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Les banques. Quand il y en a plus, il en reste encore.
Les données sur les banques européennes publiées par CADTM font froid dans le dos. Qu’on les ai sauvées au lieu de remettre tout à plat et de repartir à zéro comme les Islandais est incompréhensible. Impossible soit-disant sans risquer un chaos mondial . Admettons. Mais fallait-il pour autant leur relaisser carte blanche et leur permettre de poursuivre leurs pratiques folles? Certainement pas.
Par ailleurs, les sommes colossales dont elles disposent, plus de 10 000 milliards d’actifs sans parler du « shadowbanking » estimé à plus de 70 000 milliards, interrogent et laissent envisager une crise actuelle finalement bien ordonnée.
Encore un excellent article d’Eric Toussaint, dans la lignée de Banques contre peuples: les dessous d’un marché truqué.
« Comme l’a écrit The Economist fin 2006 : « Ayant connu une croissance annuelle de 3,2% par tête depuis 2000, l’économie mondiale est en passe de traverser sa meilleure décennie de tous les temps. Si elle continue à ce rythme, elle fera mieux que dans les années 1960 et 1970, réputées idylliques. Le capitalisme de marché, le moteur qui fait tourner le gros de l’économie mondiale, semble bien remplir sa fonction. » » |1| Alan Greenspan
L’objectif n°1 des gouvernants : éviter un nouveau krach financier et bancaire qui pourrait se révéler pire que celui de septembre 2008
Comme nous l’avons vu dans les parties précédentes, les grandes banques centrales (BCE, Banque d’Angleterre, Fed aux États-Unis, Banque nationale de Suisse) prêtent massivement aux banques à très bas taux d’intérêt afin d’éviter des faillites. Sans cette ligne de crédit illimitée, une grande partie des banques seraient en cessation de paiement. Sans l’intervention massive des banques centrales et des gouvernements, les grandes banques privées se seraient effondrées. Le cumul des prêts des banques centrales aux banques privées depuis 2007 dépasse de loin la somme de 20 000 milliards de dollars. Si on se limite à l’Union européenne, les aides accordées par les pouvoirs publics aux banques ne s’arrêtent pas à des crédits illimités à très bas taux d’intérêt, il faut y ajouter, pour la période d’octobre 2008 à décembre 2011, des garanties accordées pour assumer les dettes bancaires en cas de nécessité, pour un montant de 1 174 milliards d’euros (soit 9,3% du PIB de l’UE |2|) et des injections de capitaux publics dans le capital des banques au sein de l’UE pour 442 milliards d’euros (3,5 % du PIB de l’UE). Il faut également y ajouter :
la baisse des recettes fiscales, vu que les banques déclarent des pertes qui leur permettent d’éviter pendant plusieurs années de payer des impôts même lorsqu’elles font des bénéfices par la suite |3| ; la décision de n’exercer aucune véritable répression dans les nombreux délits financiers commis par les banques et malgré les dommages que leurs actes ont causés à la société |4| ; le refus de prendre des mesures contraignantes qui imposent aux institutions financières une véritable discipline afin d’éviter la reproduction de crises bancaires |5|.De plus, en ce qui concerne l’Eurozone, les États et la Commission européenne maintiennent les dispositions légales qui donnent au secteur privé le monopole du crédit destiné au secteur public. Or, les banques privées se financent principalement depuis 2008 auprès des pouvoirs publics (la BCE et les banques centrales des États membres de l’Eurozone qui constituent l’Eurosystème) à un taux extrêmement avantageux (entre 0,75 % et 1 %). Elles prêtent ensuite cet argent aux pays européens de la Périphérie (Espagne, Italie, Portugal, Grèce, Irlande et des pays de l’Est membres de l’Eurozone) en exigeant des taux exorbitants (entre 4,5 et 10%, voire plus parfois). C’est doublement condamnable du point de vue juridique : les banques sont coupables d’un abus de position et d’un enrichissement sans cause (car abusif via des taux usuraires). Dans la suite de cette série, dans la partie 7, seront analysés d’autres délits et crimes dont se rendent responsables les banques, ce qui entraîne la nullité des créances que les banques réclament. Les personnes et les sociétés qui en sont responsables doivent être condamnées selon les cas à de fortes amendes, à des travaux d’intérêt général, à une privation de liberté ou à une interdiction d’exercice de la profession.
