La semaine dernière j'ai présenté la première partie de Libres !, ce livre-événement.
Si cette première partie parle des principes du libéralisme, la deuxième partie est consacrée à Mon travail, mon argent, vus par des libéraux.
Il n'est pas inutile de rappeler ce qu'implique la propriété de soi pour un libéral, et, pour ce faire, je reviens à la définition d'Henri Lepage, que j'ai citée dans mon premier article:
"La propriété de soi - que personne ne peut contester - implique celle de son travail, sinon on
est réduit à une situation d'esclave (donc le contraire de la liberté), mais aussi celle des fruits de son travail (pour les mêmes raisons) et, par extension, des ressources naturelles auxquelles
on a mêlé son labeur."(Henri Lepage, Libéralisme et propriété privée)
La propriété de soi commence par la liberté d'être et la responsabilité qui en est le corollaire. Une femme libre exhorte donc les êtres libres à s'exprimer en ce sens:
"Au nom de votre liberté, affirmez-vous et déclarez votre intention: "Laissez-moi exister en toute liberté, laissez-moi penser par moi-même et agir selon ma
conscience; j'assume mes besoins comme mes choix, et je choisis d'être cet individu libre et heureux. Alors, ne me dites pas qui je devrais être, parce que voici qui je suis."
(Héloïse De Smet, Exister en toute liberté)
La propriété de son travail est incompatible avec l'existence de privilèges. Par exemple, sous la pression des auto-taxis, un moto-taxi n'a tout simplement pas le droit d'exister en France
et même de porter le nom de taxi:
"Je ne suis pas libre de travailler dans le pays où "liberté" est inscrit sur tous les frontons des mairies. Plus précisément, l'Etat ne me laisse pas la possibilité
d'utiliser le marché librement, c'est-à-dire offrir l'activité de transport de personne à moto, en réponse à une clientèle demandeuse de ce service." (Stanislas Mozoluk,
Taxi! Vous êtes libre?)
De la propriété de son travail découle la liberté de commercer:
"L'échange commercial permet au vendeur et à l'acheteur de convenir d'un prix qui assure aux deux parties un avantage: l'achat d'un bien procurera à son acheteur un avantage d'une valeur qu'il aura estimée supérieure à l'argent dépensé pour son acquisition; réciproquement, la vente de ce bien aura apporté au vendeur un revenu qu'il considère de valeur supérieure à l'exercice de la seule détention, ou propriété, de ce qui fut son bien." (Pierre-Yves Novalet, La liberté de commercer)
Cette liberté de commercer est entravée, en France - et ailleurs -, par de multiples réglementations au caractère totalitaire, qui n'ont rien à voir avec les règles de bonne conduite dont parlait Friedrich Hayek et au respect desquelles l'Etat devrait veiller, ce qu'il ne fait pas ou mal.
La liberté de commercer est antinomique avec le protectionnisme, qui fut un des facteurs des deux guerres mondiales du XXe siècle, en se généralisant de plus en plus à toutes les nations européennes:
"Qu'en aurait-il été si les commerçants de ces pays avaient au contraire noué des liens
économiques forts? Leurs dirigeants auraient-ils pu se permettre d'entrer en conflit avec leurs voisins? La réponse est probablement négative et devrait être méditée." (Ronny
Ktorza, Le protectionnisme)
La liberté de commercer suppose la possibilité de délocaliser:
"La recherche de production à bas coût est [...] bien loin d'être la seule raison des délocalisations. La recherche de nouveaux marchés, d'infrastructures et de
compétences peuvent amener des dirigeants à vouloir s'implanter dans certaines régions du monde, y compris dans des pays occidentaux, avec toujours à la clef des créations d'emploi."
(Frédéric Vanderplancke, Les délocalisations)
La liberté de commercer a pour corrolaire la concurrence, qui, quand l'Etat n'intervient pas, a bien des vertus:
"Contrairement aux idées reçues, la concurrence est le plus puissant outil d'égalité sociale, car partout où elle passe, elle rend du pouvoir d'achat à tous, y compris aux plus pauvres, parfois plus en proportion." (Philippe Rouzet, La concurrence)
La propriété des fruits de son travail est réduite à peu de choses quand les prélèvements sont obligatoires, comme en France:
"L'Etat vous prend chaque mois environ la moitié du fruit de votre travail! Etes-vous satisfait de ces prestations en échange de ces cotisations forcées? Savez-vous qu'il est possible d'avoir des prestations de meilleure qualité pour beaucoup moins cher avec un système privé? Mais l'Etat vous l'interdit! Où est votre liberté de choix?" (David Vincent, L'Etat prend la moitié de votre salaire)
La propriété des fruits de son travail est impossible quand vous n'êtes pas libre de négocier votre salaire. Cela se produit quand l'égalité des salaires est imposée entre les hommes et les femmes en début de carrière, alors que les risques ne sont pas les mêmes pour l'employeur, une jeune femme ayant alors peu de chances d'être embauchée quand elle est en concurrence avec un jeune homme, à compétence égale:
"Il reste la solution d'une loi qui dirait que les hommes et les femmes se relaieront à tour de rôle dans la gestation, ainsi les risques économiques liés à leur embauche seraient vraiment égalitaires. Mais la nature et la culture en ont décidé autrement." (Nathalie Beffa, Egalité homme/femme?)
