Né en 1976, Benoît Mouchart n'est pas un inconnu dans la bande dessinée. Auteur de plusieurs essais ou de biographies, très remarqués , il est diplômé en lettres. Après avoir enseigné le français, il est devenu journaliste dans le secteur du neuvième art. Commissaire d'expositions, il s'est imposé comme directeur artistique du Festival International de Bande Dessinée à Angoulême. Ce dernier vient d'annoncer son départ en mars après 10 ans de service. Les éditions Gallimard l'ont en effet débauché pour prendre la direction éditoriale en charge de la Bande Dessinée chez Casterman, après le départ de Louis Delas. Fort de sa connaissance de tous les genres de la BD, des plus classiques aux plus innovants, et surtout du monde entier, et de ses innombrables rencontres avec la profession aux plus hauts niveaux, il a forcément un regard cultivé et intéressant.
Son essai très joliment écrit et d'une belle fluidité vient comme un testament de sa jeune et riche expérience. Il est signé du 21 décembre 2012, jour attendu de la fin d'un monde. Sa taille contraste évidemment avec le très bel mais très cher L'art de la bande dessinée paru à la fin de l'année par les éditions d'art Citadelles et Mazenot. Mais le texte, malheureusement non illustré, contient une synthèse très juste sur l'évolution de la bande dessinée depuis le XIXe siècle. Malgré le titre, il passe d'ailleurs l'essentiel de l'ouvrage sur l'histoire du neuvième art, en étayant son propos d'exemples marquants, couvrant tout le spectre du genre, et évidemment en montrant l'importance du rôle d'Angoulême auquel il rend hommage à la veille de la 40e édition.
Analysant avec justesse l'évolution du secteur depuis le début du siècle, il constate le décalage entre la multiplication du nombre de nouveautés et la création de valeur. D'un côté une croissance de 300% en 12 ans, de l'autre une croissance de 33% en nombre d'albums vendus sur la même période. Son manifeste vise aussi à interpeller la profession sur le numérique qui "pourrait lui permettre de gagner de nouveaux lecteurs, voire de reconquérir le grand public", voit les artistes comme les fers de lance de cette évolution et s'inquiète des mastodontes comme Amazon, Apple et Google. C'est la même analyse que j'avais faite parallèlement dans la synthèse sur la BD numérique publiée dans le rapport annuel de l'ACBD. Mais son rôle est de donner des pistes. Nul doute qu'il pourra tenter de les mettre en oeuvre bientôt dans ses nouvelles fonctions.
Un petit livre gris pour se mettre les idées au clair. Un essai passionnant et pertinent.
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De la bande dessinée au XXIe siècle - livret de 95 pages - par Benoît Mouchart - Les Belles Lettres / Archambaud - 7,90 €