François Hollande avait un déficit de crédibilité dans son rôle de chef
d'Etat. Il faut bien avouer qu’il n’y a, en effet, pas grand-chose dans son
passé qui permettait de considérer qu’il ferait un bon président de la
république française. Il n’avait jamais assumé de responsabilités de haut
niveau dans la vie publique, et l’essentiel de ce qui ressortait de son CV
c’était son poste de Secrétaire Général du PS. Or, le moins que l’on puisse
dire, c’est que l’épisode ne fut pas des plus glorieux.
Son expérience donnait plus de lui l’image d’un homme de consensus que de
décision et de fermeté. Or, autant la recherche du consensus est louable autant
le consensus à tout prix, au risque qu’il se fasse sur le plus petit
dénominateur commun, peut être un frein important au changement.
Ses premiers mois au pouvoir ont semblé confirmer ce sentiment. Les propos
peu contrôlés des ministres, l’activisme incontrôlé d’Arnaud Montebourg, une
ligne politique plutôt floue semblant hésiter entre la doctrine socialiste et
un réformisme social-démocrate pragmatique, l’absence de stratégie affirmée,
les demi-mesures destinées à donner l’impression qu’il tient ses promesses de
campagne, sa normalité sur-jouée, rien sur cette première période ne semblait
devoir faire évoluer cette opinion.
En conséquence de tout cela, rapidement, beaucoup de ceux pour lesquels
François Hollande n’avait été qu’un choix par défaut ont exprimé leur
mécontentement à travers les
sondages.
Pourtant, depuis quelques semaines, plusieurs raisons pourraient, devraient,
amener à considérer différemment le personnage Hollande. L’engagement de la
France dans la guerre au Mali prouve sans conteste que François Hollande sait
prendre des décisions graves, son attitude face à l’opposition au mariage
« pour tous » démontre qu’il sait rester ferme, le succès même
relatif de la négociation du pacte pour l’emploi montre qu’il sait utiliser le
consensus efficacement, l’affirmation d’une ligne clairement et sans ambigüité
social-démocrate, à travers notamment la tribune d’Ayrault, montre qu’il sait
résister aux pressions de l’aile gauche du PS et de ses partenaires
politiques.
On peut, évidemment, ne pas être d'accord avec tous ses choix, mais il faut
reconnaître que François Hollande endosse de mieux en mieux les habits d'un
chef d'Etat.
Malgré tout, sa cote de popularité frémit à peine et stagne quasiment à un niveau que l’on pourrait qualifier d’assez misérable.
Les
explications apportées par les éminent politologues est que tout cela est
bien beau, mais ce qui importe aux Français c’est de voir le chômage diminuer
et le pouvoir d’achat augmenter. Ils jugent Hollande à ses résultats sur ces 2
sujets.
Il serait rassurant de penser que le jugement que les Français portent sur
les hommes politiques sont tout à fait rationnels et qu’ils ne forgent leur
opinion sur ceux-ci qu’à l’aulne des sujets les plus importants. Pour ma part,
je n’y crois pas.
Résorber le chômage ou augmenter le pouvoir d'achat (d'une autre manière
qu'en distribuant les subsides de l'Etat à tout va) est d’évidence une tache de
très longue haleine qui ne peut résulter que d’un travail en profondeur, qui ne
donnera des résultats que progressifs et à échéance lointaine. Sauf à être naïf
ou de mauvaise foi, on ne peut pas reprocher à Hollande de ne pas avoir de
résultats sur ces deux sujets, c’est bien trop tôt. Il n’aura peut-être même
pas assez d’un quinquennat pour tirer profit des réformes qu’il aura engagé. En
conséquence de quoi, qu’est ce qui lui vaut cette popularité en berne
?
En premier lieu peut-être, les imprécisions qui entourent sa stratégie, on
connaît ses objectifs mais pas tous les moyens pour y arriver. On est en droit
de lui reprocher.
Mais l’explication me semble ailleurs.
Avec les hausses d’impôts, pourtant largement initiées du temps de Nicolas
Sarkozy, avec l’impression justifiée ou non que gouvernement s’acharne sur ceux
qui « réussissent » ou encore avec le mariage gay, les opposants de
droite se sont radicalisés pendant les 8 premiers mois. Il faudra plus qu’une
guerre au Mali même gagnée pour faire évoluer leur opinion.
De leur coté, les opposants de gauche qui l’avaient soutenu du bout des
lèvres jusqu’en Mai 2012, n’ont pas accepté le virage social-démocrate affirmé
et confirmé. Pour ceux-là c’est pire encore, le fossé avec François Hollande ne
fait que s’accroître au fur et à mesure qu’il semble se rallier à l’ennemi
capitaliste. Ceux là non plus ne changeront pas d’avis de si tôt.
Compte tenu de tout cela, et compte tenu des efforts qui nous attendent, il est à craindre pour lui que François Hollande doive se résigner à traîner pendant longtemps une cote de popularité maigrichonne. Mais il doit apprendre à vivre avec et réformer le pays malgré ça, quitte à finir comme Schröder, viré avant d’en avoir retiré les bénéfices.