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Un militaire de plus, ou un de moins…

Publié le 17 janvier 2013 par Legraoully @LeGraoullyOff

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Le Professeur Blequin, il y a peu, vous disait tout le bien qu’il pense de la police. Non seulement j’approuve son propos sans la moindre réserve, mais je trouve qu’il serait dommage d’épargner une autre noble institution qui fait la fierté des bœufs qui se caressent devant un drapeau quelconque. En effet, le Président Hollande, en envoyant des troupes au Mali, nous donne une occasion inespérée de faire le point sur la Grande Muette, qu’on nomme ainsi car elle dispose du fameux « secret ». Par exemple, aucun autre ministre que celui de la Défense ne peut se targuer d’avoir un « secret-Education Nationale », un « secret-Agriculture » ou un « secret-Egalité des territoires et du Logement ». T’as un secret, c’est Défense, un point c’est tout, quand bien même tu voudrais planquer un permis de construire pour un barbecue ou une véranda ministérielle. Comme il est prévisible que le zigouillage de soldats va aller bon train dans les prochaines semaines et que les hommages afférents vont squatter un temps d’antenne, proposons-nous de définir pourquoi le militaire a droit aux honneurs nationaux quand ils passent de vie à trépas, alors que les plombiers-chauffagistes, non.

Pour ce faire, nul n’est besoin de disséquer un militaire. Promenez-vous sur un champ de bataille, il y en a un peu partout de par le monde, et reniflez un bout de viande. S’il sent la bière, c’est de la viande de militaire. Néanmoins, l’expertise médicale ne nous apporte rien. La principale caractéristique du militaire est d’être con comme un flic. Les experts parlent plutôt de discipline, mais je n’ai toujours pas compris la différence. Il est important de noter que le militaire est con depuis la plus haute Antiquité et que ni les dessins animés japonais ni le langage SMS n’y sont pour rien. En ces temps obscurs où l’on ne traçait pas les frontières avec une précision toute administrative comme aujourd’hui, le moindre mec qui lorgnait sur le jardin de son voisin et qui pouvait réunir une douzaine de croquants pouvait se proclamer chef de guerre, sous l’égide d’un(e)  dieu/nation/princesse en péril, rayez les mentions inutiles. Il réunissait les désœuvrés dans un terrain vague, leur promettait de la bière et des femmes à foison en échange de leur soutien, et si les dieux sont avec nous, ça va chier dans les géraniums, emmenez aussi vos gamins, ça fatiguera un peu l’ennemi.

Un peu plus tard, sous l’Ancien Régime pour être précis, le militaire se confondait avec l’aristocrate. Puisque c’est Dieu (Mars, Odin et consorts ont été virés entre temps, sans doute les guerres ne donnaient-elles pas les résultats escomptés en termes de morts) qui a confié les destinées de la Nation à l’aristo en chef, casser la gueule au voisin était une chose trop sérieuse pour être confiée à des gueux. Lesdits gueux étaient appelés à quitter leurs champs pour aller se faire aérer la tripe en tête de ligne, de toute façon à la vitesse où ils se reproduisaient la main d’œuvre ne manquait jamais.

Puis est venue la démocratie. On ne se tue plus pour savoir qui son ami imaginaire aime le plus, mais pour des raisons plus concrètes, comme du pétrole, ou de l’uranium. Les aristos sont devenus des contribuables à peu près comme les autres, si l’on n’obste pas(du vieux français obster, prendre en compte, qui a donné l’horrible adverbe nonobstant ) du bouclier fiscal et d’autres friandises du même acabit (du bas latin acapita, prendre pour chef, comme quoi tous les cons ne sont pas dans l’armée). On a instauré un abrutissant service militaire au cours duquel on forçait des jeunes gens encore malléables à faire du sport en rangers, à faire son lit, à partager sa chambre et à supporter les beuglements insensés d’un skinhead à moitié illettré même quand l’ennemi n’était plus à nos portes.

Encore plus tard, on a supprimé le service obligatoire pour le remplacer par une journée d’appel à la défense où l’on s’emmerde encore plus qu’au boulot, mais dans mon souvenir les frites étaient bonnes à midi. Cette journée, qui restera comme le jour le plus chiant de mon existence, reste encore obligatoire pour nombre de formalités administratives, comme passer son permis de conduire ou trouver du travail. Il me souvient que dans le questionnaire qu’on nous adresse en fin de journée, à la question « que feriez-vous en cas de conflit armé », il n’existe aucune case portant la mention « je déserte ». Jeunes gens qui allez être soumis à ce châtiment, ne manquez pas de rajouter la case, les autorités militaires distraites l’oublient toujours.

Désormais, pour devenir militaire, il faut s’engager, et devenir ce qu’il est convenu d’appeler un tueur professionnel. L’armée n’accueille pas que des pauvres hères au QI digne de la coquille Saint Jacques attardée. Elle recrute aussi nombre de demandeurs d’emplois qui y voient une occasion de voir du pays, d’avoir un bel uniforme, de ne pas crever dans la rue et de « devenir soi-même », comme le dit la réclame. J’ignore qui a eu l’idée d’employer l’antienne nietzschéenne à si mauvais escient, mais on devrait l’obliger à aller annoncer aux familles de victimes que leur enfant, leur époux/épouse, est devenu lui-même à coups d’AK 47 en Afghanistan.

Si vous avez bien suivi, vous allez me dire, mais si l’ennemi n’est plus à nos portes, où se cache t-il? Et bien, l’ennemi n’est plus de l’autre côté de la frontière, attendant son heure pour reprendre l’Alsace et la Moselle. L’ennemi s’en fout bien, des Knacks et de nous autres pauvres miséreux de Français en crise perpétuelle. Désormais, l’ennemi, ce n’est plus l’Anglais ou le Prussien, l’ennemi c’est le terroriste. Au moins, l’Allemand, on pouvait le montrer du doigt, et dire c’est lui, salaud d’ennemi, sus à l’envahisseur. Mais au bout d’un moment, on commençait à connaître nos voisins et à savoir quand ils avaient des intentions belliqueuses. Alors que le terroriste, il est suffisamment difficile à identifier pour maintenir la population au niveau de paranoia requis pour faire des négociations paisibles avec le MEDEF. Un peu comme la crise, à cette différence près que la guerre, c’est de la croissance pour celui qui est du bon côté du fusil. Mais demandez à Irakien ou à un Afghan à qui on veut inculquer la démocratie en lui bombardant tout le paysage (ce qui revient à apprendre à jouer de la mandoline sur une clarinette) qui est le terroriste, et il vous répondra le plus honnêtement du monde qu’il était tranquillement en train d’assister à une lapidation quand ça a pété dans le quartier,et que mû par la peur, il a pris les armes.

Quant à l’argument qui consiste à dire qu’on envoie nos militaires pour protéger la population malienne, nan mais lol, quoi. Ca fait combien de temps que Tombouctou en train de se faire détruire par les illuminés? Et si on remonte encore dans le temps, qui protégeait les Touaregs quand ils se faisaient dégommer à leur tour? Et la population syrienne, qui ira la défendre?

Ceci étant dit, maintenant que l’on a prouvé de façon irréfutable que le militaire est un con depuis la nuit des temps, affirmons-le très clairement: rien à battre que des soldats meurent au combat, aussi bien dans un camp que dans l’autre. Que les fous de Dieu et que les larbins d’Areva crèvent tous, ça nous fera des vacances. Hélas, comme d’habitude ce sont les civils qui prendront cher. Bergson disait que la guerre serait une bénédiction si elle ne tuait que les professionnels, et Libertad disait que ceux qui consentent à faire la guerre sont des crétins au même titre que ceux qui la déclarent.

C’est pour ça que le soldat inconnu est inconnu. Il a honte.

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