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Lettre ouverte au sujet des CRA à Madame Laurence Abeille, députée

Publié le 25 janvier 2013 par Micheltabanou

Michel TABANOU

2eme Adjoint au Maire

94120 Fontenay-sous-Bois

Madame la Députée, chère Laurence,

Vous connaissez mon caractère entier pour l’avoir apprécié et mesuré lors des batailles électorales de juin dernier. Vous êtes écologiste et je suis socialiste certes mais avant tout nous sommes des élus républicains animés par un combat commun que nos organisations politiques mènent ensemble. Et ce combat m’amène à vouloir vous alerter sur une question toute particulière, d’aspect national mais également de caractère local.

Depuis longtemps le recours à l’enfermement des étrangers en situation irrégulière est fortement dénoncé. Depuis que la question de l’immigration s’est installée comme objet de politique publique, c’est-à-dire dans la majorité des esprits comme un problème public ; le statut de l’étranger a dérivé d’un simple traitement administratif consistant à déterminer les conditions d’entrée et de sortie du territoire vers un traitement du ressort du code pénal. Ce traitement pénal de la question de l’étranger en situation irrégulière dérive aujourd’hui vers une logique d’exclusion fondée sur une notion de dangerosité appréciée au regard global d’une catégorie considérée comme a priori délinquante. Cet étranger est devenu l’archétype de l’individu menaçant et dangereux non pas en considération de sa personne mais comme relevant d’une catégorie anonymisée. Cible idéal d’une action publique répressive. L’étranger est un autre dont le fait de venir en Franc est un délit qui sera puni d’emprisonnement s’il n’est muni des autorisations administratives. De nombreux recours, des procédures de contestation ont fini par entraîner à l’automne 2012 notre parlement a voter en urgence la dépénalisation du séjour irrégulier pour la transformer, avec toujours en arrière plan la maîtrise des flux migratoires, en un nouveau régime de retenue accompagné de dispositions pénales qui maintient l’étranger en permanence sur une menace de répression.

La situation actuelle est inquiétante. L’arsenal répressif accentue cet effet. Le dispositif d’enfermement spécifique qui a été mis en place ne cesse de se développer. Les fameux CRA ( centres de rétention administrative ) relèvent d’une réglementation particulière et ne respectent pas les garanties associées aux institutions pénitentiaires. Se constitue sur notre territoire un régime de pénalisation d’exception pour des individus dont le seul délit est de ne pas avoir de titre de séjour en règle. Trop peu de textes encadrent l’enfermement des migrants. La directive européenne « retour» prévoit la possibilité pour les ONG de visiter les centres de rétention. Un décret a été publié à cet effet en 2011. Mais il soumet ce droit d’accès à des conditions restrictives trop contraignantes pour répondre à la nécessité de transparence qu’exige la situation. Les ONG s’en sont plaintes au ministre de l’intérieur en novembre 2012. Ces ONG demandent sur leur plateforme que pour rompre avec la banalisation d’un enfermement administratif devenu carcéral, les lieux de rétention doivent devenir perméables aux échanges entre ceux qui y sont retenus et ceux qui ne le sont pas… Il faut revendiquer un droit d’accès sans restriction des représentants de la société civile et de mettre fin à l’opacité. Faire cesser ces conditions médiocres. Permettre aux droits élémentaires d’être respectés comme ceux de l’accès aux soins, à la défense et à la protection des mineurs !

Madame la Députée de la 6e circonscription du Val de Marne vous savez que notre circonscription accueille à Vincennes un .CRA. Un centre créé en février 2012, il y a un an. Les conditions de visite y sont péniblement limitées et soumises à des arbitraires de la part de la police de l’air et des frontières qui ne connaît pas les règles applicables aux visiteurs ou observatoire. Elle interdit de prendre des notes lors de la visite, de remettre des documents aux retenus. Aucune confidentialité n’est possible lors des visites ; elles se font portes ouvertes en présence des policiers. Cette situation est bien entendu inacceptable. Madame la Députée, membre de la représentation nationale, je fais appel à votre conscience républicaine. Usez de votre droit de visite – sans restriction. Agissez pour que l’esprit humaniste de la république souffle en ces lieux de rétentions. Il faut pouvoir veiller au respect des droits fondamentaux des retenus et rendre public, Madame la Députée, les impressions de votre visite, faire savoir aux habitants de Vincennes, de Fontenay-sous-Bois et de Saint-Mandé, qu’il existe un lieu de honte à proximité de leur lieu de vie. Un lieu d’exclusion, un lieu où la loi n’a que peu de sens. Faire savoir que vous êtes prête dans un élan de solidarité à engager toute action de sensibilisation d’une part et de législateur d’autre part.

Madame la Député, je veux croire en mon espoir que vous saurez faire valoir vos droits fondamentaux qui sont ceux de l'expression de la citoyenneté républicaine face aux pouvoirs publics et particulièrement ceux qui sont en charge de la rétention administrative d'individus..

Michel Tabanou


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