Un jour, nous recevons un e-mail des plus polis, d’un artiste que nous ne connaissions pas. Thomas Mainardi. En visitant son site, nous sommes frappés par l’évidence du talent et hypnotisés par les couleurs et l’identité forte des peintures. À tous les niveaux, le travail de Thomas se promène comme un équilibriste sur une frontière. Toutes les frontières. Celles du style, du beau, du sens…
Alors, rien de plus normal que de répondre à ce courrier avec autant de courtoisie, et de glisser deux ou trois questions au passage pour mieux connaître cet artiste Lillois de 29 ans.
-Difficile de définir ton style. Il y a quelque chose du street art, évidemment, du pop art. Comment te définirais-tu ? Parle nous de ce concept de Pop Expressionnisme.
Merci je prends ça comme un compliment, n’aimant pas trop rentrer dans les cases. Pour autant, je trouve que c’est tout de même assez bien défini comme vous l’exprimez… C’est indéniable, je pense, qu’en tant qu’artiste, nous sommes aussi influencés. Le Pop Expressionnisme, que je qualifie d’hybride, est à la croisée de différents mouvements qui s’entremêlent dans mon travail, entre Pop Art, mais aussi avec des influences certaines de l’art urbain ou de l’Expressionnisme abstrait. Mais c’est aussi un travail personnel expiatoire et introspectif qui me soulage car frôlant souvent mon inconscient.
Mon travail est aussi très graphique. Je pense que c’est ce qui frappe l’œil du spectateur ou du visiteur lors d’une exposition, en plus de couleurs vives très singulières. Leur attention est captée par l’émotion forte qui passe par les regards ou les mises en scène, les cadrages… Des attitudes provocatrices, lascives ou sensuelles et les couleurs qui offrent à chaque œuvre son univers propre.
Des codes graphiques reviennent aussi couramment dans mon travail (les couleurs bleu et rose, les plumes, les cœurs, les croix, Paris, l’érosion des textures, les lignes, les coulures…).
Pour faire simple, je le définirais comme la sensibilité de l’expressionnisme conjuguée à l’impact graphique et chromatique du Pop art, avec un style très contemporain urbain.
-Il y a aussi un aspect engagé, social dans ton oeuvre. Qu’on ne perçoit pas forcément tout de suite, comme si les couleurs acidulées masquaient la réflexion.
Je fonctionne par phases, en fonction de mes envies ou besoins de peindre du moment. Parfois, je m’oriente vers une démarche purement esthétique, parfois je donne davantage à la toile une dimension conceptuelle en y laissant transparaître des codes et des messages secondaires ou entrelacés, que l’on ne perçoit pas forcément à la première lecture. Des séries comme celle des enfants soldats sont bien sûr nettement moins légères, voire plus engagées.
J’ai de plus en plus tendance à faire jouer les contrastes et les ambivalences entre le bien et le mal, la violence et la douceur, l’amour et la haine, l’éphémère de l’existence et l’immuable de la mort, toujours pour coller d’avantage à ma vision si complexe de l’être humain, qui est et reste ma source première d’inspiration.
-Quelles sont tes influences ?
La vie elle même me semble être la plus juste réponse, bien que banale. Précisément ce qui se passe autour de moi.
Mes inspirations forment en quelques sortes, un prisme aux multiples facettes, formé de l’Humain et de son identité actuelle au sein des différentes sociétés à travers le monde, le plus souvent en occident.
Des notions sont récurrentes. Comme celles qui ont trait aux déviances ou qualités de l’Homme : le pouvoir, l’argent, la guerre, la superficialité, la séduction, la passion, la peur, le doute, la rage, le sacrifice, ou encore l’amour… Mais aussi les points sur lesquels faire réagir les gens tels que le respect de la nature, les droits de l’homme, l’individu face aux phénomènes de masse, l’égocentrisme qui naît de la médiatisation galopante, la recherche de la notoriété, le culte de la personne, etc…
Les œuvres d’artistes passés ou contemporains, que je trouvent éminemment talentueux dans leurs domaines respectifs ( Klimt, Delacroix, Rothko, Warhol, Sheypard Fairey, Swoon, Pascal Vilcollet, Jonas Burgert, C215, Françoise Nielly, pour n’en citer que quelques uns…).
-Qu’est ce qui t’attire tant dans le portrait ? Ou plutôt, dans le visage ?
J’ai commencé en peinture par le travail des matières et des couleurs. La liberté de champ était quasi illimitée et cela comblait ce besoin d’expression forte que je ressentais à l’époque. J’ai pu perfectionner mes techniques en démarrant ainsi, mais assez rapidement le besoin de figurer l’âme de l’être humain de manière plus directe s’est fait irrépressiblement ressentir et je n’ai eu d’autre choix que de me plier à cette nouvelle orientation dans mon travail. Aujourd’hui, je me sens épanouis, complètement en phase avec mon travail.
Le visage et plus précisément le regard est la fenêtre de l’âme, comme l’exprimait Georges Rodenbach. Je pense que c’est très vrai. La beauté, la joie, le mystère, la mélancolie, la dureté ou la rage véhiculés par les expressions d’un visage me fascinent et sont pour moi un sujet d’étude passionnant et une source d’inspiration permanente.