Il serait naïf de penser que les banques mettent à profit les largesses des pouvoirs publics pour revenir à une gestion prudente des fonds qui sont mis à leur disposition tant par les États que par le public qui y dépose son argent. C’est un des points abordés dans cette partie.
Les crises font partie du métabolisme du capitalisme
Une crise dans le système capitaliste sert d’une certaine manière à remettre les pendules à l’heure : les bulles spéculatives éclatent et le prix des actifs |6| se rapproche de leur valeur réelle ; les entreprises les moins rentables font faillite, il y a destruction de capital |7|. Les crises font en quelque sorte partie du métabolisme du capitalisme.
Mais l’intervention des pouvoirs publics qui suivent les demandes des patrons des entreprises a évité jusqu’ici « l’assainissement », la purge du système capitaliste. Les victimes du côté de la majorité sociale se comptent par dizaines de millions tandis que du côté des responsables de la crise, il n’y a pas de véritable remise en ordre, les faillites de grandes entreprises sont très limitées, les banques n’ont pas assaini leurs comptes et de nouvelles bulles spéculatives se sont formées ou sont en cours de formation.
La faible quantité de faillites bancaires est attribuable à l’aide apportée par la BCE et les gouvernements de l’UE. Les États membres ont considéré que les banques étaient trop grosses pour tomber en faillite. Dans l’UE, seules 7 petites ou moyennes banques ont été liquidées : 4 danoises, une finlando-luxembourgeoise, une irlandaise et une britannique |8|.
Si un tournant radical favorable à la justice sociale n’est pas pris, la crise va se prolonger pendant de nombreuses années pour plusieurs raisons : le maintien d’une politique gouvernementale qui favorise les intérêts des grandes entreprises privées et qui s’attaque aux droits économiques et sociaux des populations |9| ; une demande publique et privée insuffisante ; des bulles spéculatives persistantes ; le maintien en vie d’entreprises non rentables, voire insolvables.
Voilà pourquoi il est important de mieux comprendre le rôle des banques en ouvrant leurs livres de comptes et en auditant les budgets des pouvoirs publics qui leur viennent en aide, en mettant en lumière leurs activités, en identifiant les raisons qui les font agir. De ce travail d’analyse, il ressort que la partie de la dette publique qui est le résultat direct ou indirect de la crise bancaire et du sauvetage des banques privées est frappée d’illégitimité |10|. Cette dette n’a pas servi l’intérêt général, elle permet aux banques d’avoir le beurre et l’argent du beurre tout en continuant leur politique néfaste. Cette dette publique constitue le prétexte invoqué par les gouvernants pour porter atteinte aux droits économiques, sociaux et politiques des populations.
Une autre conclusion s’impose : les banques doivent être considérées comme des services publics du fait, précisément, de leur importance et de l’effet dévastateur que leur mauvaise gestion peut avoir sur l’économie. Le métier de la banque (au sens de constituer un instrument pour permettre l’épargne et pour octroyer du crédit) est trop sérieux pour être confié à des banquiers privés qui par définition cherchent à maximiser le profit de la poignée de grands propriétaires privés (le 1%, comme le mouvement Occupy Wall Street les a appelés). Vu qu’elle utilise de l’argent public, bénéficie de garanties de la part de l’État et doit rendre un service de base fondamental à la société, la banque doit devenir un service public.
Cela conduit à deux propositions radicales : d’une part, obtenir l’annulation/répudiation de la dette publique illégitime et lancer une politique d’emprunt public favorisant la justice sociale, l’amélioration des conditions de vie, le rétablissement des grands équilibres écologiques ; d’autre part, socialiser le secteur bancaire sous contrôle citoyen, car il doit être soumis aux règles d’un service public |11| et les revenus que son activité génère doivent être utilisés pour le bien commun. D’autres mesures, comme l’arrêt des politiques d’austérité, sont évidemment tout à fait nécessaires |12|
Le milieu secret des banques : à la poursuite du « ROE » maximum
Quand on se lance dans l’analyse des banques privées, de leur comportement en tant qu’entreprises capitalistes, des motivations de leurs dirigeants et des principaux actionnaires, il est important de prendre en compte la course au rendement sur fonds propres pour comprendre comment les grands actionnaires et les dirigeants conçoivent la fonction d’une banque.
