Si l’on en juge par l’image ci-dessus, l’article le plus fréquenté de ce blog ces 30 derniers jours est celui du 20 décembre 2012, Pour une nouvelle culture de l’action publique, celui où je diffusais le dernier texte d’orientation politique de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture.
Cette même organisation vient de publier le communiqué suivant
Sur la voie d’un approfondissement de la co-construction des politiques culturelles entre l’Etat et les collectivités territoriales.
Ces dernières années ont vu l’émergence d’une modification en profondeur des relations entre l’Etat et les collectivités territoriales en matière de politiques culturelles. Malgré un héritage de forte centralisation et à la faveur de la poussée progressive de la décentralisation depuis les années 80, la collaboration entre le ministère de la Culture et les collectivités territoriales a pris une réalité croissante d’autant plus significative que le domaine culturel apparaît comme l’une des matrices les plus fertiles de la concertation entre l’Etat national et l’Etat local.
Ce changement de culture dans la gouvernance s’est en particulier traduit par la réactivation du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC) – une initiative dans laquelle la FNCC a joué un rôle moteur. Plusieurs initiatives récentes vont également dans ce sens :
Lire l'intégralité du communiqué Janvier 2013 de la FNCC
Comme je l’ai déjà fait au cours de la vie de ce blog, je saisis cette heureuse occasion pour diffuser une très récente synthèse des analyses on ne peut plus éclairantes de Jean Michel Lucas sur ces questions relatives au sens politique des politiques publiques de la culture.
COMMENT REPENSER LES MISSIONS DU SERVICE CHARGÉ DES ENJEUX CULTURELS PUBLICS ?
SYNTHÈSE DES INTERVENTIONS DE JEAN MICHEL LUCAS DANS PLUSIEURS COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
AU COURS DU DERNIER SEMESTRE 2012
Vous êtes engagés dans une réflexion sur les bonnes raisons pouvant consolider les missions publiques de votre service culturel. Je voudrais vous proposer d'abord d'examiner les argumentaires qui sont actuellement à votre disposition. Ce sera une revue très critique dont je déduirai la nécessité de penser autrement vos responsabilités culturelles. Je vous suggérerai alors d'ouvrir le chemin des droits culturels en centrant les activités du service sur les enjeux du « développement humain ».
Il y a, bien sur, d'autres bonnes raisons de justifier une politique culturelle.
L'une des pistes les plus prometteuses est celle qui associe la culture et le développement durable. Là encore, c'est du sérieux pour le futur des humains. La responsabilité publique n'est rien moins que d'éviter le désastre d'une humanité maîtrisant très mal le futur de la planète et qui doit impérativement laisser aux générations à venir de quoi « satisfaire leurs propres besoins ».
L'agenda 21 de la culture a synthétisé cette approche globale et donc complexe, en mettant l'accent sur l'exigence de co-construction de la politique culturelle, avec des préoccupations fortes de transversalité associant le secteur culturel avec les autres secteurs de la vie publique, avec l'ambition de couvrir l'ensemble du territoire (et pas seulement les centres des villes), avec l'impératif de solidarité et de vivre ensemble (ou de lien social ) et sans oublier la volonté de renforcer la démocratie dans l'élaboration, le suivi et l'évaluation de la politique culturelle.
Pour ma part, je considère que cette approche est très positive au sens où elle offre une base de légitimité pertinente aux politiques culturelles, dans un horizon élargi aux préoccupations planétaires de solidarité intergénérationnelle ( Penser global, agir local, pour aujourd'hui et demain).
Toutefois, j'ai observé deux phénomènes qui m'ont conduit à être extrêmement critique, mais pour la bonne cause, évidemment. D'abord, et cela n'a échappé à personne - l'équipe de Vincent Dubois l'a transcrite en livre récemment - l'idée de développement durable lié à la culture devient vite diluée dans la considération du développement de l'avenir du territoire. Aussitôt, la discussion sur la politique culturelle territoriale glisse vers les « clusters » et autres « quartiers de la création », comme on dit à Nantes, avec des événements phares qui attirent le regard et renforcent l'image de marque du territoire auprès des investisseurs. La machine à argumenter la politique culturelle tourne alors de mieux en mieux, mais elle n'a d'yeux que pour la mise en marchandises des objets du secteur culturel. Dans cette direction, se généralise l'argumentation des bienfaits apportés par l'acteur culturel à l'attractivité du territoire.
Cette légitimité de l'intervention culturelle est maintenant bien partagée par les élus comme par l'opinion, car il est admis que le secteur culturel recèle un grand réservoir de formes et d'idées nouvelles propres à relancer l'économie en crise. La culture et le développement durable n'ont plus aucun scrupule à devenir de la « croissance durable de l'économie », de « l'emploi durable », quand ce n'est pas du « tourisme durable ».
Regardons ces extraits d'une délibération de mai 2011 du Parlement européen, quasi unanime, qui « reconnaît l'impact, la compétitivité et le futur potentiel des industries culturelles et créatives en tant qu'important moteur de croissance durable en Europe susceptible de jouer un rôle déterminant dans la reprise économique de l'Union européenne ». Observons aussi que le Parlement européen « souligne que les industries culturelles et créatives contribuent souvent à stimuler la reconversion des économies locales en déclin, à favoriser l'émergence de nouvelles activités économiques, à créer des emplois nouveaux et durables et à accroître l'attractivité des régions et des villes européennes, dans un objectif de cohésion sociale et territoriale »
Je suis toujours impressionné ( lire : « péniblement étonné ») par cette position unanime des représentants élus des 27 pays de l'Union, car elle donne un sens unique à la politique culturelle : celui de soutenir la « culture utile ».
Il n'y a pourtant rien de surprenant dans cette glissade de l'intérêt général culturel vers les seules valeurs monnayables apportées par les acteurs du « champ culturel », au détriment des « oeuvres de l'Humanité ». En effet, ces acteurs professionnels ont fait l'erreur de se présenter à la société en affirmant être des offreurs de biens spécialisés dans les expressions artistiques et culturelles de valeur. Du coup, en boomerang, la société organisée par les règles marchandes leur répond : « puisque vous offrez des biens demandés par des consommateurs, la valeur des activités de votre secteur professionnel doit s'apprécier, comme partout ailleurs, par les contreparties monétaires que vous obtenez de la vente de vos produits ».
La « culture » devient un ensemble de produits relevant d'un secteur d'activités offertes sur des marchés spécialisés. Vous regardez « la culture » et vous voyez une « marchandise ».
Télécharger l’intégralité de la contribution de Jean-Michel Lucas
Rappel :
La Cité des sens a publié, le 20 décembre 2012, le dernier texte d’orientation politique de la FNCC
en renvoyant au texte de Jean-Michel Lucas Culture et décentralisation Une réelle perspective de changement
Fils d'actualités très vivement conseillés :
La lettre du réseau culture sur Territorial.fr
Le "netvibes" de l'Observatoire des politiques culturelles
Complément d'objet, la page d'actualités du Ministère sur de développement culturel
Les net-actualités sur le site d'Arteca
Le tableau de bord des Think tank (Netvibes)
Le calendrier francophone en sciences humaines et sociales, Calenda
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