Henriette Dessaulles (1860 – 1946) : ces petites choses de notre Histoire

Publié le 24 janvier 2013 par Magazinenagg

 Revue de livre par Louise V Labrecque
 Originaire de Saint-Hyacinthe,  Henriettte Dessaulles épousa en  1881 Maurice Saint-Jacques, lequel mourut quelques années plus tard des suites d’une pneumonie.  Veuve avec sept enfants, elle se retrouve alors dans l’obligation de devoir gagner sa vie.  Sous divers pseudonymes, tant il était inconvenant pour les femmes de publier à l’époque, elle signa plusieurs papiers, dans divers journaux, notamment  Le Journal de Françoise, Le Canada, La Patrie, Le Nationaliste.  En 1911, son cousin Henri Bourassa fonda le journal Le Devoir où elle inaugura une chronique hebdomadaire : « lettre de Fadette », laquelle nous lègue pas moins de 1700 textes.
Ainsi, comment se fait-il que si peu de contemporains ne connaissent aujourd’hui cette grande dame de notre littérature québécoise et canadienne ?  En effet, en plus d’un talent littéraire remarquable, elle nous a laissé une œuvre ayant connue un grand succès à l’époque. De ce fait, certains vieux de la vieille  se souviendront peut-être de cette Fadette, laquelle entrait littéralement à l’intérieur des chaumières, en publiant  ses chroniques,  entre 1911 et 1946. Mais finalement, plusieurs en auront conservé un vague souvenir, un sourire amusé, ou une simple référence en bas de page.  Pourtant, elle en fit cinq recueils, regroupant ses meilleurs papiers, rappelant combien la condition des femmes était difficile à l’époque. Mais, c’est en lisant son journal intime, que je fus, pour ma part, happée par la beauté de cette plume, et le destin de cette femme.  En effet, l’art de madame Dessaulles possède la simplicité directe de la société qui l’inspire, s’adressant à l’intime, d’abord et avant tout.  Il faut dire que ses mots sont empreints d’une telle vérité psychologique, qu’ils rejoignent, dans la galerie de notre mémoire, des anecdotes historiques et des souvenirs de famille; tant et si bien qu’on se demande si ces personnages sont réels ou fictifs, si tout cela a bel et bien existé, tant l’écriture est ornée d’une touche discrète de poésie, ou agrémentée d’humour. En somme, Henriette Dessaulles manifeste, dans l’écriture de son journal, un talent exceptionnel pour utiliser une langue vivante, et mettre en lumière de savoureux canadianismes, sans verser dans le commun ou le vulgaire. C’est un art difficile où plusieurs auteurs de talent se sont fourvoyés. De plus, l’esprit d’observation de cette grande dame n’a de cesse de ravir les esprits, tant l’éclairage est savamment dosé, sachant faire la part des choses, montrant les défauts, mais aussi les qualités des gens, par exemple l’ardeur au travail des religieuses, l’hospitalité cordiale et sans calcul des domestiques, le tout avec un fort esprit libéral, pour l’époque.  Ainsi, il semble bien qu’il exista une autre femme derrière l’image de la sage Fadette, une femme assumant sa liberté d’être et de penser. Mais comment savoir ? Rien n’a été écrit sur elle, ou si peu.  Nous voilà donc réduit à nous contenter de lire entre les lignes, avec le peu d’informations disponibles sur sa vie, sinon que le nom Fadette fut choisi par Henriette elle-même, en référence à Georges Sand et son célèbre roman « Fadette ». Et tout le reste n’est que littérature ! Nous n’en savons rien, et je tenterai de poursuivre mes recherches à ce sujet, afin de vous en livrer les fruits, dans un prochain article. Quoi qu’il en soit, s’il y a une chose à savoir, c’est qu’il ne faut pas se fier aux apparences. En effet, sous ses allures délicates et fragiles, Henriette Dessaulles, était une femme  forte, un gant de fer, et il a fallu, de toute évidence, du courage à cette femme, pour écrire ainsi, dans l’aventure d’une vie traversée par le drame:   la perte de l’être tant aimé.
Bref, plus d’une fois j’ai songé à mes ancêtres, en lisant ce livre. Eux aussi ayant tant lutté, tant aimé la terre, les livres, la musique, et la vie; et selon leurs tempéraments respectifs, l’ayant vécue dans ce qu’elle nous offre de plus vrai, de plus beau, et cela dans nos traditions, à la fois québécoises et canadiennes.
-Dessaulles, Henriette ,  Journal, Bibliothèque du Nouveau Monde, Les Presses de l’Université de Montréal, 1989, Montréal, Québec.