La notion de ROE (« Return on Equity », ou rendement sur fonds propres) constitue une clé de compréhension. Depuis les années 1990 jusqu’à la crise qui a commencé en 2007-2008, on a connu une course à un ROE maximum : 15% était courant mais certaines banques obtenaient de 25 à 30%. En 2007, le ROE s’élevait à 15% en zone euro, à 17% au Royaume-Uni et à 19% aux USA |13|. Prenons pour exemple deux des grandes banques des États-Unis : Goldman Sachs et Morgan Stanley (respectivement 5e et 6e banques de ce pays). Goldman Sachs et Morgan Stanley ont atteint un ROE de 30% en 1999-2000 jusqu’à l’éclatement de la bulle internet et la faillite d’Enron en 2001. De 2001 à 2004, les actionnaires de ces deux banques ont dû se « contenter » d’un ROE de 12 à 16%. Grâce à la politique de soutien sans faille aux banques et au « big business » développée par la Fed et par l’administration Bush (avec Henry Paulson, l’ancien patron de Goldman Sachs, au poste de secrétaire au Trésor), le ROE de Goldman Sachs a de nouveau atteint des sommets (30%) en 2006-2007 tandis que celui de Morgan Stanley remontait à près de 25% en 2006 avant de chuter en 2007. Goldman Sachs, tout en recommandant à ses clients d’acheter des produits structurés subprime (les fameux CDO – Collateral Debt Obligations), a parié sur leur baisse dès 2007, c’est pourquoi son ROE s’est établi à 30% en pleine crise bancaire alors que ses concurrents Bear Stearn, Merrill Lynch et Lehman Brothers commençaient une descente aux enfers. D’ailleurs cette politique de Goldman Sachs a été l’objet d’une investigation par la SEC (Securities and Exchange Commission, l’organe de contrôle des banques aux États-Unis) et a donné lieu au paiement d’une amende. Ensuite en 2008, le ROE de Goldman Sachs est tombé à 10% et celui de Morgan Stanley à 0%. En 2009, celui de Goldman est remonté à 20%, celui de Morgan Stanley à 10% en 2010. En 2011, le ROE des deux banques est retombé à 5% |14|.
Schématiquement, les fonds propres d’une banque sont constitués du capital apporté par les actionnaires |15|. Il y a 25 ans, ils représentaient environ 8 % du bilan de la banque. Prenons une banque qui avait des actifs qui atteignaient 100 milliards d’euros (qui se répartissent en crédits aux ménages et aux entreprises, en titres de la dette souveraine, en obligations d’entreprises, en commissions sur des fusions d’entreprises ou des lancements en Bourse…), son capital équivalait à 8 milliards d’euros.
Pour atteindre un rendement sur fonds propres (ROE) de 15%, il faut un bénéfice net de 1,2 milliard d’euros (soit 15% de 8 milliards). Obtenir un tel bénéfice net à partir d’actifs qui s’élèvent à 100 milliards d’euros paraît aisé : cela représente 1,2% de la somme.
Le gonflement exponentiel du bilan des banques afin d’augmenter le ROE
A partir du milieu des années 1990, se développent très rapidement de nouveaux produits financiers : des dérivés de différents types, des produits structurés… Les grandes banques veulent leurs parts de marché de ce secteur en plein développement. Elles sont convaincues que si elles ne s’y lancent pas, elles seront dépassées et peut-être absorbées par des concurrents. Le rendement de ces produits est relativement faible, ils rapportent en général moins de 1%. Du coup, une banque dont les actionnaires veulent que le ROE passe de 20 à 30% est poussée à augmenter de manière exponentielle son bilan. Dans l’exemple mentionné précédemment, le bilan de la banque est alors multiplié par 3 en une dizaine d’années pour atteindre 300 milliards tandis que le capital n’est pas augmenté. Il représente toujours 8 milliards soit 2,66% du bilan. Le financement de cette croissance du bilan est passé par le recours à l’endettement.
