Après les derniers soubresauts du symbolisme, représenté par Max Klinger et Franz von Stuck, l’expressionnisme est le premier courant majeur du XXe siècle. Il est à l’origine de nombreux groupes comme le fauvisme, le cubisme ou le futurisme. Ce mouvement, né à Vienne, s’étend rapidement dans les milieux artistiques allemands à partir de 1905. Paula Modersohn-Becker en est une des premières représentantes. En Allemagne, ce mouvement, particulièrement sombre et tourmenté, domine toute l’activité culturelle jusqu’à l’arrivée au pouvoir du nazisme. En 1905, les peintres Ernst Ludwig Kirchner, Erich Heckel, Karl Schmidt-Rottluff créent le mouvement Die Brücke. Par des dessins aux traits rapides et aux couleurs vives, ils veulent donner la priorité à la spontanéité, l’émotion et la subjectivité. À Munich, en 1911-1912, Franz Marc, Vassily Kandinsky (Russe ayant vécu en Bavière de 1896 à 1914), August Macke et d’autres artistes créent le mouvement Der blaue Reiter (Le Cavalier bleu) et veulent abandonner le réalisme pour un art plus abstrait. Les expressionnistes d’après-guerre forment le groupe de la Nouvelle Objectivité, Neue Sachlichkeit. Leurs œuvres témoignent du pessimisme ambiant dû à la défaite. On peut citer Max Beckmann, George Grosz et surtout Otto Dix. Certains peintres se tournent vers le surréalisme et adhèrent au mouvement Dada. C’est le cas par exemple de Max Ernst et Hannah Höch.
Un autre mouvement se développe à Hanovre dans les années 1920 ; il s’agit des abstraits de Hanovre (abstrakten hannover), qui accueillent beaucoup de peintres venus d’URSS. L’un des piliers de cette effervescence est Kurt Schwitters, qui convie Carl Buchheister, Rudolf Jahns, Hans Nitzschke et Friedrich Vordemberge-Gildewart à le rejoindre.
Cette richesse artistique est stoppée par l’avènement d’Hitler au pouvoir. Celui-ci juge cet « art dégénéré », dangereux et inadapté à la société idéale qu’il entend mettre en place. Des artistes tels que Kandinsky, Klee et Schwitters quittent l’Allemagne dès l’arrivée des nazis au pouvoir. Max Beckmann s’enfuit le lendemain de l’ouverture de l’exposition d’art dégénéré (présenté comme étant produit par les bolcheviks et les juifs) que les nazis organisent à Munich en 1937 et où presque tous les grands artistes modernes allemands (Emil Nolde) et étrangers (Picasso, Chagall) figurent, à coté d’œuvres de malades mentaux auxquels ils sont comparés. Lyonel Feininger a fui peu de temps avant pour les États-Unis où, tels Hofmann, Albers et de nombreux autres artistes, il contribue à diffuser l’art moderne européen.
Hans Hofmann fut d’abord professeur. En 1915 il ouvre une école d’art à Munich et jusqu’en 1936 se consacre à l’enseignement, surtout aux États-Unis où il apporte les idées modernistes européennes, notamment aux cours des sessions d’été à l’Université de Californie – Berkeley et à l’Art Student League de New York, puis il ouvre sa propre école d’art dans cette même ville. À partir de 1937, il se remet à peindre. Lee Krasner, Helen Frankenthaler, Joan Mitchell, Robert de Niro Senior, Burgoyne Diller, Clement Greenberg, Mark Rothko, Frank Stella sont de ses élèves. Il joue ainsi un rôle crucial dans le développement de l’expressionnisme abstrait américain. En 1958 il cesse d’enseigner pour se consacrer à la peinture jusqu’à sa mort en 1966. Il est l’un des plus grand peintre abstrait du siècle.
Lui aussi peintre et pédagogue de l’art, Josef Albers enseigne au Bauhaus d’octobre 1923 à avril 1933. Il quitte l’Allemagne en 1933 pour les États-Unis. Il enseigne pendant quinze ans au Black Mountain College. En 1950, il devient directeur du Departement of Design de l’Université Yale à New Haven jusqu’en 1959. Depuis les années 40, l’orientation principale de son enseignement et de sa peinture se focalise sur l’« effet optique de la couleur ». Ayant généré très probablement une impulsion pour l’avant-garde américaine des années 60 et 70, Josef Albers peut être considéré comme un précurseur de l’Op art.
Ceux qui restent en Allemagne durant la période nazie sont contraints à une sorte d’exil intérieur : si Otto Dix et Erich Heckel assagissent leur production afin de ne pas être soupçonnés, d’autres continuent de peindre en secret, par exemple la nuit, tout en produisant des commandes officielles la journée. Felix Nussbaum, lui, se réfugie à Bruxelles où il vit caché durant quatre ans avec sa femme. Après dénonciation d’un voisin, le couple est arrêté le 21 juin 1944 et emmené dans le dernier convoi pour Auschwitz depuis la Belgique et y périt, gazé, comme pratiquement tout le reste de sa famille qui s’était réfugiée en Hollande. Il aura peint jusqu’au bout, la peinture représentant pour lui un moyen de lutter contre le régime nazi et de conserver sa dignité humaine tout en lui donnant la force de survivre. Comme aucun autre artiste, il a su représenter à travers ses peintures la situation dramatique dans laquelle il se trouvait en tant que Juif allemand durant ces années noires.
