Héressie and Ursaphe strike back

Publié le 18 janvier 2013 par Cyroul
En étant audacieux, vous pouvez monter une boite. En étant bon vendeur vous pouvez trouver des clients. Et en étant travailleur, vous pouvez fidéliser vos clients. Mais seulement en payant une personne dédiée vous pourrez peut-être vous débrouiller des peaux de bananes administratives que notre gouvernement aime à semer sur le chemin des entrepreneurs.Voici la suite de l’article de Maudule sur le RSI et l’URSSAF qui vous démontre que si les entrepreneurs fuient la France, ce n’est pas forcément parce qu’il y a trop d’impôts à payer, mais plutôt parce que tenter de suivre les règles face à une  administration imprévisible est trop stressant.  Les grosses boites s’éclatent, les petites morflent. Mais Maud vous racontera ça mieux que moi…

Qui pouvait en douter ? Les aventures avec les formidables Héressie, Ursaphe et Polamploah se sont poursuivies en 2012. Ursaphe a continué à nous inventer un salarié fantôme et le comptable a continué à renvoyer le bordereau de cotisation barré, en précisant « n’emploie plus de personnel salarié ». Un échange épistolaire tout à fait charmant. Cette routine sympathique a fini par s’épuiser le jour où nous avons gagné un appel d’offre public et où nous avons dû fournir en quelques jours des attestations comme quoi nous étions en règle avec tout le monde. Malgré notre correspondance régulière avec Ursaphe, cette dernière n’a rien voulu entendre : « non, vous n’êtes pas en règle ! Je vous rappelle que vous avez un salarié fantôme et que…« . Discuter par téléphone avec une personne butée ne sert à rien, alors nous avons choisi l’option « perdre une demi-journée ».

Défi #1 : obtenir une attestation 

Il a fallu en effet une demi-journée, d’abord passée dans un centre en banlieue, puis dans un deuxième centre, toujours en banlieue, à expliquer notre situation, et à nous entendre dire placidement que « ça ne peut pas être modifié dans le système informatique« .

Ah, ce « système informatique » qui a toujours bon dos et ces pauvres employés qui ne peuvent rien faire, qui sont dépendants de la vilaine dématérialisation ! Au bout de trois heures, en nous concentrant très fort sur ce petit panneau qui disait en substance « restez courtois avec les agents ou vous serez dans la merde », nous avons fini par obtenir gain de cause. Nous sommes repartis, avec le fameux papier et avec un mélange de fatigue et d’extrême agacement . Une feuille toute simple qui aurait pu faire perdre à l’entreprise plusieurs dizaines de milliers d’euros s’elle n’avait pas été rendue dans les temps.

Côté Héressie, ce fut également rock’n'roll. La personne à qui nous avons demandé l’attestation par téléphone a énoncé doctement que, soit nous cherchions nous-mêmes l’attestation dans un centre Héressie, soit nous attendions un envoi par courrier sous 20 jours (20 jours ! mais sérieusement, les mecs ?!!!!), soit nous allions nous faire bien voir (elle n’a pas dit la dernière phrase mais l’a certainement pensé).

Heureusement, notre comptable nous a donné une information que la perfide créature avait, bien entendu, omis de nous communiquer : il existe mon.heressie.fr, qui permet de télécharger directement l’attestation via son compte ! Je trouve absolument génial que les sbires téléphoniques de Héressie soient briefés pour en dire le moins possible par téléphone. J’imagine leur réunion mensuelle :

  • Sbire en chef : Bon, écoutez-moi bien, on a un problème. On a dépensé des centaines de milliers d’euros pour mettre en place mon.heressie.fr. Or ce site dispose de fonctionnalités qui pourraient bien permettre aux gens de gagner du temps.
  • Sbire junior  : Leur faire gagner du temps ? Mais c’est inconcevable ! Cela va à l’encontre de la doctrine de notre grande prêtresse Héressie !
  • Sbire en chef : Exactement. C’est pourquoi il ne faut surtout PAS en parler. D’accord ? Ne mentionnez  JAMAIS  l’existence de ce site.

Défi #2 : échelonner ses cotisations sociales

Et puis un jour, hélas, il a bien fallu se rendre dans un centre Héressie. Notre trésorerie faisait grise mine et la régularisation des cotisations Héressie annonçait des sommes à cinq chiffres à rembourser  : impossible à payer en une seule fois, il fallait demander un échelonnement.

C’était un jour de décembre, avec un ciel bas et lourd. Une petite rue du 17 ème, flanquée d’immeubles mornes et grisâtres, abritait une des habitations Héressie, celle dont je dépends (oui, j’en dépends parce que j’habite dans le 11e. Un savant algorithme permet d’attribuer aux gens le centre Héressie qui est géographiquement le plus loin de leur domicile. Malin, non ?).

J’ai d’abord été, je dois le dire, agréablement surprise. Peu d’attente, des canapés confortables, des visuels de tas de pays du monde défilant sur des écrans modernes. J’ai eu le temps de voir un temple thaï, un lagon paradisiaque, une pyramide et j’ai été appelée par une sbire de Héressie. Avec le recul, je me rends compte à quel point j’ai été naïve.

  • Sbire du 17e : Bonjour que puis-je pour vous ?
  • Traduction  : Bonjour comment pourrais-je vous faire perdre du temps ?
  • Moi : J’ai eu une grosse régularisation pour mes cotisations 2012 et j’aimerais vraiment échelonner la deuxième partie de la régulation. Est-ce que ce serait possible ?
  • Sbire du 17e : Oui, c’est possible. Remplissez et signez ce papier, s’il vous plaît.
  • Traduction : Oui, c’est possible mais cela va être beaucoup plus compliqué que ce que je vais vous dire. Je vais vous faire croire qu’il n’y a qu’un papier à signer.

Je remplis et signe le papier.

  • Sbire du 17e : Tout est ok. Il faudra bien prévenir votre banque de rejeter le prélèvement prévu. Traduction : Héhéhéhéhéhé, tu crois vraiment que ça suffire ?

Effectivement cela n’a pas suffi. Comment ai-je pu croire qu’en me rendant directement auprès des sbires du 17e cela allait être plus simple ?

 

Trois semaines après, Héressie fait comme si tout ce qui s’était passé plus haut n’avait jamais existé. Comment ça vous rejetez le deuxième prélèvement de votre régularisation ? Comment ça vous vouliez échelonner votre régularisation ? Nous ne sommes PAS DU TOUT au courant. Contactés par téléphone, les sbires feignent la plus grande innocence.

C’est donc reparti pour le process que nous connaissons bien : envoi d’un courrier en RAR expliquant la situation / appel téléphonique pour vérifier que le courrier a été bien reçu et pris en compte /1 Lexomyl /  suivi du dossier / appel téléphonique car la situation n’est toujours pas réglée / 2 Lexomyls et un whisky / attente jusqu’à la résolution du problème

A quand un véritable changement ?

Mieux vaut rire de tout ça. Il n’empêche, ça fait drôle de financer un système ubuesque dont la récente restructuration est une catastrophe (ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Cour des Comptes).
Citons également cet article du Monde :