L’opération SERVAL déclenchée au Mali depuis le 11 janvier signe l’entrée de la France en guerre. C’est le premier front « militaire » que doit affronter le Président Hollande. Malmené par l’opinion publique et les médias après moins d’un an à l’Elysée, le voilà engagé dans un conflit au cœur du continent africain, là où le djihadisme d’AQMI et de ses fidèles n’a cessé de s’intensifier depuis quelques mois. Chef de guerre, pour le moment encore isolé, il doit conduire l’offensive avant que le relai ne soit pris par les forces africaines dont les premiers détachements sont déjà sur place, entre Bamako et Diabaly.
Parenthèse politique et médiatique, cette séquence s’est imposée extrêmement rapidement, reléguant les négociations sur l’emploi et les manifestations pour ou contre le mariage homosexuel au second plan. Inspiré par les exemples précédents en Lybie (66% de soutien en mars 2011), en Afghanistan (55% en 2001) ou en Bosnie (68% en 1994), le Président sait que l’union nationale et le soutien unanime des Français ne sera que de courte durée. Engagé dans une course contre la montre il lui faut résoudre rapidement la situation et se retirer sous peine de voir ses opposants retirer leur soutien et ouvrir un second front, politique celui-là.
Une intervention militaire soutenue par tous les Français
En quelques jours les Français sont passés de l’évocation d’otages au Sahel à l’engagement de notre Armée dans un nouveau conflit, à quelques 4 000 kilomètres de nos frontières métropolitaines, dans cette Afrique Occidentale avec laquelle la France a toujours gardé des liens forts.
Suite à la sollicitation de la France par le gouvernement malien, près des deux tiers des Français (63%) se sont déclarés favorables à cette intervention selon un premier sondage réalisé par Harris Interactive les 14 et 15 janvier. Ce sentiment est unanimement partagé par tous même si les femmes (52%), les jeunes (18-24 ans, 54%) et les sympathisants du Front National (48%) font part d’un soutien plus mesuré. Pour motiver cette opinion, les Français mettent en avant « le besoin d’éviter que le pouvoir central ne soit accaparé par des islamistes » (86%) mais aussi la « lutte contre le terrorisme » (83%).
Le risque d’Afghanisation du conflit
Dans l’enquête Harris Interactive, les Français confient anticiper un conflit qui devrait durer « quelques mois » (64%). Elément rassurant sur ce jugement, 71% des personnes qui pensent voir le conflit durer plusieurs mois affirment soutenir cette initiative. Pour autant, les Français sont 55% à pointer du doigt « le risque d’enlisement au Mali » ; une opinion partagée notamment par les sympathisants UMP (64%) et FN (70%).
Une opinion publique qui pourrait se retourner rapidement
Les Français sont lucides et indiquent clairement que cette intervention va avoir des conséquences directes sur la situation et la sécurité en France. Moins de 20 ans après les derniers attentats du GIA dans le métro (juillet-octobre 1995), le spectre d’attaques terroristes a refait surface mécaniquement : 75% (+22pts sur 10 mois) des Français pensent que le danger d’attaques terroristes va augmenter du fait de l’intervention au Mali. Un seuil qui s’approche du record enregistré par l’Ifop dans son baromètre. Enfin, le sondage BVA réalisé quelques jours après le lancement de l’opération SERVAL confirme les risques existants : 51% des Français pensent que l’opération devrait accentuer la menace, 46% pensant à l’inverse que cela devrait diminuer notre exposition à la menace terroriste.
En conclusion, ce qui pourrait être une séquence positive pour un Président reconnu comme plus ferme et engagé, devra s’achever vite ou tout du moins évoluer vers une résolution de conflit sans que la France ne demeure trop longtemps sur place. En Afghanistan, l’opinion s’était retournée rapidement, obligeant dès lors les dirigeants à programmer puis opérer un retrait sous peine de voir monter, comme aux Etats-Unis, un tsunami électoral.
2013 débute de manière incroyablement dense pour le Président. Entre tous ces sujets il lui faudra savoir se positionner, parler aux différents électorats et progresser sur le chemin du rassemblement. Désormais coincé dans une impasse dont on a encore du mal à percevoir l’issue, il lui faut un sans faute sous peine de voir le sol – de la popularité – se dérober sous ses pas.