Décidément, il ne fait pas bon avoir une opinion dissidente dans la "France apaisée" de François Hollande : j'ai découvert au détour de son site web que pour l'association citoyenne, festive et über-conscientisée Act-Up, ne pas partager leur point de vue est anti-démocratique. Oui. Anti-démocratique, rien de moins...
On pourrait croire à un petit dérapage, ce mot qu'emploient justement ces associations d'individus plein de droits, de grands principes et de belles actions pour désigner les propos qu'ils jugent indignes d'être prononcés et qui heurtent leurs chastes oreilles citoyennes. Mais ici, nous sommes dans le camp du Bien, celui qui prône une ouverture universelle des esprits et des sphincters aussi libératrice que nécessaire. Il n'y a donc aucun dérapage, tout est assumé : Hollande va recevoir des opposants au mariage homosexuel. Il commet donc une faute, un péché même, voire un péché capital (l'inquisition s'est réunie, elle en discute encore à l'heure où j'écris ces lignes, et le verdict n'est pas encore définitif).
Il faut comprendre que même si le président Hollande avait reçu le soutien du mouvement en tant que candidat officiel du parti socialiste (donc, le camp du Bien), il n'en était pas moins scruté pour vérifier tout écart de parole, de pensée, d'action ou d'omission qui l'aurait malencontreusement fait basculer dans l'abominable camp des rétrogrades, des conservateurs, des critiques ou pire, du Mal. Les tentations sont grandes dans ce monde d'essayer le chemin de la facilité, celui-là même qui consiste à bercer tant les uns que les autres d'illusions, et à ne finalement rien faire par paresse (encore un péché capital, d'ailleurs).
Or là, c'est le drame : en acceptant ainsi d'écouter les mécréants, ces hérétiques opposés au mariage homosexuel, le président ne fait pas montre d'ouverture d'esprit. Recevoir Act-Up, distribuer des préservatifs fluos parfum vanille en conseil des Ministres, ou distribuer de généreuses subventions à cette association, ça, c'est faire preuve d'ouverture d'esprit. Recevoir les associations religieuses, entendre les arguments des opposants au mariage homosexuel, ça, c'est verser dans le parjure, frôler l'excommunication citoyenne, c'est, pour tout dire, anti-démocratique ! Ce serait comme accepter de fournir un avocat à Göring à son procès ! (Ici, le lecteur vigilant insèrera une vignette plastifiée pour Point Godwin)
De la même façon qu'il fallut, jadis, dans ces Heures Les Plus Sombres De Notre Histoire (ici, le lecteur vigilant gagne un roudoudou festif), condamner sans attendre les pires ordures que l'humanité eut produites par erreur, on ne pourra faire autrement que rejeter avec force toutes les mièvres idioties, les abominables arguments et les pathétiques pleurnichements ridicules des opposants, ces tristes reliquats aux odeurs naphtalines d'un passé largement révolu !
Pour cela, on remarquera qu'à l'évidence, ces blasphémateurs anti-mariage homosexuel sont des homophobes, et peu importe qu'ils comptent dans leurs rangs des homosexuels, traîtres voire relaps au message de paix, d'amitié et d'ouverture des associations citoyennes de promotion d'égalité des droits, des sexes, des genres, des pratiques, et des participes passé-E-s. Partant, un opposant devenu homophobe est en contravention évidente avec La Loi, qui interdit les pensées déviantes, et qui limite sainement la liberté d'expression à la Liste Officielle des Sujets Abordables et des Faits Historiques Reconnus. Pour Hollande, les recevoir ainsi, au vu et au su de tout le monde citoyen, vigilant et conscientisé, c'est un affront et c'est surtout parfaitement anti-démocratique puisque cela revient à écouter des hors-la-loi. Tout le monde sait qu'écouter des hors-la-loi, c'est anti-démocratique. Voyons. Enfin. C'est évident.
Comme, à l'évidence, la République est défaillante en laissant ainsi s'exprimer des gens à l'opinion contraire aux canons officiels, il faut agir.
