Fauve - ≠
Longtemps je me suis couché de bonne heure. En écoutant Vivaldi, les Beach Boys, Simon & Garfunkel. La musique, c’était le bien chanté, le souffle maitrisé, l’harmonie. Souvent je ne comprenais pas tout de ce que le chanteur chantait. Mais peu importe, j’aimais la mélodie, le rythme, la prosodie.
Et puis un jour d’insomnie, j’ai découvert Gainsbourg. Bashung, Christian Olivier, Reggiani… On me parlait dans le poste. Et ça ne gâchait en rien le son du phonème, la merveille de l’articulation harmonieuse. L’euphonie donc. Et en outre je découvrais le fond sublimé par la forme, le fait d’associer des sons au sens qui me rendait soudain secrètement dépositaire d’un grand secret : si comme l’envisageait le fumeur de Gitanes la chanson n’était qu’un art mineur, son pouvoir d’évocation était majeur. Et si j’adore toujours me trémuler en anglais sur le Yellow Submarine, je me pâme comme jamais sur une formule concise et vérifiable d’un Belin, Boogaerts, Nataf.
Et puis, et donc après, le spoken word. Gainsbourg encore, Arthur H, ailleurs Gil Scott Heron. Enfin la parole qui se bat contre, ou s’inscrit dans la ligne mélodique. La vengeance du verbe. Parler en musique vaut parfois plus qu’un hymne fédérateur, modulé en tierce chorale. L’histoire du rap, du hip-hop, par exemple, mais pas que. Parler en musique, c’est aussi et surtout rappeler que le verbe fait sens, qu’on peut démantibuler à la fois un bassin et une âme. J’ai donc eu peur quand de grands corps malades ont osé faire rimer marée et soirée, destinée et aimer…
Quand est arrivé dans le paysage Fauve. Apparition d’une réforme de la bien-disance, phrases du quotidien à sec, qui touchent et vont au plus profond. Toutes les sornettes de métaphores mille fois vues humiliées sur le champ. Fauve avec Nuits fauves, Kané, Sainte Anne repensent le fond et la forme.
C’est la poésie dégueulée qui renverse, ou qui joue avec son lot de lieux communs. Qui dit vrai qui dit juste, l’harmonie pour compagne. Il y a peut-être une forme de stratégie cynique derrière tout ça. Mais alors, pourquoi personne n’y a pensé avant ?
Nuits fauves :
Kané :
Saint-Anne :
Allez voir aussi 4000 îles. Belle preuve d'une formation à suivre...