C’est le mail qui tourne en ce moment dans les réseaux écologistes. Très succinct, j’ai donc reçu au moins 5 fois ce petit message dans ma boîte.
« L’Europe lance une consultation sur l’Agriculture Bio et les OGM »
C’est disponible et à remplir sur le site de l’UE.
Une vingtaine de questions, ce sera parfait pour la pause du déjeuner. Et avec la fierté de me sentir citoyen européen, je m’apprête à remplir le questionnaire comme on renseigne sa fiche d’imposition.
Hélas ! Au fur et à mesure que j’avance, je n’en finis plus de grimacer. C’est cela une consultation européenne sur un sujet aussi important à
Intitulée sobrement « Consultation en vue du réexamen de la politique européenne relative à l’agriculture biologique », un esprit un peu avisé comprend que ledit réexamen relève plutôt de la mise en charpie.
Voici dans le texte les thèmes qui seront abordés:
- Simplification du cadre juridique sans affaiblissement des normes
- Coexistence des OGM et de l’agriculture biologique
- Amélioration des systèmes de contrôle et des régimes d’échanges des produits bio
- Impact des nouvelles règles d’étiquetage
Lu comme cela, on signe tout de suite et des deux mains non ? Sauf le deuxième item quant à la coexistence OGM/bio qui, de fait, avalise l’agriculture génétiquement modifiée bien que celle-ci, rappelons-le, est massivement rejetée par les populations.
Deux remarques sur la forme.
1) Aucun email ou nom n’est demandé. En résumé, n’importe quel lobby peut engager un système de flooding pour fausser les résultats. Quelques rudiments informatiques permettent au premier venu de programmer un remplisseur automatique pour ce questionnaire.
2) Les cases « autre suggestion » semblent être là à titre ornemental puisque l’on ne peut jamais écrire de suggestion.
Quand le raisin perdait la raison
Quelques questions fallacieuses issues du questionnaire :
Vérifier l’absence de résidus de pesticides dans tous les produits bio augmenterait les coûts de production, et donc le prix de ces aliments. Faudrait-il quand même rendre cette mesure obligatoire?
Si l’on est d’accord pour dire que l’intérêt de la bio, c’est quand même le non recours aux pesticides, on ne comprend pas pourquoi l’Union Européenne s’interroge sur la nécessité de contrôler les résidus. Rappelons que pour être certifié bio, un agriculteur subit en principe deux contrôles annuels : un prévu et un inopiné. En général, il s’agit de contrôle plus comptable et administratif pour vérifier qu’aucun pesticide n’a été commandé. Les prélèvements en aval sont rares et plutôt le fait d’associations engagées.
Souvenons-nous de cette histoire révélatrice où le mouvement associatif Générations Futures était assigné en justice par la fédération du raisin (affilié au syndicat agricole FNSEA) pour avoir publié les résultats d’une analyse sur des raisins. 5 ONG européennes, dont Générations Futures, avaient donc mis de leur poche, pour révéler que les raisins vendus en supermarché contenaient beaucoup trop des pesticides. Et parfois plus que ce qu’indique les normes conventionnelles !
Le taux de résidus de pesticides dans les produits bio devrait-il être fixé à un niveau inférieur à celui des produits classiques?
J’ai du relire trois fois cette question pour bien comprendre. Y a-t-il un piège à La réponse est évidemment oui. Mais plus surprenant encore, la réponse devrait être : aucun résidu de pesticides dans les produits bio… sinon ce n’est plus bio. Alors bien sûr il y a l’histoire de la bouillie bordelaise autorisée pour la vigne même en bio (mais en plus faible quantité). Mais on est d’accord pour parler des pesticides au sens de ceux qui pénètrent la plante. Lesquels ? Je sais pas moi, ceux-là par exemple. Ceux qu’on retrouve dans l’étude sus-mentionnée.
