La France a profité de la trêve des confiseurs entre Noël et Nouvel An pour mettre fin unilatéralement au régime dit des forfaits fiscaux.
En fait il s'agit d'un régime d'imposition sur la dépense aux conditions contraignantes (ne pas avoir d'activité lucrative en Suisse, être étranger, ne pas avoir vécu en Suisse pendant les 10 ans qui précèdent l'installation etc.).
En bénéficient un petit nombre de ressortissants français résidant en Suisse, environ 2'000 (voir mon article du 5 janvier 2013: Forfaits fiscaux: l'Etat de François II se comporte comme un Etat voyou).
Les deux cantons qui sont les plus touchés par cet oukase français sont les cantons de Genève et de Vaud. En effet il y a 700 forfaitaires à Genève et 1'400 dans le canton de Vaud, dont le plus grand nombre de nationalité française.
Pour ne s'en tenir qu'aux recettes fiscales les 700 forfaitaires de Genève versent annuellement 156 millions de francs d'imposition sur leurs dépenses et les 1400 forfaitaires de Vaud 229 millions de francs.
Dans ces deux cantons un grand nombre de frontaliers venant de France et n'ayant pas la nationalité suisse viennent travailler - 63'000 dans le canton de Genève et 21'000 dans le canton de Vaud. Ils emportent en France, avant impôt, environ 7,6 milliards de francs de masse salariale.
Il faut savoir que le régime fiscal de ces frontaliers n'est pas le même dans les deux cantons.
A Genève les frontaliers étrangers et suisses - ces derniers sont environ 30'000 - sont imposés à la source. En 2011, le montant total des impositions à la source des seuls étrangers s'est élevé à 513 millions de francs et l'Etat de Genève en a rétrocédé à la France 209 millions, qui correspondent à 3,5% de la masse salariale versée, qui est donc de l'ordre de 6 milliards de francs.
Dans le canton de Vaud, il n'y a pas d'imposition à la source des frontaliers étrangers, comme dans les huit autres cantons frontaliers avec la France. En contrepartie l'Etat de Vaud reçoit une rétrocession annuelle de de la part de la France de 70 millions de francs, qui correspondent à 4,5% de la masse salariale brute versée en Suisse, soit une masse salariale d'environ 1,6 milliard de francs.
Les réponses possibles à la France de ces deux cantons seraient donc différentes.
L'Etat de Genève pourrait très bien:
- ou dénoncer l'accord fiscal conclu avec la France et ne plus vouloir faire une rétrocession aussi importante pour compenser tout ou partie du manque à gagner sur l'imposition sur la dépense;
- ou suspendre le paiement de la rétrocession actuelle en attendant que la France revienne à de meilleurs sentiments fiscaux.
L'Etat de Vaud pourrait très bien:
- dénoncer l'accord fiscal conclu avec la France;
- soumettre à l'impôt à la source ses frontaliers étrangers (et suisses);
- n'accepter de n'en rétrocéder qu'une faible part pour compenser tout ou partie du manque à gagner sur l'imposition sur la
dépense des ressortissants français.
Comme on le voit, dans les deux cas, il existe une réponse possible, du berger suisse à la bergère française. Encore faut-il que les Grands Conseils de ces deux cantons en décident ainsi. Ce qui n'est pas gagné.
Francis Richard