Propos homophobes : la délation joyeuse des Jeunes Socialistes

Publié le 17 janvier 2013 par Copeau @Contrepoints

En appelant les Français à dénoncer des propos qu'ils jugeraient homophobes, les Jeunes Socialistes utilisent un procédé dangereux pour limiter un droit inaliénable. Leur indéniable talent pour l'investigation pourrait pourtant être utilisé à meilleur escient.

Par Baptiste Créteur.

Cécile Duflot avait appelé les Français à dénoncer d'autres Français pour accélérer le viol de la propriété privée. Aujourd'hui, ce sont les Jeunes Socialistes qui appellent à la délation pour accélérer le viol de la liberté d'expression, en établissant une carte collaborative des élus homophobes.

Chacun peut s'émouvoir que la liberté d'expression permette d'exprimer des idées nauséabondes. Mais il n'y a là aucune raison d'appeler à la dénonciation. La liberté d'expression ne peut pas être cantonnée à un cadre, de la même façon que la propriété privée ne peut pas être cantonnée à un cadre ; un droit inaliénable n'admet pas d'exceptions. Inutile de rappeler que la délation de citoyens en raison de leurs opinions – quelles qu'elles soient – est dangereuse, bien qu'il semble difficile pour nos politiciens de tirer des leçons de l'histoire.

Est également inquiétant la catégorisation de certains propos comme homophobes. Selon la page des Jeunes Socialistes, Nicolas Dhiucq, député de l'Aube, aurait déclaré, lors d'un débat parlementaire :

Vous me permettrez de considérer que souvent le terroriste a un défaut : il n’a jamais rencontré l’autorité paternelle le plus souvent. Il n’a jamais eu de rapport avec les limites et avec le cadre parental. Il n’a jamais eu cette possibilité de savoir ce qui est faisable ou non faisable, ce qui est bien ou mal. [...] Mon point de vue est le suivant : si vous avez à terme des jeunes auxquels on donnera encore moins la chance d'avoir des repères, automatiquement vous en aurez un certain nombre qui seront enclins à trouver une structuration dans n'importe quoi, aussi bien un mouvement extrémiste que terroriste.

Présentés de cette façon, il est impossible de connaître le contexte dans lequel ces propos ont été tenus, ni s'ils l'ont effectivement été et de cette façon. Mais faisons confiance aux Jeunes Socialistes, et admettons que le député les ait effectivement tenus. En quoi son avis sur la vie des terroristes et le danger qu'il y a à ce que certains jeunes n'aient pas de repères est-il homophobe ? La "validation du webmaster" étant un préalable à la publication, on peut s'étonner qu'il n'ait demandé aucune précision sur le sujet.

Ce que les Jeunes Socialistes appellent à dénoncer en réalité n'est pas l'homophobie, mais l'opposition au "mariage pour tous" ou l'ouverture d'un débat sur le sujet. Par exemple, n'est-il pas légitime de se demander pourquoi ce mariage pour tous ne pourrait pas s'ouvrir également à d'autres formes de mariage ("Si on va au bout de la logique, pourquoi interdire la polygamie ?"), n'est-il pas légitime de se demander ce que le mariage apporte en définitive aux couples homosexuels ("Même si j’ai beaucoup d’amis gays et que j’ai accouché des gays femelles, je ne vois pas ce que ça apporte sinon une couverture sociale.") ?

La démocratie fait peser sur tous et applique à tous de la même façon la volonté du plus grand nombre. Dénoncer ceux qui ne seraient pas d'accord avec le plus grand nombre et demandent à ce que leur avis soit pris en compte ne grandit pas les Jeunes Socialistes. En revanche, s'ils ne peuvent s'empêcher de pratiquer la délation – qui, à en croire l'actualité, est dans l'air du temps – ils peuvent le faire de façon légitime et à bon escient.

Je les invite donc à se soucier avec le plus grand intérêt de la façon dont les élus de la République française dépensent l'argent du contribuable à leurs fins personnelles, des infractions qu'ils commettent au cadre de la loi, des pratiques néfastes qu'ils instaurent. Ils contribueraient alors à responsabiliser les hommes politiques et à rendre plus pertinente la dépense publique, objectif qu'ils s'approprieront d'autant plus facilement qu'ils s'émeuvent de ce que des SDF dorment dans la rue au point de violer la propriété privée pour les loger. La presse française, pourtant si proche des élus et de la manne intarissable de l'argent public, a récemment évoqué quelques pistes en Île-de-France et dans le Nord-Pas-de-Calais, que j'invite les Jeunes Socialistes à investiguer.

Toute contribution de leur part à une meilleure gestion de l'argent public et à la fin des pratiques au moins opaques, peut-être mafieuses dans la dilapidation de l'argent du contribuable sera la bienvenue. La lutte contre la corruption semble pour l'instant leur paraître moins importante que la délation, mais s'ils venaient à changer d'avis, la rédaction de Contrepoints réserverait le meilleur accueil à leurs contributions.