Réponse Lance Armstrong: « Non, pas selon moi ».
Echange qui mérite décryptage pour appréhender le cas Armstrong dans son ensemble.
D’abord la question porte sur la victoire, pas le fait de faire et terminer le Tour de France. En creux, on peut faire le Tour de France sans se doper. Ce premier point précisé, cela permettra de ne plus écouter les bêtises dites par ceux qui assurent qu’on ne peut courir le Tour de France sans se doper, eu égard à la distance, les cols, que sais-je encore comme argument bidon. Ne se dope-t-on pas pour courir 100m, nager 50m, jouer 90 minutes au football ?
Ensuite, l’environnement de cette question, posée à un coureur qui a été confronté à d’autres coureurs dopés des années 2000. Gagner le Tour de France (proprement) face à d’autres coureurs dopés, ce n’est pas possible pour Lance Armstrong. Peut-être certains le pensent. Là aussi, en creux, il faut aussi comprendre que face à des coureurs non dopés, on peut gagner le Tour en étant soi-même non dopé. Cela permet de clarifier des raisonnements à l’emporte-pièce (généralement à tendance franchouillarde d’ailleurs, pour défendre nos braves petits coureurs dans un cyclisme mondialisé depuis la chute du mur de Berlin) affirmant qu’on ne peut gagner le Tour sans se doper. Si on le peut, à armes égales, d’ailleurs c’est une course et comme on peut le faire sans se doper et qu’il y a toujours un vainqueur… cqfd
Aussi, mais de manière résiduelle, il est possible de gagner le Tour de France sans se doper et face à des dopés. Une échappée fleuve, des intérêts divergents d’équipes, un attentisme ou des chutes de leaders… Oui, un coureur non dopé peut gagner contre des coureurs dopés ! Il suffit de relire l’histoire du Tour de France pour savoir que tout est possible : la victoire de Roger Walcowiak dans le Tour 1956, les échappées de Steve Bauer et Claudio Chiappucci au Futuroscope (1990), de François Simon en 2001 (échappée fleuve de Pontarlier…), la chute d’Alex Zülle dans le passage du Goix en 1999…
Enfin, raisonnons jusqu’au bout : puisque, au regard du palmarès du Tour de France des années 2000, la grande majorité des leaders et des podiums étaient composés de coureurs dopés – donc tous à « armes égales » – la différence ne s’est-elle pas faite sur la valeur intrinsèque des coureurs, physique, tactique et mentale ? Oui, indéniablement, surtout que L.A. a gagné 7 fois de suite. Il était donc le meilleur coureur de sa génération, à tous les niveaux : très peu de défaillances physiques, quasiment aucune erreur tactique, un mental d’acier, un professionnalisme hors normes. L.A. était le meilleur de sa génération… de tricheurs mais pas que. Du peloton tout entier, non dopés inclus.
A-t-il volé des coureurs propres ? Indéniablement oui et beaucoup ! Des étapes perdues, des abandons, beaucoup de coureurs propres ont été victimes du dopage de L.A., de ses équipiers et des autres coureurs. Durement et c’est insupportable pour l’équité sportive.
Reste que les leaders dopés étaient malgré tout les meilleurs coureurs (on ne change pas un âne en pur sang, sauf exceptions d’étoiles filantes, au début du dopage EPO d’ailleurs : les Ugrumov, Berzin, Furlan, Gotti, Rumsas…) : le leader n’est pas celui qui « encaisse le mieux le dopage » c’est le meilleur coureur… qui améliore encore ses performances avec le dopage.
Quant au gregario, l’équipier, il reste un gregario, propre ou dopé. Le témoignage de Jonathan Vaughters dans le NY Times est à ce titre édifiant. Coureur modeste, il s’est dopé pour ne pas décevoir son équipe (système compliqué, peut-être inadapté car non pondéré, des points UCI attribués aux coureurs et qui, additionnés, leur ouvrent les portes des plus belles épreuves)
Conclusion : Lance Armstrong est un menteur, mais pas un imposteur. Il a été un terrible tricheur… et le meilleur coureur des années 2000 aussi. Quant au personnage, on peut en parler des années. C’est un champion avec les caractéristiques caractérielles du champion, le mensonge en plus.