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La peinture japonaise du XXe siècle à nos jours

Publié le 22 octobre 2011 par Jigece

1874-75, Takahashi Yuichi : Papier de calligraphie et livre de lecture Le long voyage effectué à travers toute l’Amérique latine, à la recherche de ses peintres, et le plaisir que j’ai eu à les rencontrer, m’a donné des envies d’exotisme. J’ai donc, cette fois, traversé le pacifique pour me retrouver au « pays du soleil levant », où la tradition de la peinture est très ancrée, on peut même dire que c’est un art ancestral.
Mais avant d’arriver à la peinture et aux peintres du XXe siècle, j’ai dû prendre un petit cours d’histoire sur les différents courants stylistiques qui se côtoient, se chevauchent ou s’entremêlent dans ce pays où tradition et modernité cohabitent comme sans doute nulle part ailleurs.

Petit cours d’histoire

La peinture japonaise est un art ancien et raffiné, regroupant une grande variété de genres et de styles. Elle fut à certains moments une synthèse entre une esthétique originelle et une adaptation d’idées venues de l’extérieur. Le Yamato-e (images du Japon ancien) est considéré comme le style japonais traditionnel. Mais, à l’époque Meiji (1868-1912), avec l’ouverture du pays sur le monde, l’impact de l’art occidental sur le Japon fut immense (et inversement, d’ailleurs). En 1876, une École d’Art Technique (le Kobu Bijutsu Gakko) a même été spécialement créée afin que des conseillers étrangers embauchés par le gouvernement (tels l’artiste italien Antonio Fontanesi) apprennent aux artistes japonais (tels Asai Chū) les dernières techniques occidentales.
Seiki Kuroda sera lui aussi crucial pour le développement de la peinture de l’Ouest au Japon. C’est directement « à la source » qu’il apprend : en France où, ayant suivi son père diplomate, il découvre puis étudie la peinture à l’huile avec le peintre académique Raphaël Collin, de 1884 à 1893. À son retour au Japon, Kuroda prend la tête du département de la peinture occidentale à l’Académie des Beaux Arts à Tokyo, ce qui lui permet d’introduire les techniques picturales de l’enseignement de l’Ouest. Et sa position de fils de haut dignitaire lui permettra même de briser un tabou de taille en montrant, en 1895 à Kyoto, un tableau représentant un Nu.
Seiki Kuroda, Asai Chû, Eisaku Wada et Takeji Fujishima vont même être invités à exposer leurs œuvres lors de l’Exposition Universelle de Paris en 1900 (Kuroda y reçoit d’ailleurs la médaille d’argent pour son tryptique « Sagesse-impression-sentiment »). C’est pour eux un choc esthétique qui les marque profondément mais leur montre également tout ce qu’ils ont encore à apprendre – Asai Chû, dépité, décide même d’arrêter de peindre mais ouvre son école à Kyoto, sa ville natale, d’où sortirons deux artistes essentiels dans l’évolution et le rayonnement de l’école occidentale : Yasui Sôtarô et Umehara Ryûzaburo. C’est ainsi que, peu à peu, se crée une peinture japonaise occidentalisée, le yōga. Le mouvement est lancé.
Après la première guerre mondiale d’autres peintres japonais feront le voyage à Paris, ballotté dans le tourbillon des mouvements avant-gardistes : fauvisme, cubisme, surréalisme… Le plus connu est Tsuguharu Fujita (Léonard Foujita à partir de 1959), emblématique de l’Ecole de Paris. Mais il y eut aussi Yuzo Saeki, qui représenta les bidonvilles de Paris, Hanjirô Sakamoto et ses paysages très personnels, Zenzaburo Kojima, qui développa un style « décoratif » très proche de celui de Matisse, ou encore Taro Okamoto, qui s’émerveille à l’œuvre de Picasso, s’essaye à l’abstraction avant de rejoindre les surréalistes et finalement devenir le plus grand « muraliste » japonais. À leur retour, ils devront faire face à un problème propre aux peintres japonais : traduire l’identité japonaise au style occidental.