L’effet de levier
La banque en question a fait jouer l’effet de levier qui consiste à recourir à l’endettement pour augmenter la rentabilité des capitaux propres |16|. L’effet de levier est de 36 (les dettes représentent 36 fois le capital). Comme la concurrence entre grandes banques sur le marché des dérivés a augmenté au fil des années, le rendement de ces produits a baissé : dans certains cas, il ne dépasse pas 0,1%. Pour continuer à dégager un ROE de 30% alors qu’à partir de 2001 les taux d’intérêt et le rendement des dérivés sont en baisse, les banques sont incitées à augmenter le volume de leurs actifs, en particulier dans le domaine des dérivés, et à chercher à créer des produits structurés à plus haut rendement, notamment dans le domaine des subprime. Mais légalement, elles ne peuvent pas avoir un capital inférieur à 2,5% de leur bilan (voir partie 6, l’accord de Bâle 2). Donc, pour obtenir des revenus et maintenir un ROE élevé, elles développent le hors bilan. Elles créent des sociétés non bancaires (et donc non règlementées et non contrôlées) spécialisées dans les dérivés. En 2007, le marché des produits structurés subprimes’effondre, les banques et leurs sociétés spécialisées font des pertes, parfois supérieures à leur capital. Revenons à notre banque qui utilise un effet de levier de 36 (dettes) pour un 1 (fonds propres). Si elle enregistre une perte qui entraîne une baisse de 3% de la valeur des actifs, ses fonds propres sont engloutis. Soit elle se déclare en faillite, soit elle est rachetée par une autre banque ou par l’État, soit elle fait appel à l’État pour la recapitaliser, soit elle dissimule ses pertes par un jeu d’écriture comptable en attendant des jours meilleurs où les bénéfices reviendront.
Ces différents cas de figure se sont réellement présentés. Aux États-Unis, à côté de Lehman Brothers (la 4e banque d’investissement |17|) et de Washington Mutual, 400 banques petites et moyennes ont fait faillite à partir de 2007. En Belgique, Fortis, la principale banque du pays, a été rachetée par BNP Paribas en 2008. Aux États-Unis encore, Merrill Lynch a été rachetée par Bank of America et Bear Stearn a été rachetée par JPMorgan.
Le cas de Northern Rock
Au Royaume-Uni, Northern Rock était à l’origine une banque coopérative qui a changé de statut en 1997 et adopté une stratégie agressive dans le domaine immobilier. Entre 1997 et sa chute en 2007, elle a connu une croissance de 23% par an pour devenir la 5e banque hypothécaire britannique, dont 90% des prêts étaient concentrés dans le secteur immobilier. Pour financer son développement, elle a marginalisé les dépôts de clients comme moyen de financement et s’est mise à dépendre d’emprunts à court terme. Elle a joué à fond sur l’effet de levier qui a dépassé le ratio de 90 pour 1. Le 13 septembre 2007, Northern Rock a fait appel à la Banque d’Angleterre, ce qui a provoqué la panique des déposants qui se sont précipités pour retirer leurs avoirs. Mais ce n’est pas cette panique des déposants qui a provoqué sa chute, c’est en fait la décision des grands créanciers privés de fermer le robinet du financement au jour le jour qui a sonné le glas pour Northern Rock plusieurs mois avant septembre 2007. La banque a été nationalisée en février 2008 |18|.
