Le Conseil d’Etat admet que l’affichage régulier de la décision de transfert d’un permis de construire puisse purger les vices affectant l’affichage du permis initial, faisant ainsi courir les délais de recours contre celui-ci, en dépit de l’irrégularité de cet affichage.
Dans cette affaire, un permis de construire accordé à un pétitionnaire en septembre 2010 a, par la suite, été transféré à autre bénéficiaire en décembre 2011.
En mars 2012, une association locale a adressé un recours gracieux à la mairie par lequel elle demandait le retrait du permis de construire initial délivré en septembre 2010, l'association estimant que le délai de recours de deux mois n’avait jamais commencé à courir, compte tenu d’un affichage irrégulier du permis ne contenant pas toutes les mentions exigées par le Code de l’urbanisme.
Son recours gracieux ayant été rejeté, l’association a saisi le Tribunal administratif de Marseille d’une requête en annulation, doublée d’un référé-suspension de ce permis, lequel a été accueilli favorablement par le juge des référés.
Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat censure le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille d’avoir accueilli ce référé, sans examiner si l’affichage de la décision de transfert ne permettait pas lui-même aux tiers d’identifier le permis de construire initial mal affiché, dans des conditions équivalentes.
En l’espèce, le Conseil d’Etat considère qu’en faisant mention de la consistance du projet demeuré inchangé et en reprenant le numéro du permis initial, avec l’adjonction du chiffre « -01 », tout en indiquant la mention "transfert", le panneau d'affichage de la décision de transfert du permis, qui comportait toutes les mentions exigées pour l'affichage d'un permis de construire, était de nature à faire courir les délais de recours y compris s’agissant du permis initial mal affiché.
Cet arrêt constitue donc une remise en cause de la jurisprudence de certaines cours administratives d'appel qui considéraient que l'affichage du permis transféré était, « en tout état de cause », sans incidence sur la recevabilité de la demande dirigée contre le permis de construire initial (CAA Marseille, 15 janvier 2009, req. n°06MA03449).
L’on notera qu’avait déjà été envisagée la solution inverse, à savoir, que l’affichage régulier de l'autorisation d’urbanisme initiale puisse être pris en compte dans l'appréciation de la recevabilité de la demande dirigée contre le transfert de cette autorisation, à condition que la mention du transfert soit présente sur le panneau d’affichage de la décision de transfert (CAA Bordeaux, 7 juin 2012, req. n°11BX01138, pour une autorisation de lotir).
Cette solution entend protéger la sécurité juridique du bénéficiaire d’un transfert de permis, dans la mesure où la validité d’un transfert est subordonnée à la validité du permis initial (Conseil d'Etat, 24 février 1992, Société Cogedim, req. n°119134).
Elle est aussi d’une certaine logique dans la mesure où, selon le considérant de principe déjà consacré par le Conseil d’Etat, la décision autorisant le transfert du permis précédemment accordé ne procède pas à une modification de la consistance du permis mais à une « simple rectification du nom de son bénéficiaire » (Conseil d'Etat, 18 juin 1993, Cne de Barroux, req. n°118690), pour un projet qui reste donc strictement identique.
« 4. Considérant, par suite, qu'en jugeant que l'affichage sur le terrain du permis transféré le 1er décembre 2011 à M. Atkatlian n'avait été de nature à faire courir le délai de recours contentieux qu'à l'égard de cette seconde décision, et non à l'égard du permis de construire délivré le 13 septembre 2010 à M. Simon-Lebertre, sans examiner si l'affichage du permis transféré le 1er décembre 2011 permettait aux intéressés susceptibles de contester devant le juge administratif la légalité du permis du 13 septembre 2010 d'identifier ce dernier dans des conditions équivalentes, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. Atkatlian est fondé pour ce motif à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque ; »
(Conseil d'Etat, 16 janvier 2013, Atkalian, req. n°361297)