Avec Boulevard de la Mort (Death Proof), Quentin Tarantino prouve tout son amour pour le cinéma, même les séries B américaines. Boulevard de la Mort est un bel effort de mise en scène et un hommage évident aux films d’horreurs kitchs des années 70.
L’ambiance est installée dès les premières images. Avec un aspect rétro, plusieurs bandes annonces factices (réalisées par des amis de Tarantino) défilent, et nous installent alors dans le contexte des seventies. On en sent presque l’odeur du pop-corn ! Ainsi, Rob Zombie (Halloween), Edgar Wright (Hot Fuzz, Shaun of the Dead) et Eli Roth (Hostel, Cabin Fever) s’en donnent alors à cœur joie, en fabriquant ces fausses annonces de films grindhouse. Le ton est donné. Le film peut commencer, et Tarantino user de ses talents.
Il plante alors son décor. Une vieille Chevrolet Nova et une Dodge Challenger, un resto de route pour gros loubards, de longues routes poussiéreuses en lignes droites, et surtout de belles nanas, un tantinet potiches, qui, dans une première partie, semblent servir de mobilier. Il est évident que ce détail n’est pas la preuve d’une éventuelle misogynie tarantinesque, mais bel et bien un clin d’œil aux films grindhouses qui cherchait absolument à appâter le spectateur à bas coût.
Boulevard de la mort est en fait un pastiche sanguinolant des séries B américaines
Donc, Tarantino, avec un souci du détail admirable, joue la carte vintage jusqu’au bout. Et puisqu’il s’approprie également le titre de directeur de la photo, le cinéaste prend soin de recréer l’univers de série B. L’aspect pelliculaire semblait donc nécessaire, et le surlignage des couleurs également. La saturation est donc fortement poussée, et les tons vifs et brillants confèrent alors au film une allure kitch.
Associée à l’image rétro, la bande son s’avère également être un délice auditif. On retrouve les sonorités d’antan, puisque Tarantino utilise les morceaux de grands compositeurs de l’époque. Bernard Herrman (compositeur pour Pyschose), et bien sûr Ennio Morricone, mais pique aussi la BO d’anciennes séries B. Mais, l’univers musical du film ne s’arrête pas ici. Il y a là un grand travail sur le son. Le ronronnement des moteurs, le crissement des pneus, les sonneries des téléphones portables, le mécanisme des jukebox. Tout ceci participe amplement à installer l’atmosphère, et y faire entrer le spectateur. Et on pourrait ajouter une mention spéciale aux bruitages, qui lors des scènes de bagarres (on pense à la scène finale où les gnons fusent), sont amplifiées, perdent habilement de leur naturel et rappellent les coups de poing de Bruce Lee ou de Chuck Norris.
Mais tout cela fait volontairement parti de l’hommage rendu par le cinéaste aux films d’exploitations, un style presque entièrement délaissé aujourd’hui. Le scénario est bien écrit et se base sur un récit empreint de vengeance, sur fond de course poursuite. Inspiré de bon nombre de films d’époques, le scénario de Boulevard de la mort est en fait un pastiche sanguinolant des séries B américaines. Car bien sûr, Tarantino, fidèle à lui-même, use de violence. Les effets spéciaux, plastifiés comme au bon vieux temps sont souvent improbables. Le réalisateur de Reservoir Dogs et de Pulp Fiction est donc capable de déchiqueter les membres comme personne. Il chorégraphie ses scènes d’action et ne lésine pas sur l’usage d’hémoglobine par moment.
Toutefois l’humour n’est pas autant présent que dans ses précédentes œuvres. Tarantino, sans parler de « sérieux » (ce serait une hérésie), signe un film peut-être plus mature, ou du moins réservé à des adultes nostalgiques des films grindhouse. Même si donc Boulevard de la mort n’est pas le meilleur film de Quentin Tarantino et n’est pas aussi jouissif que d’autres de ses films, il reste toutefois un bel effort de mise en scène. Louable.
Terence B.
Boulevard de la mort (Death Proof) – réalisé par Quentin Tarantino – avec Rosario Dawson, Zoe Bell, Kurt Russel