Raphaël Turcat, rédacteur en chef de Technikart se prête à notre interview stratégique… 50 % Politique 50 % Marque
Darkplanneur : « Peux tu nous donner une définition en 140 caractères de la gauche Converse ? »
Raphaël Turcat : « La gauche Converse, c’est la fille de la gauche caviar qui a remplacé le pouvoir du fric par celui des médias. »
D: « Où en est le concept de gauche Converse début 2013 ? »
RT : « Il est plus que jamais en pleine forme : Demorand à «Libé», Fleur Pellerin au gouvernement, Stéphane Guillon qui se propose d’organiser les nouvelles élections UMP sur son compte Twitter… Pulvar, c’est un peu la lose mais je ne me fais aucun souci pour son avenir. Tu sais, la gauche Converse, a beau se positionner comme une rebelle, une jolie fille qui agit contre le pouvoir et les élites, elle EST fondamentalement le pouvoir et les élites. Il faudrait par exemple offrir un chien à Audrey Pulvar qui pousse l’aveuglement jusqu’à annoncer dans les Inrocks qu’elle dérange. Mais elle dérange qui, au juste, avec son conformisme atterrant ? En quoi change-t-elle les choses telles qu’elles sont établies ? Non seulement elle se «bat», comme elle dit, pour des valeurs que seule l’extrême droite rejette – et encore –, mais elle bénéficie de tribunes très visibles même après son fiasco aux Inrocks. »
D: « Quel est le poids sociologique de la gauche Converse ? »
RT : « Celui de la bourgeoisie. Attention, je n’ai fondamentalement rien contre les bourgeois, j’en suis moi-même un par certains aspects, mais il est inconsciemment tentant de reproduire les réflexes des classes sûres de leur fait, de balancer ses vérités avec une arrogance de caste. Jean-Pierre Le Goff, un sociologue pas manchot sur l’histoire de la gauche dit ceci: « Ce qui me révolte chez une partie de la gauche, c’est son incapacité à comprendre de l’intérieur une mentalité populaire et de vivre dans un univers coupé du sens commun. » Quand tu vois Pulvar agressant Miss France sur le plateau de « Vous trouvez ça normal ? », tu as tout compris : c’est dans ses gênes, elle ne peut pas s’en empêcher. »
D: « François Hollande est-il gauche Converse ? »
RT : « Non, François Hollande, c’est plutôt la gauche Dia, sympathique et un peu cheap avec une politique de coûts qui s’adapte à celle de ses concurrents, des étalages pas toujours au top, mais ça fonctionne plus ou moins : si on en ressort toujours un peu déçu, au moins on ne s’est pas fait matraquer par l’addition. Enfin, tout dépend de tes revenus.
D : « Quel est le rapport de la gauche Converse aux impôts, au mariage gay ? »
RT : « Elle est évidemment pour ! C’est même une aubaine pour elle : non seulement elle est dans le camp de la majorité mais elle bénéficie en plus d’une image de rebelle à l’ordre établi car les opposants minoritaires font un tel bruit qu’on a l’impression qu’ils sont plus nombreux. »
D: « Valls est-il l’anti-Gauche Converse ? »
RT : Valls, c’est encore autre chose. Lui, c’est la gauche Prada, comme nous l’avions définie dans « Technikart » en 2009 : ambitieuse, efficace, issue d’une famille artistiquement évoluée – grand-père architecte, père peintre, maqué à une violoncelliste, vacances en Toscane… Il mène une politique de droite à gauche, autant te dire qu’il ne se range pas au même endroit dans le placard à chaussures.
D: « Peut-on parler d’une droite Berluti à propos de la droite décomplexée ? »
RT : « Ah ah, tu veux absolument me cataloguer politologue des fringues ? Bon, oui, on peut dire ça de la droite décomplexée, qui n’a d’ailleurs de décomplexée que le nom et je vais t’expliquer pourquoi. Depuis que les sociaux-démocrates ont cassé le lien qui les unissait au peuple, la droite est devenue populiste et doit à tout prix cacher son ADN pour ne pas effrayer ses nouveaux électeurs. Pour y parvenir, elle essaie donc de faire passer ses Berluti pour des André. Regarde Copé, aujourd’hui chef de cette droite : il joue sans arrêt au bon gars de province, simple et plein de bon sens, « loin de l’esprit germanopratin » comme il le répète sans cesse. Pas de bol, si tu regardes son parcours, il a grandi à l’école bilingue dans le XVe, puis au lycée Victor-Duruy dans le VIIe, puis à Sciences-Po dans le VIe. Pendant toute sa scolarité, le mec s’est rapproché géographiquement et inexorablement du boulevard Saint-Germain où, je te le donne en mille comme disait ma grand-mère, siège la boutique Berluti. «