Adulée, détestée, tantôt savante, tantôt ringarde, la haute-couture ne laisse jamais indifférent. Profitant des avancées technologiques et de l’imagination débordante des couturiers, les robes "pas comme les autres" ne sont pas prêtes de disparaître.
La semaine s’annonce variée : Givenchy sera le grand absent de la Couture parisienne. L’information, relevée par le WWD, indique que la maison ne présentera aucune collection à la presse mais que Riccardo Tisci et son équipe créative continuent de travailler dans l’ombre.Une absence regrettable qui fait cependant écho à l’arrivée de deux autres maisons dans le cercle très prisé de la haute-couture. En effet, Maison Martin Margiela et Alexis Mabilleont eu le privilège de recevoir de la Commission de Classement Couture l’appellation prestigieuse le 18 décembre dernier.Jusque-là membres invités, ils rejoignent tous deux les maisons Chanel, Christian Dior, Valentino, Christophe Josse, Franck Sorbier, Giambattista Valli, Givenchy, Jean-Paul Gaultier, Maurizio Galante, Elie Saab, Armani et Stéphane Rolland.
C’est Christophe Josse qui ouvre le bal en investissant ce matin l’hôtel de Crillon. Comme à l’accoutumée, à chaque saison on retrouve cette simplicité sublimée propre au Couturier. Fragilité délicate ou fragile délicatesse, la couture de Christophe Josse est un hommage rendu aux femmes… sages, charmantes, cérébrales.
Mais la couture de
Josse, c’est aussi le travail minutieux et artisanal des ateliers, sollicités rudement pour réaliser des pièces toujours plus fortesL’été 2013 verra ainsi des lignes géométriques et chastes dans la fabrication textile de certaines robes. La nacre coulée dans le verre soufflé s’accrochera aux manchettes et aux sandales plates. Le profond bleu nuit intensifiera une constellation de mille micro-fleurs scintillantes. Les liquettes d’organza de coton rebrodé de porcelaine blanche évoqueront le songe d’un matin de printemps. Le plus admirable ne réside pas dans l’aspect visible du travail de Couture mais dans le détail que Christophe Josse a parfaitement saisi.Une collection qui donne une impression de légèreté, de finesse. Une sophistication couture exécutée comme il se doit.Expérimentale, surprenante, la couture de Maurizio Galante propose une garde-robe éclectique, construite autour de différentes pièces distinctes. Une impression gênante d’hétérogénéité me trouble toutefois, sans compter une illustration sonore franchement dépassé, mais bon…Le Couturier ne travaille jamais sur des matières rigides puisque le mouvement d’un vêtement, en épousant le corps, trahit les émotions. Pour que ses créations puissent, à juste titre, raconter leurs émotions, Maurizio Galante aime à travailler la soie sous forme de toile, d’organza, de mousseline mais aussi exploiter des tissus tels que le crêpe, le taffetas, le tulle ou encore le chiffon. Cette saison le rhodoïd sert à réaliser un boléro dont la couleur laquée rappelle étrangement le travail d’une maison ô combien spécialiste en la matière… Coïncidence ?Cherchant volontiers un juste équilibre entre techniques artisanales et technologies industrielles, le Couturier puisent dans ses ressources créatives et offrent ainsi, à ses vêtements, du patin et de la richesse.Une collection bien réalisée, qui présente différentes directions stylistiques : les formes anguleuses se déclinent en manteaux courts sans cols, les blouses déstructurées sont divinement vaporeuses, les robes et jupes taille haute se portent courtes.Dans un esprit construit/déconstruit, Galante invente une nouvelle technique de travail de plis nommée Fortuny, présente sur certaines pièces.Une présentation colorée, agrémentée de couleurs coquille d’œuf, champagne, camélia mais aussi violet, parme, glycine, argent et nuit noire.Exotique oriental, tel était le thème de cette présentation.àConnue pour ses créations remarquables dans lesquelles elle associe un savoir-faire traditionnel à des techniques innovantes, Iris van Herpen épate le monde avec ses propositions parfaitement exécutés. Tour de force magistral, la jeune créatrice invite l’univers haute-couture à bien vouloir s’interroger sur son existence et ses règlementations strictes. Face à une hémorragie sans précédent, cet univers semble en plein renouveau avec l’arrivée symbolique d’artistes consciencieux et visionnaires comme cette jeune femme. Une nouvelle dynamique poind à l’horizon et semble réveiller le microcosme désillusionné et poussiéreux de la mode. Artisanat, innovation technologique et architecture sont les sources d’inspirations de la talentueuse créatrice, soutenue, cette saison par un habile complice : Carlos van Camp. Ses modèles réalisées au moyen de techniques 3D, associées à un choix de matériaux radicaux, donnent vie à des vêtements aux structures complexes et multiples. Chaque pièce minutieusement travaillée offre des détails, dont le fini obsessionnel laisse pontois. Les nombreux ornements qui embellissent savamment ses robes, laissent imaginer les longues heures de travail passées à réaliser chacune de ces "prouesses". Son inventivité débordante est sans limite.Pour sa quatrième collection présentée à Paris en qualité de membre invité de la Chambre Syndicale de la Haute Couture, Iris van Herpen s’engage dans une exploration fascinante de l’électricité. Survoltées, ses robes le sont assurément. Magnétiques, ses propositions le sont tout autant : en témoigne l’effet congloméré "façon limaille de fer sur aimant de certaines pièces.Noir et blanc suffisent à mettre en lumière le travail respectable et respectée de cette artiste hors norme.Quelques "jetés" ont permis à cette ancienne ballerine de se lancer à corps perdu dans la grande aventure artistique et amoureuse qu’est la Couture.Le talent, c’est une question d’amour.
Ce soir, le couturier français Alexis Mabille a mené une drôle de "cadence"! Le petit monde de la mode a toujours cru, avec raison, que le talent d’Alexis Mabille était sans faille. Preuve en est, les tendres comtesses du couturier ont montré, cette saison, que l’ère de l’aristocratie n’est pas entièrement enfoui sous les pieds de la révolution française. Cette collection été 2013 illustre l’histoire d’une femme indocile, raffinée, exquise. Une femme qui se fiche des conventions, s’appuyant sur une autorité féminile accomplie.Les jeux sur les tailles et les volumes proposés sont de rigueur, avec un prédicat de silhouette rock – 18ème siècle. Les tailles de guêpe contrastent avec la douceur colorée, "acidulée" de certaines lignes. C’est le mythe de Marie-Antoinette en "robe gourmande", perchées sur des escarpins largement assumés.Rose poudré pour la douceur, blanc et gris pâle pour la fraîcheur, rouge pour son côté brûlant sont les quelques teintes choisies pour cette présentation bien orchestrée. Les soies ici et là s’exalte de souplesse et glisse nerveusement.Sans souscrire à un code ou une tendance unique, les propositions d’Alexis Mabille s’affichent avec douceur et espiègleries. Une jolie pincée de gourmandises.Fabrice Gil
Demain : Stéphane Rolland et Adeline André