Face à cette invasion un mouvement « loyaliste » prit forme, tentant de défendre l’art traditionnel nippon. Cette tendance fut appelée nihonga, c’est-à-dire « image japonaise », par opposition au yōga, qui définissait l’art étranger. Chez nous, ce sont ces œuvres de style nihonga ou antérieures à la période Meiji (comme « La Grande vague de Kanagawa », peint en 1831 par Hokusai, ou les magnifiques estampes de Hiroshige) qui sont vraiment connues – grâce à des peintres européens comme Van Gogh ou Monet, qui en furent de grands collectionneurs. Du coup, quand on pense peinture japonaise, on pense naturellement « estampe » (« Ukiyo-e » en japonais). J’ai donc eu envie de voir ce que existait en dehors de ces « images d’Épinal », si j’ose dire. Aller voir du côté Yōga – même si le nihonga est resté très vivant, à travers notamment le mouvement Shin-Hanga (littéralement « Nouvelles Gravures » ou « Renouveau Pictural », florissant entre 1915 et 1942 avec Itō Shinsui et Hashiguchi Goyo entre autres) ; j’y consacrerais sans doute un article bientôt.

En route !

Me voici donc plongé jusqu’au cou dans la peinture japonaise moderne de 1900 à nos jours. Et, là encore, que de découvertes ! Et dans tous les styles ! Dans les paysages, les portraits, les nus ou les natures mortes. Dans le figuratif aussi bien que dans l’abstrait.
A propos d’abstrait, justement, connaissez-vous le « Gutai » ? Né en 1952, à l’initiative de Yoshihara Jirō, c’est un mouvement qui eut sensiblement le même impact sur l’art japonais que le « dripping » de Jackson Pollock (à partir de 1947). Dans les deux cas, c’est l’acte même de peindre qui devient un moyen d’expression. Entailler, déchirer, mettre en pièce : ce sont les méthodes des premières œuvres Gutai. Et si certaines œuvres utilisent encore un support bidimensionnel, la plupart d’entre elles échappent au cadre préétabli de la peinture ou de la sculpture, passant de « l’action painting » au « happening » (ainsi Murakami Saburo traversant une enfilade de cadres tendus de papiers), des performances reprises par exemple par les Nouveaux réalistes comme Yves Klein ou Niki de Saint-Phalle lors de ses Tirs
Et le « Superflat », vous connaissez ? Peut-être pas, mais si je vous dis que son chantre est Takashi Murakami, l’homme qui parsème le monde de ses petites fleurs souriantes, là ça vous parle peut-être un peu plus. Pour faire simple, c’est un mouvement qui, à partir de la sous-culture manga, dénonce (tout en l’utilisant) la superficialité de la culture consumériste japonaise – une sorte de pop’art japonais. Dans le même ordre d’idée, on peut aussi parler de l’esthétique « Kawaii » (littéralement « mignon », « adorable »), qui s’adresse surtout aux jeunes, consistant notamment à créer de gentilles mascottes pour faire vendre tout et n’importe quoi.
Enfin bon, vous allez maintenant pouvoir voir tout ça par vous même…

La galerie

Voici donc le résultat de mes (longues mais passionnantes) recherches : 110 ans de peinture (moderne) japonaise, en 110 peintres et 110 tableaux. Banzaï !!!

