Si elle était de feu, elle prendrait sa source dans le ventre bouillonnant de la planète. Elle s’élancerait sauvagement vers les étoiles en gerbes flamboyantes. Puis, elle coulerait le long de son flanc en torrents de lave incendiaires, porteurs de vie.
Si elle était d’air, elle serait une tornade rugissante qui arracherait tout sur son passage. Arbres, maisons, voitures et bétail ne seraient que de minuscules amuse-gueules pour cette affamée insatiable.
Si elle était de terre, elle gronderait du plus sombre de ses entrailles jusqu’en plein jour. Sa fureur secouerait si fortement la mince couche où reposent routes, champs, villes et habitants, que plis, crevasses et débris en souligneraient la vigueur.
Si elle était d’eau, elle prendrait son élan au fond des océans pour s’élever au-delà des gratte-ciel les plus fiers et s’effondrer sur les plages, les rives, les villes et les forêts qui oseraient ralentir son effroyable déferlement.
Pourtant, elle est de matière bien différente. Elle prend naissance dans un endroit sans texture. C’est un espace où s’agitent les plus instables choses. Un domaine où s’opère un curieux phénomène. Un creuset d’infinies combinaisons. Un lieu au-delà de toute raison.
Elle jaillit d’une perception d’injustice. Elle est déclenchée par un jeu de la pensée. Un jeu cruel où la victime, c’est elle. C’est alors qu’elle prend des proportions à la mesure de ses plus folles inventions.
Avez-vous reconnu ses morsures? Savez-vous quel est son nom?
Oui! C’est la colère, chers bogophiles, qui peut aller jusqu’à la rage, quand on l’ignore. C’est un dragon déchaîné, quand on ne sait pas l’apprécier, ni l’apprivoiser. Comme toute créature blessée, elle se languit de trouver un refuge, un réconfort.
Tout doux, la bête… Dis-nous ton courroux.
Se sentant accueillie, elle nous révèle la cause de son désarroi. Elle raconte les dangers qu’elle perçoit. Elle décrit les frontières qu’elle croit envahies. Nous la rassurons en équilibrant nos perceptions. Enfin calmée, elle s’assoupit à nos pieds. Et nous respirons à pleins poumons ce doux moment de félicité.
Merci, la bête… Tout va bien.
Le maître est de retour à la maison.
Une fois aimée pour le message qu’elle apporte, elle se transforme en gardienne fidèle de tous les possibles que l’on porte.
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