C'est pourquoi les Jeunes Socialistes, qui font, comme chacun le sait, partie du Camp du Bien, ont courageusement listé ces élus qui doutaient, ces félons d'un autre âge et ces individus captieux que le monde propre sur lui se doit d'éviter : rapidement, un site pour dénoncer les homophobes était né ! Ah, quelle belle idée que ces listes d'opposants homophobes, tenues avec un soin administratif et méticuleux, qui pourront ensuite être utilisées pour marquer d'un signe clair et distinct ces déviants (attention : c'est un marquage symbolique, bien sûr, comme la liste. On est dans la figure de style, ici, hein, pas de dérapage !)
C'est pourquoi Act-Up n'a pas hésité à claquer le beignet de ces socialistes fourbes et traîtres à leur allégeance au Progrès Très Vrai et Très Bon. Georgina Dufoix, venue connement argumenter avec les opposants homophobes, aura été démocratiquement empêchée de discuter par des citoyens alertés de son passage qui ont alors déversé du faux sang pour protester contre la prise de position de l'ex-ministre sur le mariage pour tous. Après tout, l'impétrante se rendait coupable (comme le mentionnait avec ferveur le tract des courageux fanatiques militants présents sur place) :
"...de contaminations VIH, de prises de risques et de suicides chez les LGBT, particulièrement parmi les plus jeunes. Après avoir provoqué la contamination de milliers d'hémophiles, l'ancienne ministre socialiste entend aujourd'hui participer à celle de milliers de pédés."
Et c'est pourquoi on comprend dès lors la Saine Colère qui s'est emparée des mêmes militants lorsqu'ils ont appris que Hollande allait à son tour écouter le Malin susurrer dans son oreille ses douceâtres sophismes qui insèrent le doute et la confusion dans l'esprit de tous les hommes, même les plus forts, fussent-ils Présidents !
Heureusement, grâce au nécessaire abondement des finances publiques pour subventionner les associations qui défendent ainsi la Démocratie, la Liberté d'Expression et la Pluralité des Opinions politiques ou religieuses (ou un mélange rigolo des deux), ActUp peut continuer son combat. Il n'est que juste ironie que, finalement, des personnes qui leur sont parfaitement opposées se retrouvent ainsi à travailler, indirectement et par le truchement d'un impôt aussi citoyen que festif, pour ces associations et financent leurs actions. Ainsi, en 2010, Act Up a pu barboter bénéficier de 218.750 euros d'aides de l’État et de 15.000 euros des Mairies. En 2011, la Mairie de Paris a par exemple voté 50.000 euros de subventions de fonctionnement à Act Up et, en 2012, 35 000 euros supplémentaires. Tous les Parisiens, forcément homophiles et détendus de l'impôt, frétillent d'aise à cette idée.
Malgré tout, la question qui s'impose est de savoir ce qui est le plus grave, le plus lourd de conséquence : que les finances publiques permettent ainsi à des associations si ouvertement opposées à la liberté d'expression de limiter le débat, ou que ces associations puissent ainsi appeler à museler des individus sans que la presse, elle aussi massivement subventionnée, ne réagisse le moins du monde devant ces atteintes évidentes à la liberté d'expression ? Qu'est-ce qui est le plus choquant : que tout le monde doive ainsi payer pour supporter ces messages, ou que tout le monde doive aussi payer pour que la presse n'en parle pas, que le débat s'étouffe lentement sous l'indifférence calculée et consciente des médias ?
Et ces associations dont la bouche est toujours remplie de tolérance, d'ouverture d'esprit et de compréhension de l'autre l'altérité n'ont-elles pas un nécessaire devoir d'introspection pour savoir si, quelque part, elles ne vont pas un chouilla trop loin ? Ne devaient-elles pas, jadis, montrer l'exemple, et certainement pas celui de la surenchère outrancière ? Ne sont-elles pas en dehors de leur rôle lorsqu'elles empêchent, physiquement, des débats d'avoir lieu ? Sont-elles encore représentatives de quoi que ce soit, si ce n'est justement de l'intolérance, de la fermeture d'esprit et de l'incompréhension compulsive de l'autre ?
----
Sur le web