1899, Seiki Kuroda : Chi-Kan-Jô, Triptyque
1900, Chiyo Yazaki : Jardin d'automne
1902, Fujishima Takeji : Reminiscence of the Tempyo Period
1904, Aoki Shigeru : A good catch
1904, Katsuji Makino : Tower of Yasaka
1905, Asai Chū : Samuraïs à la chasse
1907, Mango Kobayashi : Rêverie
1908, Mitsutani Kunishiro : Rickshaw family
1909, Soun Chigusa : A tedious day
1911, Yasui Sôtarô : Spring
1912, Yorozu Tetsugoro : Self Portrait with Red Eyes
1915, Hanjiro Sakamoto : Pig
1917, Ono Takanori : Nude
1918, Goto Koshi : Paysage près de Manazuru
1919, Tai Kanbara : Flux de musique créatrice de vie, Symphonie
1920, Saburosuke Okada : Before the Chinese Silk
1921, Kishida Ryusei : Reiko
1922-23, Yasuo Kuniyoshi : Maine family
1922, Seiji Togo : Femme au chapeau
1923, Murayama Tomoyoshi : Dedicated to the Beautiful Girls
1924, Bumpei Usui : 14th Street
1924, Chun Ikebe : Enseignement
1925, Ikeda Yoson : Aftermath of a disaster
1925, Osamu Nagata : Nature morte
1927, Ebihara Kinosuke : Neige
1928, Katsuo Satomi : Woman
1928, Saeki Yuzo : Café restaurant
1929, Ihara Usaburo : Groupe dans une pièce
1929, Ishigaki Eitaro : Undefeated arm
1930, Koga Harue : Make-up outside the Window
1931, Takayama Uichi : Still life
1932, Yamaguchi Kaoru : Nude
1934, Ishikawa Toraji : Odori dance
1936, Yoshihara Jiro : Work
1937, Abe Gosei : People Seeing off
1937, Nakamura Tsune : Nature morte avec papier d'emballage
1937, Umehara Ryûzaburo : Nude
1938, Junkishi Mukai : Dans le ciel de Suzhou
1938, Takanori Oguiss : Bois & Charbon, Vins & Liqueurs
1939, Matsumoto Shunsuke : Ville
1941, Ryôhei Koiso : Contrôle
1942, Kazuki Yasuo : Water mirror
1944, Shimizu Toshi : Japanese engineers' bridge construction in Malaya
1947, Sugimata Tadashi : Red snake
1947, Taro Okamoto : Night
1948, Sakata Kazuo : Composition
1949, Tsuruoka Masao : Heavy hand
1950, Kojima Zenzaburo : Still life
1950, Tsuguharu Fujita : Le quai aux fleurs, Notre-Dame
1951, Furusawa Iwami : Pluto's Daughter
1953, Shinagawa Takumi : Danse en rond
1954, Takeo Yamaguchi : Combination of two
1954, Tamiji Kitagawa : Assemblée de femmes
1955, Hiroshi Nakamura : Sunagawa n° 5
1956, Ishii Shigeo : Complicité
1957, Murai Masanari : Singing Man
1958, Idani Kenzo : Femme nue et marigolds
1958, Toshinobu Onosato : Blue circle
1959, Aso Saburo : Mother and child
1960, Gen Yamaguchi : Untitled
1960, Yamada Masaaki : Work
1961, Sadamasa Motonaga : Work II
1961, Yoshitaka Nakao : Standing woman
1963, Atsuko Tanaka : Hoops
1964, Tadaaky Kuwayama : Circle B125
1965, Hamaguchi Yozo : Red Bowl with Black Cherries
1966, Inoue Chozaburo : Committee Meeting
1966, Jiro Takamatsu : Composition n° 142
1966, On Kawara : Today Series
1968, Matazo Kayama : Star festival
1969, Masuo Ikeda : Au-dessus du vide
1970, Oda Mayumi : Wind Goddess
1970, Useno Shinohara : Frog
1971, Higashiyama Kaii : Cathedral in the morning
1973, Kazuo Shiraga : Funryu
1974, Kazumasa Nagai : Sonnerie
1975, Hamada Chimei : Irritating B
1975, Shinzaburo Takeda : Maison Esteban
1977, Ansei Uchima : Light echo
1978, Kiyoshi Saito : Flamme
1978, Umetaro Azechi : Wakamono
1979, Kinutani Koji : Portrait of Miki and Moheno
1980, Kumi Sugai : Guest III
1981, Arimoto Toshio : Spring
1982, Shosuke Osawa : Trois signes
1984, Yoshitomo Nara : Sanchan with shark
1986, Yoshitaka Amano : Ode a Klimt
1987, Ohnuma Teruo : Rest
1988, Meilan Fukuda : Mercredi
1989, Yayoi Kusama : Blue pumpkin
1990, Matsutani Takesada : Germination
1991, Hori Kosai : Voice of the wind 56
1994, Nakanishi Natsuyuki : Work Lm-t
1995, Tatsuno Toeko : Untitled 95-9
1996, Takanobu Kobayashi : House dog
1998, Shinjiro Okamoto : Going Up River
1999, Ay-o : Rainbow monkey forest : Hommage au douanier Rousseau
2000, Ishimoto Sho : Attentive
2000, Naoyoshi Hikosaka : Peach of Konron mountain
2002, Takashi Murakami : Flower ball
2003, Toru Kuwakubo : Holes and the king
2004, Asa Go : Wish a nirvana
2005, Konoike Tomoko : Wreck
2006, Nara Yoshitomo : After the acid rain
2007, Fumiko Negishi : Barco de loco
2007, Seiichi Shimizu : Don't fall
2008, Tadanori Yokoo : Burning sky
2008, Nao Yokota : Make up
2009, Rieko Morita : Moon
2010, Machida Kumi : Rocking horse

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