Agences de notation : faut-il tuer le messager ?

Publié le 20 janvier 2013 par Copeau @Contrepoints

Les politiques aimeraient pouvoir liquider le messager que sont les agences de notation, mais cela ne réglera pas le problème de fond.

Par Xavier Chambolle.

Le facteur, cet être détestable qui met dans votre boîte aux lettres des factures, vos factures. Elles amputent votre budget et réduisent votre pouvoir d’achat. Alors que faire ?  À la lecture de ce communiqué de presse du Parlement européen au sujet des agences de notation, on comprend qu’il suffirait de menacer le facteur pour qu’il cesse de faire suivre ces courriers non-désirés. En substance, pour régler le problème, il faut liquider le messager.

Les agences de notation nuiraient aux pays endettés

Le Parlement européen nous dit ceci :

When a credit rating agency downgrades a country’s credit rating, it becomes more expensive for it to borrow money and more difficult to cut debts. The higher borrowing costs will also affect the services offered to ordinary citizens.

Si les taux augmentent, ce serait à cause des agences de notation. Or on ne veut pas que les taux augmentent, parce que cela rend notre endettement plus onéreux. Le problème ce sont donc ces agences, elles sont nuisibles. Ceci est la position du Parlement européen.

Pourquoi les agences de notation notent-elles ?

Dans la vie, il y a deux types d’individus : ceux qui prêtent de l’argent et ceux qui empruntent de l’argent. Ceux qui prêtent espèrent revoir la couleur de leur argent. Plus le risque de défaut de remboursement est élevé, plus le taux d’intérêt exigé le sera. C’est pour couvrir le risque. Ceux qui empruntent espèrent le faire pour le moins cher possible, ils essaient donc de donner des garanties.

Il est donc nécessaire d’évaluer ce risque, d’évaluer la capacité de remboursement de la dette à l’échéance prévue. Pour une entreprise comme pour un pays, cela peut être d’une très grande complexité. Imaginez que la Papouasie-Nouvelle-Guinée vous demande de lui prêter de l’argent ! Allez donc chercher de l’information sur la Papouasie-Nouvelle-Guinée pour évaluer le risque. Savez-vous comment cet État gère son argent, quel sont ses antécédents, son niveau de dette actuel, etc. ? Admettez que ce n’est pas évident.

Voici donc le rôle des agences de notations : faire ce travail d’évaluation à votre place. C’est leur spécialité, c’est leur métier.

Avant de prêter à un certain taux à la Papouasie-Nouvelle Guinée, vous allez consulter une ou plusieurs agences de notation. Comme vous pourriez aller lire des articles de presse, des blogueurs ou demander à votre voisin qui se trouve être un expert en dette papoue !

Liquider le messager ne sert à rien

Ces diverses informations sont peut-être partiellement fausses. Elles peuvent également être assez proche… de la réalité.

Les agences de notation ne sont donc pas responsables de la fixation des taux d’intérêt. Le responsable c’est la réalité synthétisée (parfois mal) par elles… Mais également par d’autres acteurs : les journalistes, blogueurs et votre voisin expert en dette papoue. Sans oublier les autres acteurs, le marché, aussi imparfait soit-il. Si personne n’accepte de prêter à la Papouasie-Nouvelle-Guinée, c’est peut-être parce qu’il y a anguille sous roche, non ?

En d’autres termes, les agences de notations sont des messagers. Rien de plus. On peut bien sûr regretter qu’il y en ait si peu, car nous sommes en présence d’un oligopole exclusivement anglo-américain…

Mais revenons aux eurodéputés : leur solution c’est d’encadrer ces agences. Imaginez donc un petit instant la Papouasie-Nouvelle-Guinée qui viendrait « encadrer » votre voisin expert en dette papoue. Allez-vous encore lui faire confiance à l’avenir ? Et quelles conclusions tirez-vous au sujet de ce pays ?

À vrai dire, les lois que vont nous pondre les eurodéputés ne serviront à rien, parce que les créanciers donneront du crédit à ces notes tant et aussi longtemps que ces agences seront à peu près fiables. Ils peuvent bien voter toutes les lois qu’ils veulent, pour plus de transparence ou carrément rendre responsable les agences de la fiabilité de leurs notes, cela ne changera rien au problème de base : certains États de l’UE gèrent très mal l’argent de leurs contribuables. Évidemment il est plus facile de pointer du doigt le messager que de s’en prendre à la source du problème.

L’UE fait un cadeau aux États-Unis

Ces lois ne seront bien évidemment qu’appliquées en Union Européenne. Or, en imposant une régulation stricte et contraignante, l’Union Européenne se prive tout simplement de voir émerger dans ce domaine des acteurs européens (quelle agence européenne serait plus crédible qu’une agence chinoise ?). Ainsi nous offrons sur un plateau d’argent le marché de la notation aux Américains pour les décennies à venir.

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