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Vous en conviendrez, depuis des siècles déjà, les traditions de tous ordres stimulent les arts. Notamment ceux d’Orient sublimés par une créativité fondamentalement occidentale… En atteste Rami Al Ali qui développe une affinité certaine pour l’esthétisme. A la manière d’un Shakespeare qui s’emploie dans la littérature à mélanger et imbriquer différentes scènes de la vie, le couturier syrien imagine un design complexe, extrêmement étudié.Gatsby le magnifique : tel est le thème de sa nouvelle collection Eté 2013. L’époque des années 1920, propice au relâchement des mœurs, à l’essor du jazz et à l’enrichissement des contrebandiers d’alcool évoquent cette part du rêve américain que démontre Rami à travers ses propositions. Un monde extravagant de milliardaires, d’illusions, de conquêtes amoureuses mais aussi de mésententes, de mensonges.Le monde de "Rami-Gatsby" s’étourdit d’insolence et de finesse, d’irrespect et de subtilité, au cours de somptueuses soirées mondaines, données ici et là comme pour exorciser une décennie de restrictions encore trop présente. Telle cette époque bénie où un vent de liberté souffle fort sur une créativité artistique débordante et féroce. Les femmes s’affirment et s’exposent en société, conduite par une mode impertinente, ignorant les dictas... oui, les années folles ne sont plus très loin.Mélange allégorique de cette période faste, la collection décèle une alliance de teintes délicates; En témoigne un camaïeu de tons neutres : gris froid, beige moka et champagne. Des couleurs qui s’imprègnent aisément sur une sélection de robes uniques, admirables. Mousseline, lamé et crêpe marocain s’harmonisent précisément sur la peau et crée une silhouette fragile et inaltérable.Le travail des pompons et des franges provoquent cette allure "garçonne" audacieuse dont beaucoup de femmes mesurent encore, aujourd’hui, l’importance.Jeux de broderies savantes, correspondances de lignes droites et graphiques, inspirées du "Less is more", Rami Al Ali imagine une collection franchement élégante, surprenante de sobriété.Du très, très joli travail.
Dentelles, faille de soie, drapé antique et fourreau "sirène" ponctuent les silhouettes ultra féminines de l’orientaliste adulé Elie Saab.Le décor moderne tape-à-l’œil argent et noir installé pour le défilé contraste avec l’antique verrière du Pavillon Cambon qui abrite en ce début d’après-midi plusieurs centaines de personnes riches et célèbres… ou non, venue embrasser à corps perdus, l’univers sophistiqué et envoûtant d’Elie Saab. Marie-Josée Croze, Dita von Teese, Clothilde Courau ont adroitement foulé le podium de Saab le grand, disparaissant littéralement sous une nuée ravageuse de photographes. La lumière abandonne les personnalités. Une silhouette spectrale vient d’apparaître sous le regard appuyé des journalistes. Le spectacle commence… Sur une illustration sonore signée Michel Gaubert, une combinaison en crêpe de soie blanche capte l’attention des photographes qui trépignent, impatients, d’en voir plus. La fraîcheur d’un jardin printanier se matérialise par les quelques robes courtes crinolines qui ne sont pas sans rappeler un temps révolu, celui des années 1950.Les tenues en tulle de soie offrent un somptueux tableau de couleurs pastel. Les coiffures chignons bas nuques accentuent le raffinement de la présentation.Après le bleu ciel de la soie, une aurore boréale de rose pâle. Les mannequins défilent dans les allées de ce paradis imaginaire vêtu de robes empire en tulle scintillant. Le piano accompagne le froissement d'un crin/dentelle: une mariée immaculée dotée d’une longue traîne, brodée de perles et paillettes s’avance. Elle achève la parade printanière du célèbre couturier... Ainsi s’achève le doux rêve enchanteur.
Invitée d’honneur de la semaine de la Couture, la jeune Yiqing Yin a présenté vers 17h une collection inspirée par l’artiste et architecte Naum Gabo. Pur créateur, l’homme est réputé pour sculpter d’imposantes oeuvres, presque immatérielles, occupant ainsi l’espace sans l’envahir. Parfois floues et/ou structurées, les silhouettes fantomatiques imaginées par Yiqing Yin sont presque dérangeantes, mais sans brutalité, à l’image du travail de son complice. Les couleurs sont fanées, grisées, oxydées, du blanc opalin en passant du rouge cinabre au cyan. Les milles et un nœud de cordages, de festons et autres passementeries désorganisent la structure de certains vêtements. Les velours dévorés, les défauts qui n’en sont pas font naître une émotion d’outre-tombe.Les volumes fondent, donc, le point d’équilibre de la collection. Un jumpsuit en crêpe noir noué-dénoué, une robe en laine et soie feutrée sur gazar drapé, une cape en plumes d’autruche rongées à l’acide, un fourreau noir juste parcouru d’une couture comme une cicatrice… chaque pièce évoque une réflexion sur le mariage des contraires, sur une observation des apparences trompeuses.Yiqing Yin aime les états fluctuants de la matière et le prouve ce soir.Histoire de révéler que rien n’est figé, ni impossible dans le temps.Fabrice GilDemain : Zuhair Murad, Hervé L. Leroux et Rad Hourani