On me disait il y a peu qu’il n’y avait plus de solidarité
entre polytechniciens. Même au sein des corps les plus prestigieux.
Dans ma jeunesse, cette solidarité me semblait un peu
ridicule. Deux polytechniciens qui se rencontraient se tutoyaient, et pensaient
immédiatement du bien l’un de l’autre. N’appartenaient-ils pas à une élite que
le monde nous enviait ? Lorsqu’un polytechnicien dirigeant avait besoin d’un
spécialiste de quelque chose, il appelait un camarade qui avait la dite
spécialité. Jamais il n’était question d’argent. On était au dessus de cela.
Mais les factures étaient réglées.
Depuis, j’ai changé d’avis. Le réseau des polytechniciens
était un réseau de confiance. On y trouvait des gens extrêmement compétents et
peu coûteux, en particulier si l’on considère les salaires pratiqués de nos
jours. Dans ces conditions, il était rationnel que l’on fasse appel à eux les
yeux fermés. Mieux : pas besoin de chercher, d’évaluer… on trouvait la
bonne personne tout de suite. Un rêve. Tous ceux qui ont cherché un artisan savent de quoi
je parle.
Eh bien, il me semble qu’un enjeu important de notre avenir
est de reconstruire de tels réseaux.