Il y a peu de sociétés dans le monde où le rôle de la musique et des danses est aussi important qu’au Mali. C’est au rythme de la musique traditionnelle que les Maliens naissent, s’épousent, déclarent leur flamme, débattent, meurent... Depuis la prise du nord par les islamistes, les mariages sont silencieux, et les griots, les musiciens, privés de leur raison de vivre, contraints à l’exil.
Les jihadistes ne se sont pas contentés de détruire à coups de masse les monuments de Tombouctou, ils ont également interdit en août dernier la diffusion de toute musique profane – musique traditionnelle et musique occidentale – sur les radios privées, et même pour les sonneries de téléphone portable.
ALI FARKA TOURÉ ET RY COODER - AI DULes griots, gardiens de la tradition malienne
Depuis octobre, les groupes islamistes ont poussé plus loin encore la censure : en imposant la loi coranique aux habitants, la musique ancestrale jouée par les griots – chanteurs et conteurs africains – a elle aussi été bannie.
Bien plus que de simples musiciens, les griots étaient les gardiens de la civilisation malienne, conseillers des dirigeants et médiateurs en temps de conflit. Depuis la prise des deux tiers du pays par Ansar Dine et ses alliés, tout cela a été, dans le meilleur des cas, mis entre parenthèses.
Même le célèbre Festival au Désert a été contraint de s’exiler au Burkina Faso pour pouvoir mener à bien sa 13e édition. Cet exil complique la vie de nombreux musiciens du nord du pays, à l’image du groupe nomade touareg Tinariwen, pour qui le festival était le seul moyen de rayonner au-delà des frontières maliennes.
Clubs fermés, concerts annulés
Dans une interview donnée au Guardian, le directeur malien du festival, Manny Ansar, a exprimé son désarroi face à la situation de son pays :
« J’ai honte que ce qui s’est passé se soit passé, et que ça ait été provoqué par des gens se disant musulmans, comme moi. Les milices coupent la musique pour imposer leur autorité, pour que rien ne les menace. C’est pourquoi ils s’attaquent aux chefs traditionnels et aux musiciens. »
Il ne s’avoue cependant pas vaincu :
ENTRETIEN AVEC DAMON ALBARN ET AFEL BOCOUM SUR LA SITUATION AU MALI« Le son brutal des armes et des cris de l’intolérance ne peuvent pas taire le chant des griots. Le Festival au Désert doit survivre à tout ça. »
Dans une autre interview au Guardian, Bassekou Kouyate, un des plus grand joueur de n’goni au monde, décrit la précarité de la situation dans le sud du pays : les musiciens maliens sont incapables de travailler depuis que les clubs ont fermé et que les concerts ont été reportés ou annulés.
« Le gouvernement est nerveux et a peur qu’il y ait une attaque terroriste lors d’un rassemblement public. Ils demandent à tout le monde d’attendre que la situation dans le nord se soit calmée. »
Interrogé à propos de l’intervention militaire française, il se montre optimiste et reconnaissant :
« Ils ont sauvé l’Afrique. Ils ont sauvé le Mali des islamistes. Je vais acheter un drapeau français pour l’accrocher devant ma maison, pour dire merci. C’est ce que nous, Maliens, ressentons aujourd’hui. »
Toumani Diabaté, Salif Keita, Ballaké Sissoko
Voici quelques morceaux des artistes les plus emblématiques des musiques du Mali :
BASSEKOU KOUYATE - NGONI FOLA FATOUMATA DIAWARA - WILILE BALLAKE SISSOKO & VINCENT SEGAL - MAMA FC TOUMANI DIABATÉ ET MANGALA CAMARA - MALI SADIO SALIF KEITA - TOMORROW (BO DU FILM « ALI ») SAMBA TOURÉ - KADHOGOLE AFEL BOCOUM & ALKIBAR - ALÍ FARKA