Il ne reste que quelques jours pour voir l'exposition au Quai Branly. Le 28 janvier il sera trop tard pour entreprendre ce voyage dans la vallée de la Bénoué. C'est la rivière qui est le principal affluent du grand Niger qu'elle traverse sur plus de 1000 km.
Statues féminines ou maternités, statues-colonnes, masques-heaumes, récipients anthropomorphes en terre cuite ... tous ces objets ont joué un rôle primordial pour les habitants de la vallée.
Les récipients en terre cuite anthropomorphes de la haute Bénoué se démarquent des sculptures en bois et des mascarades de la basse et moyenne Bénoué. Ils étaient conservés dans un sanctuaire communautaire pour invoquer la protection des hommes qui partaient au combat ou à la chasse au gibier.
On peut admirer beaucoup de sculptures de femme assise anjenu comme celle que l'on voit ci contre, à droite. Les parties blanches sont obtenues avec du kaolin, qui se trouve facilement près des fleuves.
On rapporte que des femmes avaient le pouvoir d'attirer les esprits naturels masculins et féminins appelés anjenu, qui résidaient dans la Bénoué et les petits cours d'eau de la région.
Ces esprits demandaient à leurs disciples endormis de se joindre à eux et, en échange de leur loyauté, promettaient de guérir leurs infirmités. Ils avaient aussi la vertu de préserver la fertilité des femmes et la santé de leur progéniture.
D'autres révèlent des maladies, comme celui-ci où l'on distingue la proéminence d'un goitre.
Les éléments permettent de supposer qu'il a été fabriqué ailleurs et laissent apparaitre de fortes similitudes avec les masques boki. Il illustre l'importante circulation des objets de la région.
La personne qui le portait était vêtue d'un linceul indigo, jeté sur le coprs comme une cape, par dessus d'autres vêtements qui lui donnaient une apparence plus imposante. Sa danse était dangereuse : il faisait irruption dans le village, renversait les plates-formes sur lesquelles séchaient les aliments faisait tomber des pots pour la cuisine ici ou là et dispersait la foule des spectateurs qui se tenaient à une distance respectueuse.
Cet éléphant Itrokwu, très stylisé, porte trois longues extensions représentants les deux défenses de l'animal et sa trompe. Il est également doté de deux petites oreilles sur le haut du masque, ainsi que deux autres "oreilles" plus longues se projetant à l'arrière.
La création de ce type d'objets a cessé dans les années 1850, après l'implantation en royaume Ebira, des forces islamiques du nord et la conversion à l'islam des chefs ebira, interdisant ainsi toute fabrication d'objets rituels non musulmans.
Des sculptures en argile très élaborées étaient confectionnées, l'une à l'image du défunt de son vivant, l'autre une fois mort. Il est difficile de déterminer l'usage de ces figures en cuir. Elles attestent d'une probable évolution de fabrication des sculptures en argile vers de nouvelles matières. L'ornementation est finement réalisée. De grands cercles dessinés autour du nombril, dépeint les modèles caractéristiques de scarifications féminines Tiv.
Cette "poupée" en cuir très ouvragée a été collectée par R.C. Abraham, ancien distict officer chez les Tiv à l'époque coloniale britannique.
On ne sait pas aujourd'hui si ses sculptures étaient essentiellement destinées aux femmes goemai et à l'élite locale pour des fins rituelles ou simplement considérées comme des objets très prestigieux. Le style artistique d'Azume est naturaliste et se différencie ainsi de l'approche schématique de la maternité sculptée par un artiste masculin.
Les masques verticaux mumuye étaient portés avec des costumes complets. Une petite ouverture à l'avant permettait au porteur de voir. Ce masque, ci contre, à gauche, appelé Sukuru, a été sculpté par l'artiste Lenke, originaire du village de Zinna.
On voit aussi beaucoup de masques anthropo-zoomorphes horizontaux qui rappellent la configuration tripartite des autres masques présentés dans l'exposition, mais leur plus grand raffinement sculptural leur procure une remarquable couleur locale. Des cornes de bovins verticales ainsi qu'un large museau leur donnent un aspect zoomorphe, tandis que les rayures du cimier faisaient probablement référence à des tresses de cheveux, leur conférant une dimension anthropomorphe.
Ce masque-heaume royal (Agba) Igala de la basse Bénoué de la fin du XIX° siècle en bois et peinture polychrome est une des pièces que je préfère.
Ces remarquables sculptures de basse Bénoué présentent des traits stylistiques similaires avec des incisions faciales élaborées et de grands yeux à lourdes paupières.
C'est que les idées et les objets se transmettaient de communauté en communauté, ce qui complique le travail de recherche sir elurs auteurs etou leurs utilisateurs, probablement différents.
Ce type de masque-heaume était porté lors de mascarades en l'honneur des membres royaux du peuple igala. D'autres ont été documentés chez les Jukun qui vivent à près de 320 km en amont de la Bénoué.
Profitez de votre venue pour explorer le plateau des collections dont je vous rappelle qu'il présente des oeuvres rassemblées par continent, les Amériques, l'Afrique, l'Asie et l'Océanie.