Ce 22 janvier, vous allez sans doute entendre parler d’une initiative écologique, évidemment citoyenne, aux couleurs acidulées et aux slogans racoleurs dont le but est, d’enfin, donner ses lettres de noblesses à la lutte pour un environnement aseptisé de toute présence humaine. Comme on va le découvrir, le but de cette initiative est d’en finir une bonne fois pour toute avec la mollesse et la gentillesse pour faire passer le sort des petits animaux et des petites plantes avant celui des gros humains pollueurs…
Comme vous ne le soupçonnez peut-être pas, il existe une possibilité de pousser une loi sous le nez des parlementaires européens, autrement qu’en allant baveusement les lobbyiser ou distribuer des petits dessous de table discrets : il faut, pour cela, rassembler un million de signatures (électroniques notamment) sur une pétition. Il y a d’autres règles, comme le fait que le million de voix ne doit pas provenir exclusivement d’un seul pays, mais le principe reste qu’avec un grand nombre de citoyens, s’ils se mettent tous ensemble à gribouiller une feuille ou à rassembler des adresses email, on peut arriver à proposer un projet de loi aux députés européens.
Dans le cas qui nous occupe, la superbe et frétillante initiative citoyenne a pour but d’inciter fiévreusement la Commission Européenne à proposer une loi visant à pénaliser ceux qui rentrent dans le cadre d’une définition commodément floue de « crime contre l’environnement », pompeusement appelé écocide par cette tranche d’humanité qui n’en dispose pas d’un gramme et entend bien lui mettre un terme ; ainsi, est écocide tout ce qui est une destruction d’un écosystème, ce qui est particulièrement vaste quand on y réfléchit deux minutes. Heureusement, Valérie Cabanes, la porte-parole de « End Ecocide Europe », nous vient en aide et nous explique un peu ce que son groupe de fanatiques d’écologistes veut obtenir :
« une loi visant à désigner pénalement responsables des personnes physiques qui se rendraient coupables de crimes contre l’environnement et à inciter les dirigeants, les entreprises et les banques à investir dans une transition énergétique qui saura mieux respecter l’Homme et la Nature »
Boudiou, toutes ces petites phrases méritent qu’on regarde ça de plus près : ainsi, pour Cabanes, la loi doit trouver un moyen de cogner sur l’écocide, comme s’il n’existait rien par ailleurs, comme si toute la société n’était pas déjà chauffée à blanc, tous les jours qui passent, contre le méchant capitalisme qui détruit tout, contre la pollution des petites, des moyennes et des grandes particules provoquées par les méchants transports individuels, comme si chaque individu n’était pas constamment rappelé à l’ordre, depuis ses biscottes « bio » du matin jusqu’aux sacs poubelles spécial tri écologique du soir, et surtout comme si toute une imposante batterie de lois n’existait pas déjà, dans absolument tous les domaines imaginables, qui sanctionnent déjà lourdement tout manquement à la religion écologique …
Ainsi, pour Cabanes, la loi doit aussi inciter plein de monde à investir (lire dépenser de l’argent) pour, essentiellement, pomper moins d’énergie, tout en respectant l’Homme et la Nature (mais surtout la Nature, on l’a bien compris), ce qui se traduit très concrètement par une chasse permanente et systématique contre toutes les formes d’énergies qui permettent d’amener l’Humanité à des niveaux d’opulence et de confort inégalés dans toute son histoire. Au passage, on notera, dans l’explication fournie (reprise du site de promotion initial), que les banques ne sont pas des entreprises et méritent d’être mises dans une catégorie à part.
Bref, on comprend donc qu’il s’agit, dans tout ça, de reconnaître à la Grande & Belle Gaïahalléluhia des droits, c’est-à-dire de remettre le couvert pour cette idée assez incroyablement stupide comme je l’écrivais déjà dans ce billet de début 2011 (eh oui, le temps passe mes petits amis, le temps passe et les conneries écololubiques ne changent pas d’un iota, c’est effarant). Tout part de l’initiative de Polly Higgins, avocate anglaise mordue d’environnement et pas scientifique pour un rond de chapeau (ceux qui le sont ou le deviennent abandonnent rapidement ces fadaises). La Polly, c’est une de ces personnes parfaitement synchrone avec son temps et dont les chakras sont cordialement ouverts à toute proposition crédible de retour à l’animalité primale, avec feux de camps sympathiques mais en nombre strictement contrôlé, cueillette et chasse (mais dans des quotas bien délimités) et retour aux vraies valeurs essentielles de la misère, du dénuement et d’une espérance de vie réduite à 30 ans.
