La tatoueuse rennaise Virginie Javoise, alias Miss Atomik, confirme. La moitié de la clientèle de son « shop », Atomik Tattoo, est féminine. Et pas seulement parce qu’elle est femme. Les coups de fil passés à ses confrères masculins l’attestent. Environ 50 % des tatoués sont désormais des tatouées.
Son collègue le tatoueur parisien Mikael de Poissy réalise souvent de grands tatouages sur les membres antérieurs de jeunes femmes.
« Que les femmes se fassent tatouer, ce n’est pas nouveau, rappelle Miss Atomik. En France, l’explosion du tatouage a dix ans. Mais maintenant, elles hésitent moins à se faire de grosses pièces. »
Virginie Guinard, 26 ans, titulaire d’un BTS de management, blonde adepte des arts martiaux, déjà porteuse de deux petits tattoos, a la moitié du dos couverte d’une geisha tenant un katana (sabre) et des fleurs de cerisier : « Il a fallu quatre séances de quatre ou cinq heures. La douleur est très intense sur le moment, mais on oublie vite. Je l’ai fait pour moi. Mes parents ont eu du mal au début. Je pense faire d’autres tatouages, eux aussi invisibles si je suis habillée. »
Bien des choses évoluent dans le monde de l’art corporel. Le tattoo tribal en bas du dos tend à disparaître. Tant mieux, les anesthésistes refusent parfois de pratiquer une péridurale si le bas de la colonne vertébrale est encré. L’épaule, la cheville ou la poitrine sont moins en vogue. La tendance est aux omoplates, à la nuque, aux flancs ou à l’intérieur du poignet. Dauphins et papillons laissent place aux fleurs, aux phrases poétiques ou aux motifs en arabesque.
Valérie Merluzeau, jolie brune de 33 ans, s’est fait tatouer cet été une arabesque sur le dos : « Je viens de changer de travail, je n’ai pas eu de vacances. Ça tombe bien. Avec un nouveau tatouage, il faut vraiment éviter le soleil. »
Le tatouage est à la mode et les modes sont souvent impulsées par des stars. La chanteuse R’n'B Rihanna est la plus influente. Sa pluie d’étoiles sur la nuque, ses écritures en sanskrit sur la hanche, ont suscité bien des émules. D’autres engouements ont des origines moins évidentes. « On nous demande beaucoup d’envolées d’oiseaux ou de clés baroques, on dirait que les filles se passent le mot », souligne Franck, l’associé de Miss Atomik.
La plupart des tatoueurs professionnels posent des limites. « Pas de tatouages sur les mineures, pas sur le visage, et si une jeune femme vient me demander un tatouage du doigt, comme Rihanna, je refuse, assure Miss Atomik. Même si je sais qu’elle pourra le faire ailleurs. » Les kits de tatouage se vendent sur Internet, et le tattoo clandestin prolifère.
Les très jeunes femmes ne sont pas seules à adopter un premier tatouage. Autre profil typique de la nouvelle tatouée : une femme entre 30 et 45 ans, qui veut réaffirmer sa séduction ou « après une séparation, reprendre possession de son corps. »
Véronique Penchant, 39 ans, enseignante de français-latin en collège s’est séparée de son compagnon en 2009 : « Plutôt qu’un psy, le tatouage m’a permis de passer à autre chose. » Un premier dessin plein de symboles : « Une hirondelle tenant une bande de cassette dans le bec. L’hirondelle, c’est la famille, la fidélité. La cassette, c’est la musique qui m’a toujours beaucoup aidée. » Depuis, deux autres tatouages ont marqué sa peau. Comme Virginie et Valérie, elle admet que « ça devient presque une addiction ».
Ah, une confirmation pour finir. « Oui, dit Miss Atomik. Les filles appréhendent plus la douleur que les garçons, mais la supportent mieux. »