Les enseignants de "maths pures", presque tous bourbakistes, de l'université de Strasbourg où j'ai été étudiante dans les années 60, manifestaient une certaine propension à utiliser des notations quelque peu tendancieuses. Exemples :
- l'un d'entre eux, normalien, éminent topologue, futur académicien (correspondant), jouait ce petit jeu:
chaque fois qu'il utilisait la lettre "q" et devait l'indexer, il choisissait systématiquement comme indice la lettre grecque "nu" alors que la lettre "n" aurait très bien fait l'affaire !
Les étudiants l'entendaient donc discourir, phonétiquement, de "cul nu" !
Ils ne manquaient pas de glousser mais l'enseignant restait imperturbable.
- un autre enseignant, non normalien, moins éminent mais aussi topologue, avait une prédilection pour l'association des lettres grecques "tau " et "rho" !
Les étudiants gloussaient aussi avec ce phonétique "taureau" et là, l'enseignant gloussait avec eux !
Toujours avec la lettre "rho", il disait souvent quand il s'agissait de simplifier une expression: les "rho" se biffent (on les barre) !
Les étudiants phonétisaient les "rosbeefs", toujours en ricanant avec le prof ! Très subtil !
Pour le couple (cul nu, taureau) les enseignants en question s'étaient-ils concertés, les petits futés ?
- un troisième larron, aussi normalien, éminent géomètre, futur académicien (correspondant), moins tendancieux, s'obstinait à utiliser des lettres gothiques majuscules pour ses notations ! Les étudiants qui reproduisaient fidèlement son cours sur leurs tablettes, se voyaient donc dans l'obligation de multiplier les tortillons associés à ces lettres très complexes. Mais l'Alsace était encore très germanophone à cette époque ; peut-être l'enseignant voulait-il simplement se mettre au diapason de cet environnement teuton, louable intention ! Et nous imaginions naïvement qu'il allait nous saquer à l'examen écrit si nous utilisions d'autres notations moins sophistiquées ...
- un quatrième cas, un enseignant non normalien, probabiliste éminent, est hors sujet ici car il utilisait des notations correctes, mais je ne résiste pas au plaisir de le citer:
il s'agissait d'un célibataire endurci lequel, interrogé sur la motivation de son célibat, répondait systématiquement:
"je n'ai pas besoin de vache à lait" !
Alors là, plus de modestes gloussements mais de franches rigolades éclataient tous azimuts !
Et vous, chères lectrices, chers lecteurs, vos profs vous ont-ils aussi gratifiés d'associations de lettres aussi tendancieuses ?
Merci de nous les communiquer !
Heureusement, le ridicule ne tue pas ...
Texte publié grâce à l'aimable proposition de son auteure, Edith Kosmanek, Docteure en maths, Universitaire retraitée.