts. C'est finalement ça qui va constituer sa nouvelle passion, sa nouvelle vie, elle qui, à 33 ans, a élevé quatre enfants aux côté de Vincent, son charmant mari quoique pilote de vols moyens courriers.
Fugue c'est pour l'échappée de Madeleine, une fillette qui garde beaucoup de choses pour elle. Fugue, c'est pour la musique, le piano. Fugue c'est pour les fuites que l'on s'accorde au quotidien pour ne pas s'avouer, pour ne pas blesser, pour ne pas bouleverser. Avec Fugue, Anne Delaflotte Mehdevi a écrit un joli roman autour du portrait d'une femme volontaire, blessée mais jamais résignée, qui ose une renaissance qu'elle juge nécessaire quand sa situation sociale et familiale ne laisse présager aucun ombrage. Car à 33 ans, après avoir enfanté, allaité, soigné, materné quatre enfants, elle s'autorise contre la volonté tue de son mari, une passion, des loisirs, une évasion. Elle va travailler pour la création de la boutique de son amie, et puis elle va chanter. Elle va s'oublier, se dépasser, prendre du plaisir dans le chant, laissant de côté les soins conseillés, l'intervention qui pourrait lui rendre la parole. A présent, son besoin de chanter est supérieur à la nécessité d'être entendue. Ses restes de voix saccadée font souffrir son entourage, les textes qu'elle écrit sur son ordi ou son ardoise freinent le dialogue familial ou amical. Mais contre tous - ou presque - elle poursuit selon ses envies.
Extrait :"Les amitiés meurent : même la leur ? Elles meurent souvent de mort naturelle, rarement ravalées par de grandes fâcheries. Elles meurent parce que le chemin inconscient et singulier qu'empruntait telle amitié est soudainement coupé, par un éboulis, une veine de terre étrangère au chemin qu'elle recouvre."
Une voix de perdue, une voie de retrouvée. C'est avec plaisir que j'ai lu Fugue, que j'ai suivi Clothilde, une femme singulière, à une période charnière de sa vie qui est bien exposée. La complexité de sa relation avec Vincent, un amour qui change, la peur de Vincent de voir son monde s'écrouler, l'aphonie de son épouse comme grain de sable de mauvais augure, le lent cheminement pour l'acceptation des aspirations nouvelles de Clothilde... Parfois, les passages sur l'apprentissage du chant, sont un peu longuets. Car l'auteure aime à inscrire son histoire dans une réalité technique. Mais la lecture n'en est pas moins agréable et convaincante. Un portrait de femme oui, mais aussi un portrait de famille, une relation conjugale, et des liens d'amitiés qui sont très bien décrits.L'avis de Cathulu - Des bouquins, des bestioles, du bric-à-brac
L'avis d'Anne-Sophie Demonchy - La Lettrine