Cela se produit également quand un salaire minimum est imposé:
"Le premier effet mathématique est de détruire des emplois en général peu qualifiés. Les pauvres deviennent plus pauvres. Mettant le prix d'un travail au-dessus de la valeur de ce travail pour l'entreprise, il décourage le recrutement et pousse, le cas échéant, au licenciement. L'employeur éventuel cherche d'autres solutions: soit investissement, soit renonciation au projet, soit délocalisation." (Michel de Poncins, Le SMIC français, antisocial?)
Les autres effets d'un salaire minimum étant, s'il est supérieur aux plus bas salaires, de niveler par le bas - il y a de plus en plus de smicards -, et d'écraser la hiérarchie des salaires...
Une grande partie des fruits de son travail n'est pas seulement confisquée par des cotisations forcées, des impôts et des taxes, mais par les manipulations monétaires:
"La monnaie peut se définir comme "un pouvoir d'achat généralisé". Cette expression signifie que le détenteur d'un bien auquel on peut appliquer cette définition peut l'échanger à n'importe quel moment contre n'importe quoi et auprès de n'importe qui.[...] Mais il faut distinguer cette définition "naturelle" de la monnaie de la définition "formelle" qui est habituelle à notre époque: ainsi on donnera le nom de monnaie à des billets de banque dont le pouvoir d'achat se détériore à toute vitesse." (Pascal Salin, Qu'est-ce que la monnaie?)
L'exemple emblématique de monnaie qui répond à cette définition "formelle" est l'euro:
"Les faux-monnayeurs qui nous gouvernent doivent abolir le cours légal de l'euro, cause aujourd'hui de la ruine de l'Europe. Nous ne voulons plus être obligés ni de payer nos dettes en euro ni d'accepter l'euro qu'on nous présente pour rembourser nos créances. [...] Une bonne monnaie n'a pas besoin de cours légal pour circuler. Si elle s'appuie sur un cours légal, c'est qu'elle est une mauvaise monnaie - d'autant plus que jouissant de ce privilège, elle tend à chasser la bonne monnaie." (Philippe Simonnot, L'imposture de l'euro)
La concurrence est bénéfique pour la monnaie, comme elle l'est pour l'économie. Et la concurrence entre les banques ne l'est pas moins pour celui qui veut y confier les fruits de son travail:
"La vertu de la concurrence conduit les banques à adopter une gestion des moyens de paiement qu'elles émettent ainsi que de leurs portefeuilles telle qu'elle leur permette de renforcer la confiance, afin d'élargir la base de leur clientèle et de conquérir des parts de marché." (Nathalie Janson, La banque libre)
Comme on le voit, toutes ces contributions - qui ne sont qu'un aperçu partiel du sujet traité dans Libres! - vont à
l'encontre des idées reçues et peuvent heurter les âmes sensibles et les petits Français à qui l'on tient dès le plus jeune âge un tout autre discours. Avant de les rejeter a priori, tous
feraient bien cependant de méditer un texte des plus classiques sur la servitude consentie, laquelle conduit à l'indignité.
Le Loup de la fable faisait compliment au Chien de son embonpoint. Celui-ci lui expliqua qu'il ne tenait qu'à lui d'être aussi gras que lui. Par son boniment, le Loup allait se laisser convaincre lorsque, chemin faisant, il découvrit le cou du Chien pelé:
- Qu'est-ce là? lui dit-il. - Rien. - Quoi? Rien? - Peu de chose.
- Mais encor? - Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché? dit le Loup: vous ne courez pas
Où vous voulez? - Pas toujours, mais qu'importe?
- Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor.
Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor.
Francis Richard
Libres !, collectif de la La Main Invisible, 100 auteurs, 100 idées, 282 pages