Bien évidemment, cette initiative ne serait pas totalement rigolote si elle n’était pas en plus parrainée par les habituelles excuses politiques et autres débris de l’une ou l’autre présidentielle dont l’aura ne doit rien à l’efficacité concrète mais tout à la ferveur compassée de médias gluants d’admiration, comme par exemple Efa Choly. Rien qu’avec ce genre de parrainages, on comprend qu’il s’agit ici de créer une nouvelle coercition, et que sous le prétexte ridicule d’un Droit à la Planète Propre qui ne veut, juridiquement parlant, rien dire sans introduire du collectif à la grosse louche, on va encore taillader un peu plus les libertés individuelles et ce d’autant plus facilement que les appareils qui en seront chargés sont éloignés de l’individu.
Car il faut bien comprendre quelque chose : avoir une loi qui cherche, dans un même mouvement (fébrile), à s’occuper à la fois de la planète (la plus grosse entité dans laquelle l’Humanité a un sens) et de l’individu (la plus petite entité de l’Humanité), mais vise à construire un « monde qui place les gens et la planète en premier », c’est prétendre être capable de faire une loi opérationnelle, concrète et applicable couvrant 100% des activités humaines sur 100% des biotopes qu’il occupe (ou à peu près). C’est prétendre être capable de placer une limite dans ce qui est considéré comme une exploitation raisonnable d’un environnement, et de ce qui ne l’est pas, et ce, en 2013, alors que rien ne permet de déterminer si les définitions choisies d’environnement, d’exploitation ou de raisonnable seront les mêmes dans 10, 20 ou 100 ans.
Pondre une telle loi, c’est aussi donner la possibilité à n’importe qui d’attaquer en justice n’importe qui d’autre, pour à peu près n’importe quelle raison tant on comprend que les termes qui définiront la loi devront être flous sauf à saborder purement et simplement l’initiative, tant la notion même d’écocide est proprement impossible à saisir.
Derrière les meilleures intentions du monde (sauver les gentils bébés phoques, empêcher les méchantes multinationales d’empoisonner du monde parce qu’elles sont très méchantes, et protéger les plantes vertes connues et inconnues parce qu’elles contiennent, certainement, mille et un remèdes pour nous sauver du cancer et de la chaude-pisse), pousser cette loi, c’est clairement faire avancer d’un grand pas la cause de ce collectivisme redoutable qui entend annuler toute prise de risque, et renvoyer l’homme à sa condition animale la plus simple ; derrière ces grandes idées éthérées et ces beaux principes où le new-âge se mêle aux odeurs d’encens bio pour un monde meilleur plein d’enfants qui courent dans la lumière du soleil, on trouve une envie systématique de définir pour les autres ce qui est bon ou pas. Et il n’y aura qu’à éplucher les commentaires des trolls égarés en bas de ce billet pour le voir : l’écologie moderne, ce n’est plus la recherche pour soi du meilleur moyen de cohabiter avec son environnement, mais c’est cette quête pénible imposée à tous de rentrer dans les cadres rigides d’un environnement défini par d’autres et pour d’autres, des idées d’humains dans une idée d’environnement.
Les prochains jours nous diront s’il existe un million de personnes suffisamment naïves ou, pire, suffisamment lucides et totalitaires pour vouloir ainsi directement imposer aux millions d’autres leurs peurs et leurs névroses diverses. Mais vous pouvez tenir pour sûr que ce genre d’initiatives ne sera pas la dernière : chaque fois qu’un groupe motivé pourra grignoter les libertés des autres à agir comme ils l’entendent, il le fera.