Deutsche Bank accusée de tromperie par d’anciens employés
Un cas beaucoup moins connu est celui de Deutsche Bank (DB), la principale banque au niveau mondial en termes de volume du bilan (voir plus loin). Il illustre le cas de figure qui consiste à cacher une perte afin d’éviter une intervention des pouvoirs publics et une fuite des investisseurs provoquant une chute brutale des actions. Les faits se sont passés en 2009 |19|. Selon trois anciens employés qui ont dénoncé les faits en 2010-2011 auprès de la SEC, Deutsche Bank aurait caché une perte de 12 milliards de dollars sur le marché des dérivés aux États-Unis. Si Deutsche Bank avait acté cette perte dans son bilan 2009, son capital aurait été réduit de 25%, ce qui l’aurait obligé à demander un plan de sauvetage (bail out) aux autorités allemandes (qui exigeaient à l’époque des banques allemandes que leur capital représente 8% des actifs). Au lieu de reconnaître une perte, elle a mené une grande campagne de communication pour faire remonter la valeur de l’action en Bourse. Elle a annoncé un bénéfice avant impôt de 1,8 milliard d’euros pour le premier trimestre 2009. L’action DB a grimpé de 16 euros en janvier 2009 à 39 euros fin avril 2009. Les trois employés ont dénoncé les faits sans se consulter. Eric Ben-Artzi était risk manager à la DB, il a été licencié 3 jours après avoir dénoncé la tromperie à la SEC. Il a engagé un procès contre DB pour licenciement abusif. Le deuxième plaignant, Mattew Simpson, a quitté DB de son plein gré avec une indemnité de 900.000 dollars. Le troisième accusateur souhaite conserver l’anonymat. La SEC est très gênée par cette affaire car Robert Khuzami, un de ses principaux responsables actuels, était le conseiller général aux États-Unis de Deutsche Bank entre 2004 et 2009, soit au moment des faits. Quant à Dick Walker, celui qui est aujourd’hui le conseiller général aux États-Unis de Deutsche Bank, il occupait au moment des faits le poste qu’occupe aujourd’hui à la SEC Robert Khuzami. Comme quoi il ne faut pas se focaliser sur l’influence bien réelle de Goldman Sachs. La Deutsche Bank et d’autres grandes banques jouent un rôle décisif dans les décisions des gouvernements et des autorités de contrôle, tant aux États-Unis qu’en Europe.
Évolution du bilan et des activités des banques depuis les années 1990
Dans le cas théorique décrit plus haut, il est affirmé que le volume des bilans de banques, tant du côté du passif (les dettes) que des actifs (les biens et les produits bancaires générant un revenu), a fortement augmenté entre les années 1990 et l’éclatement de la crise en 2007-2008. Selon le FMI |20|, les actifs bancaires mondiaux ont connu une augmentation d’environ 140% entre 2002 et 2007, passant de 40.000 à 97.000 milliards de dollars. Entre 2007 et 2011, ils ont encore augmenté, ils ont atteint 105.000 milliards de dollars |21|. Alors que le discours officiel des banquiers et des gouvernements affirme que les banques ont procédé à un nettoyage de leurs actifs et à une nette cure d’amaigrissement, ce n’est pas ce qui s’est passé dans la réalité. Le volume des actifs n’a commencé a diminué que très récemment, et ce de manière tout à fait marginale. Selon le FMI, entre le 3e trimestre 2011 et le 2e trimestre 2012, les banques européennes ont réduit leurs actifs (sans compter les dérivés) de 2% seulement |22|.
Le Rapport Liikanen, du nom du président du groupe d’experts chargé par Michel Barnier, commissaire européen au Marché intérieur et aux Services, de faire des propositions en matière de réforme du secteur bancaire de l’Union européenne donne une série d’informations très intéressantes sur les banques de l’UE |23|.
Selon ce rapport, en France, les actifs de la Société Générale (8e banque européenne, 3e banque française) sont passés de 410 milliards d’euros en 1999 (au lancement de l’euro) à près de 1.200 milliards en 2008 : une augmentation de près de 300% en 10 ans. En 2010, les actifs atteignaient toujours près de 1.200 milliards. |24| En Allemagne, les actifs de Commerzbank (15e banque européenne, 2e banque allemande) sont passés de 380 à 850 milliards d’euros entre 1999 et 2009.
Si on considère l’ensemble du secteur bancaire européen, les actifs sont passés de 25.000 milliards d’euros en 2001 à 43.000 milliards en 2008, soit 3,5 fois le PIB de l’UE |25| ! Les dettes des banques ont suivi la même évolution.
