Vive l'amitié franco-allemande !

Publié le 22 janvier 2013 par Mpbernet

Chacun sait ici combien je suis attachée à l’amitié qui lie nos deux pays et à la tendresse que j’éprouve pour le peuple allemand, sa fortitude, son esprit d’organisation, sa fibre romantique … Jadis, mon père m’a fortement incitée à choisir l’Allemand comme première langue étrangère et il se trouve que je n’en ai pas appris d’autre dans le cadre de mes études secondaires. Assez peu d’années après son retour des camps de prisonniers, il m’avait dit « Nous nous sommes « foutus » sur la gueule pendant trois guerres, il faut que ça cesse ! » Et il faut bien se souvenir qu’avant la guerre de 1870, sous Louis XIV, puis sous Napoléon, ce furent les Français les agresseurs …

Dès l’âge de 13 ans, je fus envoyée chaque été en séjour linguistique dans une famille où seul le père, un ancien jeune engagé dans la Wehrmacht sur le front de l’Est, parlait un peu le français. J’y ai gagné une amitié toujours vivace avec Karen, avec laquelle je continue à correspondre régulièrement – en allemand exclusivement.

Aussi, la commémoration du traité de l’Elysée est un événement important pour moi, mais je crains que ce type de célébration ne signifie pas grand-chose pour les générations qui nous suivent.

Et pourtant ! Combien sont riches nos différences, notre aversion pour certains des traits de caractères du partenaire et notre admiration sans borne pour d’autres, entre les deux côtés du Rhin. Notre insouciance économique et financière nous a placés en situation de faiblesse devant la patiente réappropriation de leur propre territoire par les Allemands après la réunification. Une performance si peu relevée, un défi si grand après tant d’année d’occupation communiste …

Nous envions leur réussite économique, mais ils admirent notre style de vie. Ils réalisent des records d’excédents budgétaires quand nous payons fort cher chaque jour quarante années de déficits. Nous vivons mal leur tissu dense de PME industrielles performantes alors qu’une proportion de la population plus forte chez eux que chez nous se situe au-dessous du seuil de pauvreté. Lors de notre dernier voyage en Allemagne, nous nous étonnions des prix faibles de la restauration, alors même que les charges sociales sont équivalentes dans nos deux pays : l’explication tient au fait qu’en l’absence d’un salaire minimum, le coût salarial est plus faible. Et le taux de chômage est moins élevé en Allemagne – et indemnisé pendant une année au lieu de deux chez nous.

Autre différence, inquiétante pour l’Allemagne à plus long terme : la démographie vieillissante. C’est palpable. La situation des femmes qui veulent à la fois faire carrière et élever des enfants est bien meilleure ici que là-bas. Cependant, nous dirigeants ne cessent de nous inciter à suivre l’exemple allemand pour améliorer nos performances économiques. Quelle illusion !

Chaque peuple, chaque grande civilisation a son caractère propre, et surtout ses comportement sociaux spécifiques, qui sont hélas très rarement transposables. Je cite ici l’un des livres qui m’a le plus profondément marquée au cours des trente dernières années : La logique de l’honneur de Philippe d’Iribarne (1989). On y explique les différences de comportement des équipes dans trois filiales d’une même entreprise française installée en France, aux Pays-Bas et aux Etats-Unis. En France, c’est la logique de l’honneur qui prévaut : je te reconnais comme mon supérieur, comme le vassal faisait hommage à son seigneur. Tu me respectes car tu sais que j’accomplirai ma tâche avec honneur, et en retour, tu ne vas pas me contrôler sur les détails, dit le salarié. Aux Etats-Unis, c’est le règne du contrat qui prévaut, passé entre deux hommes libres et égaux (Fair Trade). Rien en dessous des termes du contrat, rien en plus … et aucun mensonge. Aux Pays-Bas, on doit en tout rechercher le consensus, et on fuit toute ingérence externe. On discute jusqu’à obtenir l’adhésion de tous et ensuite on se tient scrupuleusement à ce qui a été décidé en commun.

Voilà des conduites-types qui traversent les siècles et qu’il est capital de ne pas négliger lorsqu’on prétend manager des hommes, voire des peuples. Voilà pourquoi nos dirigeants ont tous perdu leur âme à vouloir nous imposer des procédures qui avaient réussi dans d’autres pays mais qui ont lamentablement échoué chez nous : pensons à l’introduction des « Cercles de qualité à la française » par les lois Auroux … Ou à l’organisation en « Staff and Line » si à la mode dans les années soixante, qui a introduit tellement de pagaye dans nos organigrammes hiérarchiques.

Nous ne nous en sortirons donc pas en copiant nos voisins allemands. Nous ne pourrons nous en sortir qu’en faisant plus d’efforts de travail et de rigueur budgétaire tout en respectant mieux les individus, en abaissant un peu plus les barrières de castes et certains comportements fleurant l’Ancien Régime qui perdurent dans notre société. Le système féodal n’a pas que des inconvénients, il préserve la liberté, libère la créativité … Sans doute est-ce là aussi une clé de notre propension – tout de même et malgré nos carences économiques – à demeurer une puissance mondiale dans le domaine de la recherche médicale, l’aéronautique, la mode, les cosmétiques, le cinéma, la gastronomie, le tourisme …

Nos voisins ont d’autres talents. Nous les respectons. Nous les apprécions.

 Vive l’amitié franco-allemande !

Nous avons eu la même idée ce matin, seul le traitement du sujet en diffère..
Quel chemin parcouru