Le principe se vérifie dans The Master. C'est même le sujet du film : un semi-demeuré revenu de la guerre, Freddie, finit à force de vagabondages par se lier avec Lancaster Dodd, sorte de gourou d'un mouvement scientifico-mystique. La relation entretenue entre les deux personnage est bien celle d'un maître et de son idiot, où l'un prend le contrôle de l'autre tout en faisant mine de sonder son âme.
Ce qui différencie un psychanalyste d'un maître scientologue, c'est que dans le traitement de l'un le patient passe son temps à parler, quand dans le traitement de l'autre il passe son temps à écouter. Le personnage de Freddie est plutôt du genre silencieux et la caméra de Paul Thomas Anderson est plutôt du genre bavarde.
P. T. Anderson pousse au maximum l'ambiguïté de son rôle de metteur en scène. Il décortique la manipulation en même temps qu'il y participe. C'est pour cette raison que le film est toujours à cheval entre le sérieux et le grotesque. C'est pour cette raison aussi que le cabotinage souvent insupportable de Joaquin Phoenix a une forme de cohérence : il s'étend à la mise en scène dans son ensemble, où chaque plan semble vouloir s'affirmer comme petite œuvre d'art.