Acrinathrin, Azoxystrobin, Bifenthrin, Boscalid, Brompropylat, Carbendazim, Chlorpyrifos, Chlorpyrifos-methyl, Cyfluthrin, Cypermethrin, Cyprodinil, Deltamethrin, Dimethomorph, Endosulfan, Ethofenprox, Fenazaquin, Fenhexamid, Fenitrothion, Fludioxonil, Flufenoxuron, Flusilazol, Folpet, Hexythiazox, Imidacloprid, Indoxacarb, Iprodion, Iprovalicarb, Kresoxim-methyl, lambda-Cyhalothrin, Lufenuron, Mepanipyrim, Metalaxyl, Methiocarb, Methomyl, Methoxyfenozide, Metrafenone, Myclobutanil, Penconazol, Propargit, Pyraclostrobin, Pyrimethanil, Quinoxyfen, Spinosad, Spirodiclofen, Spiroxamin, Tebuconazol, Tebufenpyrad, Tetraconazol, Triadimenol, Trifloxystrobin, Zoxamid,…
Autre question sur-réaliste
Le seuil au-delà duquel une éventuelle présence accidentelle d’OGM doit être indiquée sur l’étiquetage des produits bio devrait-il être inférieur au seuil autorisé pour les produits traditionnels?
Bah non pardi ! Il devrait être supérieur. On voudrait que pour la bio, les OGM soient davantage tolérés bien entendu !
Blague à part, n’est-ce pas déjà une nouvelle étape dans le processus d’acceptation que les OGM pourront contaminer tout, surtout la bio. On se souvient que lors de l’harmonisation européenne le seuil d’OGM dans la bio était passé de 0,1% à 0,9%. Mais évidemment toutes ces contaminations seront accidentelles…
La bio c’est bien mais c’est contraignant…
En tant que consommateur, seriez-vous disposé à payer un prix plus élevé pour les produits bio, si cette augmentation résultait de la baisse du seuil au-delà duquel la présence éventuelle d’OGM doit être indiquée?
Avec cette question, on a compris où l’Europe veut en venir. En d’autres termes : « Chers consommateurs, il va falloir choisir. Plus d’OGM dans la bio moins cher ou de la bio ultra-chère pour les ayatollahs verts que vous êtes à refuser le progrès technique ! » Forcément, avec une telle alternative… on a la sensation que ce n’est plus une consultation mais un ultimatum !
Les dérogations aux règles de production accordées aux agriculteurs et opérateurs devraient-elles toujours être temporaires?
Si les dérogations existent en bio, c’est bien pour des circonstances exceptionnelles. On ne voit pas bien pourquoi elles devraient cesser d’êttre temporaires. En même temps, on vit bien en Vigi-pirate depuis 1991, c’est à dire que nous sommes dans un dispositif d’urgence et dérogatoire censé être temporaire… depuis 22 ans ! Mais c’est un autre sujet. Non ?
Je vous laisse à la joie de découvrir les questions sur l’alimentation et le bien être des animaux. C’est du même acabit et vous devinez déjà qu’il va falloir assouplir certaines mesures hautement archaïques défendues par le cahier des charges bio.
Seriez-vous d’accord pour que les opérateurs de la filière biologique ayant de bons antécédents en matière de respect des règles soient inspectés moins souvent, par exemple tous les 2 ou 3 ans?
Et même plus du tout ! Ca fera une bio encore moins cher si j’ai bien compris ce que nous explique l’Europe ?
Allez, cessons les sarcasmes. Soyons constructifs. N’y tenant plus, j’ai envoyé un mail au responsable du questionnaire. Je lui ai dit qu’on pouvait, soyons fous, fiancer la bio et ne pas répercuter ce « surcoût » lié au contrôle en taxant les producteurs non bio. Oui oui, je lui ai parlé du label Agriculture Chimique que l’Europe avait instauré un certain 1er avril 2011… mais qui n’a bizarrement jamais été appliqué.
L’agriculture bio n’existe pas, c’est l’agriculture chimique qui existe et qui doit, non plus être subventionnée, mais taxée. Si vous saviez la disparité des aides européennes an matière d’agriculture…
Mais nul doute que certains lobbys sis à Bruxelles auront su convaincre nos élus. Ils ont les meilleurs, comme John par exemple: