La chaîne du cinéma indépendant, Sundance Channel, proposera une programmation exceptionnelle du 18 au 27 janvier à 22h00. Les 10 jours de Sundance seront l’occasion de présenter les chouchous du célèbre festival du même nom, plus grand événement consacré au cinéma indépendant des Etats-Unis. Le festival présente chaque année des œuvres récentes de réalisateurs américains et étrangers, qui seront pour la plupart diffusées en exclusivité sur Sundance Channel.
Une vision du cinéma unique, que partage la chaîne et le festival, qui nous est expliquée par le créateur de Sundance Channel, qui n’est autre que l’acteur Robert Redford.
Quelle est la philosophie de Sundance Channel ? La chaine suit-elle strictement la philosophie du festival ?
Oui. La chaine poursuit la même mission que celle du Sundance Institute à l’origine du festival : créer un espace pour que de nouvelles voix, de nouveaux artistes se fassent voir et entendre. Il s’agit de donner plus d’opportunités à des artistes indépendants à qui l’on ne donne généralement pas leur chance. C’est ce que fait le festival en montrant ces films, mais cela ne dure que 10 jours ! J’ai pensé que le moment était venu de faire découvrir ce festival à un public plus large par le biais de la télévision. C’est pourquoi nous avons créé la chaine Sundance Channel pour faire voyager le festival dans d’autres villes, et même d’autres pays.
A une époque ou la télévision et le cinéma semblent si intimement liés et on l’on voit des acteurs comme Meryl Streep, Dustin Hoffman et Glenn Close sur petit écran, pourquoi vous bornez-vous au cinéma ? Pensez-vous toujours que les meilleurs projets sont réservés au cinéma ou pensez-vous qu’ils puissent aussi germer à la télévision ?
C’est une très bonne question. A vrai dire, je n’en connais pas la réponse. Je pense que la télévision aujourd’hui aux Etats-Unis produit de plus en plus de talents (scénaristes, acteurs, réalisateurs). C’est donc un moyen d’expression très solide. Les films commerciaux sont devenus à Hollywood de plus en plus limités à cause de l’usage des effets spéciaux. Ils coûtent très cher à réaliser et cet argent est placé dans la création d’images puissantes. C’est très bien, mais en terme de narration je pense que la télévision et le cinéma indépendants apportent bien plus de satisfaction. Donc, en un sens, la télévision et les films indépendants vont bien ensemble et c’est pour cela que je voulais créer une chaine de télévision, pour amener le cinéma indépendant plus facilement au spectateur afin de lui donner plus de choix.
Je ne suis pas sûr d’avoir totalement répondu à la question de savoir pourquoi je privilégie le cinéma. Au début de ma carrière à New York, je suis passé du théâtre à la télévision et ai vécu les dernières années de la télévision en direct. J’ai travaillé à la télé pendant environ trois ans et puis suis passé au cinéma. J’ai trouvé ce passage au cinéma très satisfaisant. J’aimais l’idée du grand écran. Et puis cela te donnait plus de donner plus de temps. C’était une expérience nouvelle pour moi et je suis resté là-dedans. Aussi, il faut se rappeler que je n’ai pas fait tant de films que ça. Certains acteurs en font bien plus. Je travaille plus rarement, c’est peut-être pour cela aussi que je ne suis pas passé au petit écran.
Est-ce que tout le travail que vous avez investi dans Sundance Institute, dans le festival et maintenant dans la chaine a porté ses fruits ?
Tout à fait. Je ne savais pas si ça allait être le cas et c’était un risque à prendre. Créer le festival puis me lancer dans la télévision aussi, étaient de vrais paris, car je ne savais pas comment le public allait réagir. Comment allaient-ils réagir à des genres nouveaux ? à plus de cinéma indépendant ? Mais c’est ce en quoi je croyais, donc le jeu en valait la chandelle. Et aujourd’hui, le simple fait que je sois là, que la chaine ait bien marché aux Etats-Unis, suffisamment pour que nous puissions l’exporter à l’étranger, c’est un risque aussi, mais j’aime l’idée de partager avec des gens d’une autre culture que la mienne. C’est une manière de dire : voici notre culture, faisons-là découvrir à votre culture. Mais en même temps, comme les films sur Sundance Channel viennent du monde entier, cela reste très international en termes de contenu. Nous diffusons des films du festival tout comme des films étrangers pour donner aux téléspectateurs un choix plus large. C’est pas mal, non ? Et puis, vous savez, si Sundance Channel n’avait pas été un succès, je n’aurais pas été là aujourd’hui.
Dans vos films, vous avez abordé vos inquiétudes d’un point de vue psychologique, puis social… n’avez vous jamais pensé à aller un peu plus loin pour combattre ces problèmes ? En devenant président par exemple ?
Vous voulez dire en me lançant en politique ? Ce serait une grave erreur. Vous m’offrez un choix trop limité. Faire de la politique me rendrait fou. C’est trop restreint, étroit. Et vous pouvez voir à travers les événements récents dans mon pays que ça devient du grand n’importe quoi. Et ce n’est vraiment pas pour moi. Ce n’est pas suffisamment indépendant, libre ; c’est bourré d’idéologies et d’étroitesse d’esprit. Je ne veux rien de cela.
Quelle est la chose la plus importante que vous pensez avoir accomplie dans votre vie ?