La croissance du bilan a consisté du côté du passif à augmenter le recours aux dettes pour se financer et du côté de l’actif en une forte augmentation des crédits immobiliers dans certains cas et pour la majorité des grandes banques en une explosion de l’activité de « trading » qui recouvre notamment l’achat de dérivés et de produits structurés. L’émission des Asset Backed Securities |26| a été massivement monopolisée par les banques des États-Unis |27| mais les banques européennes se sont également jetées dessus. Elles achetaient ces ABS en s’endettant à court terme alors que ces produits structurés avaient une maturité beaucoup plus longue. L’effet de levier jouait à fond. Pour se protéger des risques, les banques achetaient des dérivés de crédit |28| et d’autres types de dérivés censés les protéger contre les risques de change, les risques liés aux taux d’intérêt, etc. La faillite de Lehman Brothers et le sauvetage in extremis d’AIG (la plus grande société d’assurance sur le plan mondial) en septembre 2008 ont montré que les émetteurs de dérivés n’avaient pas les moyens d’assumer les risques qu’ils couvraient. Le volume total des produits dérivés |29| a littéralement explosé, passant de 100.000 milliards $ en 1998 à 750.000 milliards en 2007 |30|.
Les banques européennes n’ont pas fondé leur croissance sur les dépôts des clients (qui ont crû de manière modeste), mais sur l’endettement via le marché interbancaire, auprès de la BCE ou auprès des Money Market Funds (MMF) |31|.
Qu’est-ce que les Money Market Funds ?Les MMF sont des sociétés financières des États-Unis et d’Europe, très légèrement contrôlées et très peu soumises à des règles. Dans la presse spécialisée, ils sont considérés comme faisant partie à moitié du shadow banking |32|. L’administration Obama envisage de mettre au point une règlementation car, en cas de faillite d’un MMF, il y a un risque certain de devoir utiliser des deniers publics pour les sauver. Cela provoque beaucoup d’inquiétude vu que les fonds qu’ils gèrent sont considérables et que leur marge de profit a fortement chuté depuis 2008. En 2012, les MMF des États-Unis géraient 2700 milliards de dollars de fonds, en nette baisse par rapport au 3800 milliards de 2008. Les MMF prêtent à très court terme, souvent au jour le jour. Parmi les principaux fonds, on trouve Prime Money Market Fund, créé par la principale banque des États-Unis JPMorgan, qui gère 115 milliards de dollars. Wells Fargo, la 4e banque aux États-Unis, gère un MMF de 24 milliards de dollars. Goldman Sachs, la 5e banque, contrôle un MMF de 25 milliards de dollars. Sur le marché des MMF qui prêtent des euros, on trouve de nouveau des sociétés états-uniennes : JP Morgan (avec 18 milliards d’euros), Black Rock (11,5 milliards), Goldman Sachs (10 milliards) et des européennes avec principalement BNP Paribas (7,4 milliards) et Deutsche Bank (11,3 milliards). Certains MMF opèrent également avec des livres sterling. Michel Barnier a annoncé qu’il voulait réglementer le secteur, mais on risque fort de rester dans le domaine des déclarations d’intention |33|.
Le bilan des banques n’a pas connu de cure d’amaigrissement depuis 2007-2008
Les auteurs du Rapport Liikanen écrivent en substance que vu la sévérité de la crise, on aurait pu s’attendre à une rapide restructuration du secteur bancaire avec un dégonflement des bilans des banques et la fermeture des firmes les plus faibles. Cela ne s’est pas produit, le volume des actifs n’a pas diminué depuis l’éclatement de la crise en 2008 |34|. En effet, alors que le volume de leurs actifs atteignait 43.000 milliards euros en 2008, il a atteint 45.000 milliards euros en 2011. Sachant que le PIB européen a légèrement diminué, les actifs (et les dettes) des banques européennes représentaient 370% du PIB européen en 2011 !
