Aujourd'hui, je ne saurais pas dire pourquoi, je suis descendu dans la station de métro, celle qui est en face de chez moi. Je ne pense pas que ce soit par nostalgie du temps, qui me semble déjà si lointain, où je prenais place moi aussi sur un strapontin crasseux ou bien restait debout, agrippé à une barre, tassé contre des congénères dont je fuyais le regard. Non, je ne sais pas pourquoi je suis là. Je regarde mes cheveux gras, luisant à force de n'être pas lavés, dans la vitre garantie incassable d'un panneau d'information où se reflètent également les voyageurs montant dans la rame. Dans un instant les portes vont se refermer, ils vont repartir et je vais rester seul sur ce quai, seul dans ma vie, seul avec les rails électrifiés sous les yeux. Il suffirait d'un si petit effort pour passer de l'autre côté du miroir dans lequel je contemple cette vie qui s'agite juste à deux pas de moi, que j'en ai les larmes aux yeux.
Si peu de choses ; je me retourne, je m'approche de la foule, un pas, deux pas, et je m'intègre à cette cohue bruyante et odorante, je retrouve ma place dans ce manège un peu vain, juste pour quelques minutes, quelques tours supplémentaires, juste pour rester vivant encore un moment. J'ai bien fait le tour de la question, j'ai sorti mon cahier à couverture rouge de mon grand sac, (je n'en avais jamais parlé à personne), et j'ai commencé à observer mes biens chers frères et leurs attitudes plurielles. Je crois que je vais rester encore un peu finalement.