Les éditions Corti ont récemment publié Louange du lieu et
autres poèmes, de Lorine Niedecker, dans une traduction d’Abigail Lang, Maïtreyi et Nicolas Pesquès.
Pour Paul
Paul
six ans déjà
ce livre que j’aimais sur les oiseaux
je te le donne
J’ai pensé que Paul peut-être,
aujourd’hui plus grand que les typhas
autour de la Mare aux Canards
entre la rivière et le Détroit
garderait ce livre intact
y reviendrait chaque été
Paul peut-être
.
○
Sans terre ou presque et en chemin vers l’eau
je m’enfonce dans le marais
Je n’ai plus de vue… j’ai vu
(j’opère en profondeur plutôt qu’en étendue)
l’enfant aux yeux plus grands, plus calmes que ceux du râle.
Homer divague en enfer
Et on ne peut pas se le permettre.
Il gâche du terrain à construire des cabanes
– bric à brac de jardin – qui bouchent la vue.
Lui et sa femme exigent plus d’éléphants
sur leurs étagères de verre que nous n’avons de livres.
Avec l’été le silence s’en va.
Cri du faisan d’automne :
rafales de ferrailles en conserve,
au-dessus les peupliers à feuilles cirées brillent et frissonnent
comme ma mère, continuent après que l’esprit est dévasté
.
○
Février presque mars le froid mord.
Prends un livre, le vent s’engouffre. Gelé –
le Jardin d’Eden – son pétrole, libéré, chaufferait
le monde pendant 20 ans et au diable la tempête.
L’hiver me poursuit – il est là
avec des draps si blancs qu’ils font mal aux yeux. Chemise
taie d’oreiller gonflent dans mes catalpas dénudés,
pas d’objets ici.
En février presque mars, une couche de neige
fait un bon fumier, une eau nouée serrée
pour aller jusqu’à mai : donne-moi des lupins et un goût
pour son air grandissant.
.
Lorine Niedecker, extraits de « Pour
Paul et autres poèmes » in Louange
du lieu et autres poèmes, traduction d’Abigail Lang, Maïtreyi et Nicolas
Pesquès, coll. Série Américaine, Corti / Prétexte, 2012, pp. 37, 38 et 59
On peut lire ici d’autres poèmes extraits de
ce livre
Lorine Niedecker dans Poezibao :
bio-bibliographie,
extrait
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