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Lire mieux pour vivre mieux

Par Christian Tortel

1. REGARDER sur France 2 , ce mardi soir, 20h50, 68, documentaire de 120′ de Patrick Rotman. Mai 68, version révolte planétaire…

2. COURIR CHEZ SON LIBRAIRE. Les bons libraires peuvent avoir pour signe distinctif des sacs sur papier kraft recyclé. Des dizaines de libraires indépendants ont adopté ces cabas proposés par l’agence graphique Entre deux. Mai 68, généreux en slogans, a mis l’imagination au pouvoir, comme en témoigne un catalogue des bons et des moins bons mots des murs. Et celui-ci, il n’est pas dans la liste ? Beau slogan, non ?

3. SE MUNIR DE LA PETITE PHILOSOPHIE DU LECTEUR de Frédérique Pernin, qui nous inciterait plutôt au ” Lire mieux pour vivre mieux “…

Déjà auteur dans la même collection ” Pause philo ” de chez Milan d’une Petite philosophie du shopping, cette professeur agrégée de philosophie nous invite à flâner, du livre au lecteur et retour, dans ce lien ténu, tissé et intime qui fait d’une lecture une expérience singulière. Elle-même tisse des liens entre des lectures, entre des expériences sans limites.

Sa pédagogie talentueuse nous déroule le long d’un abécédaire qui sait se moquer de lui-même (” en soi une absurdité “) une série de quelque 26 chapitres écrit avec une légèreté de bon aloi. Mieux qu’une légèreté qui dit le ton mais pas le sérieux du propos, sa démarche capitulaire lui autorise des ” regards obliques “, comme elle dit fort justement.

La philosophe tient pour sérieux ce qui se joue entre l’auteur, le livre et le lecteur. Plus qu’au livre, elle s’attache à la lecture. L’auteur convoque le monde dans sa fiction. Il combine à sa façon, selon son regard, les éléments du réel, ou plutôt du vrai.

Le bon livre maintient en état de flottaison le lecteur qui va interpréter cette vision du monde à sa façon.

La lecture est donc un double bricolage : l’auteur propose un sens, le lecteur en dispose, en rêve, s’en nourrit, en jouit à sa guise, le gâche ou le fait sien.

Petite philosophie du lecteur est un miroir tendu qui nous permet d’en ressortir avec un bon paquet d’aphorismes, bien sentis :

Cosmos : ” La lecture a ceci de particulier qu’elle est un art de création et non de représentation. Le texte exige son propre dépassement. On ne peut en rester à ce qui est donné, il faut construire un sens à partir des signes (…) Rassembler ce qui est épars, le relier pour en recueillir le sens, cela s’appelle lire (…) Dans la lecture du livre, auteur et lecteur se partagent la tâche d’être un homme : l’un fait exister du sens, l’autre le sait et alors déchiffre les signes. “

Dictionnaire ! : ” Quand on lit un magazine, un journal, le dos d’un paquet de céréales ou un relevé de compte bancaire, on sait qu’on ne lit pas : on s’informe. “

Fin : ” Les bibliothèques et les librairies sont d’assez bonnes approximations de l’infini. “

Goût : ” Un bon livre serait un livre qui me nourrit… “

Hypnose : ” L’auteur suggère, et le lecteur rêve. “

Initiations : ” Il faut savoir courber la tête pour entrer dans un livre. “

Jardin : ” Le labeur ne garantit pas la récolte, la lecture d’un livre ne garantit pas le savoir. “

Ni… Ni : ” Ni pour se distraire, ni pour se cultiver : la vie est trop courte pour que l’on consacre du temps à de mauvaises lectures. Et le problème n’est pas tant de lire de mauvais livres que de mal lire. “

” La lecture démultiplie l’existence. “

Oubli : ” Ce que nous enseigne la fameuse madeleine de Proust, c’est que notre vrai passé est ce qui ne passe pas, ce qui n’est pas dépassé. “

” Nos souvenirs de lectures sont les témoins de ce que nous fûmes, et ce que nous sommes encore, ils sont autant de marque-pages… “

” Bien lire c’est se lire à travers ce que nous lisons. “

Polar : ” … présenter les faits que l’esprit n’a plus qu’à relier. “

Rareté : ” La lecture se meurt de la confusion entre lire et consommer. “

” Au nom de quoi également faudrait-il rester dans l’illusion de la capacité de tous à être d’emblée des lecteurs ? “

Subversion : ” Secret et solitaire, le lecteur est un être subversif. “

W.-C. : ” Il y a dans la lecture l’acceptation de l’effort, voire même de l’ennui. ”

” Le goût de chacun ne peut se former que par la recherche du meilleur et donc de la singularité. Aussi le parcours du lecteur ne peut-il être que solitaire. Le lecteur - où qu’il lise - se doit d’être, obstinément, un aristocrate. “

et, enfin :
Bûcher :

” La facilité avec laquelle on se décharge de l’effort de penser lorsque l’on attend du livre qu’il pense à notre place. ”


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