Le prix du gaz et de l'essence ont beaucoup fait parler d'eux ces derniers mois. Pour le gaz, j'en avais rendu compte dans ce billet concernant la formule de calcul des tarifs réglementés (formule qui a depuis changé), censée refléter l'évolution des coûts d'approvisionnement. Pour l'essence, mon billet de blog s'attachait à montrer que la baisse de quelques centimes des taxes n'aura que très peu profité aux consommateurs, ne serait-ce qu'en raison essentiellement du peu d'emprise que l'État a sur les paramètres qui expliquent le prix de l'essence.
Mais la question de la facture énergétique est encore loin d'être réglée, même si d'aucuns le prétendent à chaque changement de formules de calcul... En effet, la part de la facture énergétique dans le déficit commercial de la France a atteint plus de 62 milliards d'euros en 2011. Selon un rapport pour le ministère de l'austérité du budget de juin 2011, la moitié de la détérioration du solde commercial français depuis 2003 s’'explique par l’'alourdissement de la facture énergétique !
Évolution de la facture énergétique, du solde hors énergie, et du baril de pétrole
[ Source : Le chiffre du commerce extérieur n°23 ]
Les États-Unis, confrontés aux mêmes réalités concernant la facture énergétique, ont fait le choix de la production massive de gaz et de pétrole de schiste, au point que la production de gaz de schiste représente aujourd’hui près d'un tiers de la consommation de gaz naturel du pays ! Selon ce rapport de l'AIE, le gaz de schiste pourrait représenter d'ici 2020 près de 40 % de la consommation de gaz naturel des États-Unis, le pétrole de schiste 15 % de la consommation de pétrole.
A ce stade, je tiens tout de suite à préciser que ce billet n'a pas vocation à donner un point de vue sur le sujet, mais juste à expliquer les changements économiques qui en découlent pour les États-Unis. Ces choses étant dites, poursuivons...
A la faveur de la production de gaz et de pétrole non conventionnels, le prix du gaz naturel est désormais près de 4 fois plus faible aux Etats-Unis qu’en Europe. Cela diminue donc la facture énergétique extérieure du pays et débouche finalement sur un avantage compétitif par rapport à l'Union européenne.
Prix du gaz naturel (US dollars/mmbtu)
[ Source des données : Banque Mondiale ]
Cela pourrait déboucher très rapidement sur une réduction du déficit énergétique (l'AIE évoque même le fantasme d'une indépendance énergétique en 2035 !) et à terme sur la réduction du déficit commercial des États-Unis. Il est du reste fort probable que l'industrie américaine en tirera profit, notamment en substituant le gaz naturel au pétrole afin de gagner encore en compétitivité sur les marchés extérieurs. De sorte qu'un tel scénario s'accompagnerait certainement d'une remontée du dollar, à moins que les Américains ne se décident à jouer au même jeu sur le taux de change que la Chine...
Question finale : comment réaliser la transition écologique indispensable si les énergies fossiles deviennent moins chères ? Les États-Unis, comme à leur habitude, ne semblent guère s'y intéresser puisqu'ils subventionnent la production de gaz non conventionnel tout en réduisant les obstacles à cette production ! C'est d'autant plus grave que la méthode de fracturation hydraulique est réputée être lourde de conséquences environnementales :
[ Source : Challenges.fr ]
Ainsi, le gaz de schiste est-il devenu un miracle qui divise l'Amérique... et le monde !