C’est une question intéressante… mais difficile, parce que trois choses me viennent tout de suite à l’esprit. La première, mes enfants, le fait d’avoir une famille dont je suis fier. La deuxième, ce serait sûrement ma carrière. J’ai mis du temps à trouver ma place. J’ai fait de tout, y compris des choses qui n’étaient pas super et des bêtises… Puis, je suis devenu acteur. J’ai trouvé ma place. J’ai énormément de chance. Je suis également heureux d’avoir réussi à conserver suffisamment d’indépendance dans ma vie pour me sentir libre.
Au début du premier mandat d’Obama, il semblait qu’il voulait apporter certaines aides au cinéma indépendant. Qu’en pensez-vous ? Qu’est-ce que le second mandat apportera au cinéma indépendant selon vous ? Pensez-vous que le gouvernement américain apportera son soutien au cinéma indépendant ?
Non. Je pense que le gouvernement à des choses bien plus importantes à faire. Il a des choses plus graves auxquelles penser, donc je ne crois pas que le gouvernement Obama ne prête beaucoup d’attention au cinéma indépendant et ce n’est pas un problème, car aucun autre ne l’a fait auparavant. Aucun gouvernement ne s’y est jamais intéressé. Et puis le cinéma indépendant n’est pas là pour lui faire plaisir, il est là pour le peuple. Mais si le président désirait voir un film indépendant, je serais ravi de lui en montrer un, mais ce n’est pas ce que j’attends de lui.
En revanche, je pense que l’on peut utiliser le cinéma comme moyen de pression, de lobbying. Par exemple, parmi les films du festival que vous allez voir ici, il y a des films concernant l’environnement, car je milite pour l’environnement dans mon pays. C’est pourquoi nous montrons des films sur le sujet. Les gens ne peuvent plus nier l’existence de changements climatiques, les preuves sont trop accablantes. Le film Chasing Ice par exemple montre la fonte des glaciers en Alaska, au Groenland, en Islande – des pans entiers de glacier qui disparaissent. C’est un signe clair que le réchauffement planétaire est une réalité. Si vous voulez que le gouvernement prenne position contre l’utilisation excessive de pétrole, d’essence, de charbon qui détruit l’environnement, montrez-leur un film. Essayez de présenter le film au président Obama ou à son épouse. Demandez la permission. Parfois ça fonctionne (pas toujours), mais ça vaut le coup d’essayer.
Vous avez mentionné au début de l’entretien, le cinéma commercial, le cinéma hollywoodien à gros budget, les effets spéciaux. Avez-vous d’autres critiques à faire envers Hollywood ?
Ce n’était pas une critique, seulement un constat. Quand vous pensez au cinéma commercial, vous pensez sûrement aux films d’action à gros budgets, qui utilisent une technologie avancée et notamment des effets spéciaux, des explosions… Vous pouvez faire beaucoup de choses et manipuler le film comme vous le voulez quand vous disposez d’un gros budget. Je vois des films qui coûtent 70 millions de dollars, ou encore 150 millions, ce n’est pas rien. Ça ne me dérange pas, cela fait partie du cinéma aussi. Seulement, je préfère le côté plus humain du cinéma : qui raconte des histoires encrées dans le réel et le quotidien des gens. En gros ce que je veux dire c’est que le cinéma englobe un éventail de réalités différentes. Je n’ai rien contre les films commerciaux, je dis juste que le cinéma indépendant s’y oppose en cela qu’on y fait des films avec moins d’un million de dollars et pas 150 millions. Certains films sont réalisés avec seulement 20 000 dollars, jusqu’à 3 ou 4 millions, mais pas plus. Je n’ai aucun problème avec les grosses productions, mais je préfère seulement le cinéma indépendant.
Vous avez dit qu’au début de votre carrière vous aviez travaillé à la télévision. Sachant qu’aujourd’hui le petit écran offre beaucoup plus de possibilités, dans quelles séries actuelles aimeriez-vous jouer, ou lesquelles aimeriez-vous produire ou réaliser ?
A l’heure actuelle ? Difficile de choisir, il y en a trop ! Je pense notamment à toutes les séries de la chaine AMC, comme entre autres Hell on Wheels ou Mad Men. Ce sont toutes de très bonnes séries, pour lesquelles ce serait un plaisir de travailler.
Vu la demande croissante de services sur Internet, avez-vous envisagé de lancer un service semblable à la chaine Sundance sur Internet, comme Net Wish ou quelque chose comme ça ?
Chaque chose en son temps. Je pense qu’Internet fait sans aucun doute partie de notre avenir et de nombreux réalisateurs vont dans cette direction. Nous les suivrons certainement, mais pour le moment je préfère me concentrer sur le lancement de la chaine Sundance à l’étranger et la partager avec d’autres cultures. C’est une expérience exaltante pour moi. Internet attendra, je préfère me concentrer sur le présent.
Voici la programmation complète de cette semaine spéciale:
Vendredi 18 janvier: Here / Réalisateur : Braden King
Samedi 19 janvier: Bones Brigade: An Autobiography / Réalisateur : Stacy Peralta
Dimanche 20 janvier: Payback / Réalisatrice : Jennifer Baichwal
Lundi 21 janvier: L / Réalisateur : Babis Makridis
Mardi 22 janvier: Prairie Love / Réalisateur : Dusty Bias
Mercredi 23 janvier: Barking Water / Réalisateur : Sterlin Harjo
Jeudi 24 janvier: The Missing Person / Réalisateur : Noah Buschel
Vendredi 25 janvier: The Winning Season / Réalisateur : James Strouse
Samedi 26 janvier: I Am Not A Hipster / Réalisateur : Destin Daniel Cretton
Dimanche 27 janvier: Septien / Réalisateur : Michael Tully