Histoire qui m’est arrivée il y a peu. Je travaille avec un
groupe de consultants. Nous devons monter un plan d’action pour un projet
commun. Nous répartissons les sujets à traiter entre deux sous-groupes. Au
moment où nous nous réunissons pour mettre à exécution ce plan, arrive quelqu’un
que nous voyons rarement, par ailleurs consultant en stratégie. Il s’improvise
animateur et rapporteur d’un des groupes. Et déclare aussitôt qu’il n’est pas d’accord
avec le projet. Après une heure trente de discussion sans résultat, il est
obligé de partir avant la fin de la réunion du fait d’un engagement. Bref, j’ai
dû faire ce qu’aurait dû faire son groupe.
L’anecdote me semble révélatrice
de ce qu’est un consultant en stratégie. En quoi tient la nature de son
efficacité. Et donc comment l’utiliser à bon escient :
Son action est purement destructrice, désorganisatrice. Pour
ne pas être disloquée, l’organisation doit réagir, devenir intelligente, sortir
de son état végétatif. C’est une forme d’électrochoc.
Pas mal de faits corroborent cette idée. L’ami qui m’a mis
en contact avec le dit consultant est lui-même un ancien consultant en
stratégie. Depuis, il est devenu redresseur d’entreprises. Or, son action a un
double effet : il transforme effectivement, brutalement, les entreprises
et les organisations dont il s’occupe, mais il se fait aussi, systématiquement,
éjecter. Un autre souvenir : un grand patron ancien haut consultant disant
à l’un de mes associés de l’époque qu’être consultant c’est « déstabiliser »
son client.
On retrouve ici une idée qu’ont eue les philosophes
grecs, et Heidegger,
en particulier : l’homme confronté au néant découvre ce qu’est la réalité
de son être. Mieux, peut-être, l’être a besoin du néant pour s’inventer.
On retrouve aussi une idée que m’a donnée une étude
sur l’évolution du génome. L’individualisme / parasitisme est le moteur de
l’innovation. Il force l’être complexe à se transformer pour parer une
agression qui menace de le détruire.