À la fin de la guerre et jusqu’à la réunification, les peintres d’Allemagne de l’Ouest et d’Allemagne de l’Est vont prendre des chemins différents. Les artistes de la RFA se lancent à corps perdu dans l’art abstrait. Les œuvres de Willi Baumeister, d’Ernst Wilhelm Nay, d’Emil Schumacher suscitent des débats passionnés, le public étant désarçonné par cette forme de peinture. En RDA, isolée de la RFA à partir des années 1960, les artistes sont formés dans des écoles financées par l’État (comme Werner Tübke), qui laissent peu de place à l’expérimentation individuelle. Mais des peintres comme Wolfgang Mattheuer ou Ralph Winkler ont su rester créatifs malgré tout, même si, pour ce dernier, qui signait sous le nom d’emprunt A. R. Penck, cela fut très difficile : il a de nombreux problèmes avec la Stasi qui censure ses dessins ou fait saisir ses toiles en douane. Il finit par passer à l’Ouest en 1980.
Les années 1960 libèrent l’artiste de toute convention. Sigmar Polke lance, avec Gerhard Richter, le courant « Réalisme capitaliste ». Richter s’interroge ainsi sur les possibilités de la peinture à représenter la réalité.
Á la fin des années 1970, en réaction aux directions prises alors par le minimalisme et par l’art conceptuel, un style dont les origines remontent à la Transavanguardia italienne, s’impose presque simultanément en Europe et aux Etats-Unis. En France, on l’appelle figuration libre et, dans les pays anglophones, New Image Painting ou Wild Style. En Allemagne et en Autriche est d’abord employé le terme « néo-expressionnisme », puis « Nouveaux Fauves » (Neue Wilde). Le marché de l’art s’emballe pour ces jeunes artistes qui renouent avec un style de peinture dont on avait annoncé depuis longtemps la fin : la joie réapparaît sur les toiles, avec des formats souvent énormes couverts de coups de brosse sauvages. Les travaux sont tout à la fois expressifs, figuratifs ou abstraits, pleins de citations et de références à l’histoire de l’art ou à des sentiments intimes comme la sexualité – pleins de vie et d’énergie. La côte de certains artistes comme Rainer Fetting ou Salomé, figures de proue de ces « Nouveaux Fauves », explose avant de retomber avec le krach boursier. Parmis ces Neue Wilde on trouve également à Berlin : Helmut Middendorf, Bernd Zimmer, Elvira Bach…, à Dresde : A. R. Penck, à Düsseldorf : Albert Oehlen, Werner Büttner…
C’est aussi à cette époque qu’apparait en Allemagne l’un des plus importants artiste contemporain, Anselm Kiefer. Son travail, au travers de peintures souvent de grandes dimensions faites d’accumulation de matière et parfois d’objets, revisite la littérature et les mythes, mais aussi l’histoire, en particulier Allemande du XXe siècle, en dénonçant la voie dangereuse qui tend à oublier la terreur nazie. L’Allemagne s’est en effet beaucoup penchée sur son passé récent, avec, à l’Ouest Anselm Kiefer, donc, mais aussi Georg Baselitz, Jörg Immendorff et Markus Lüpertz et à l’Est, Walter Libuda, Volker Stelzmann et, surtout, Bernhard Heisig, « acteur immédiat » de ce siècle d’histoire allemande, ancien SS (à 16 ans, en 1941, il s’engage comme volontaire dans la Wehrmacht et à 18 ans, rejoint la Waffen-SS), ancien communiste (après la guerre, il adhère avec la même ardeur au SED, le Parti communiste de la RDA, et collectionne les fonctions honorifiques et les décorations au sein du petit monde des arts est-allemand) et qui, dans les années 70 et 80 a peint toute la fureur de l’histoire allemande : des armées marchant vers la mort, des mêlées de soldats, des bouches qui hurlent, des juifs portant l’étoile jaune, des casques avec ou sans crâne dessous.
Dans les années 1990, la chute du Mur de Berlin ouvre de nouvelles perspectives à l’art allemand. La disparition du mur de la honte est vécue comme un formidable incitateur pour la création, enfin débarrassée de carcans stérilisants, et donne naissance à une nouvelle peinture allemande, foisonnante, exubérante, comme chez Johannes Grützke, Anton Henning ou Christoph Ruckhäberle. On voit également apparaître une nouvelle tendance picturale, avec l’utilisation de la bombe aérosol, chez des artistes comme Albert Oehlen, Jonathan Meese ou Neo Rauch.
Aux côtés de ces poids lourds du marché que sont Baselitz, Richter ou Kiefer, la jeune peinture allemande est très active, notamment à Berlin, avec de jeunes artistes au succès grandissant comme Günther Förg, Eberhard Havekost, Anselm Reyle, Matthias Weischer, Thomas Scheibitz, Thomas Zipp, André Butzer ou le peintre minimaliste Imi Knoebel
Voici maintenant, en 110 tableaux, un aperçu de cette très expressive peinture Allemande, du XXe siècle jusqu’à nos jours.