Entre 2007 et 2011, les actifs de Deutsche Bank ont augmenté de 12,4%, ceux de HSBC de 22,2% , ceux de BNP Paribas de 16%, ceux du Crédit Agricole de 22%, ceux de Barclays de 12%, ceux de Santander de 37,1%, ceux de la principale banque suédoise Nordéa de 84,1%, ceux de Commerzbank de 7,3%, ceux d’Intesa de 11,6%, ceux de BBVA de 19,1%. Sur les 18 principales banques européennes, seules trois ont connu une baisse des actifs : Royal Bank of Scotland (-28%), la principale banque hollandaise ING (-3,3%) et la principale banque italienne Unicredit (-9,3%) |35|.
Pourquoi les banques n’ont-elles pas réduit leur bilan ?
Les banques n’ont pas réduit leur bilan parce qu’aucune autorité ne les y a contraint et qu’elles sont abreuvées de liquidités par la BCE, la FED, etc. Les banques continuent à jouer largement avec l’effet de levier. De plus, dans la zone euro, la BCE pousse les banques à acheter de plus en plus de titres de la dette publique.
Les banques européennes essaient très modérément de se défaire d’une partie des actifs toxiques qui encombrent leur bilan. Quand elles vendent des produits toxiques en-dessous de leur valeur d’achat (telle qu’elle est comptabilisée dans leur bilan), elles doivent réduire la valeur de leurs actifs. Et bien sûr, si elles effacent des actifs douteux, elles réduisent également la valeur de leurs actifs. Mais ce qu’elles liquident représente bien peu au regard de leur bilan car la quantité de déchets à éliminer est gigantesque. En pratique, les banques hésitent à vendre certains produits douteux car le prix qu’elles peuvent en retirer est très bas, elles sont tentées d’attendre de voir le prix augmenter pour vendre. Mais cette augmentation risque de ne jamais avoir lieu. Finalement, il faudra bien à l’échéance du contrat prendre acte d’une perte qui peut être tout à fait considérable.
En attendant, aux États-Unis, la Fed a acheté une quantité très importante d’actifs toxiques : environ 40 milliards de dollars chaque mois en 2012. Dans l’Eurozone, la BCE accepte depuis fin 2011 que les banques déposent chez elle comme collatéraux (c’est-à-dire en garantie) des actifs très risqués, toxiques, en contrepartie des prêts qu’elle leur octroie. La BCE a ainsi décidé début décembre 2011 d’assouplir les critères d’éligibilité de certains actifs acceptés comme collatéraux – les ABS et les créances bancaires (credit claims) |36|
. La BCE prend ainsi dans son bilan une partie des déchets dont les banques privées essaient avec peine de se défaire. |37|
Quelques données sur les banques de l’UE |38|
Les dix plus grandes banques européennes ont chacune plus de 10.000 milliards d’euros d’actifs :
1 est allemande (Deutsche Bank, 2164 milliards d’euros d’actifs qui représentent 84% du PIB allemand, 101.000 employés), 4 sont britanniques (HSBC, 1968 milliards d’euros d’actifs, soit 120% du PIB britannique, 288.000 employés ; Barclays, 1871 milliards, soit 114% du PIB, 141.000 employés ; Royal Bank of Scotland (RBS), 1804 milliards, soit 110% du PIB, 147.000 employés ; Lloyds Banking Group, 1.162 milliards, soit 70,7% du PIB, 99.000 employés), 4 sont françaises (BNP Paribas, 1965 milliards d’euros d’actifs, soit 99,8% du PIB français, 198.000 employés ; Crédit Agricole, 1880 milliards, soit 95,4% du PIB, 162.000 employés ; Société Générale, 1181 milliards, soit 60% du PIB, 160.000 employés ; BPCE, 1.138 milliards, soit 58% du PIB, 117.000 employés), 1 est espagnole (Santander, 1275 milliards d’euros d’actifs, 118% du PIB espagnol, 193.000 employés).Il y a dix ans, aucune grande banque n’avait un volume d’actifs supérieur au PIB de son pays d’origine. Dans la plupart des pays de l’UE, la concentration bancaire s’est accrue. Entre 1997 et 2010, en Belgique, les cinq plus grandes banques sont passées de 52 à 75% du marché, en France de 40 à 45%, en Grèce de 55 à 70%, en Irlande de 40 à 57%, en Allemagne de 17 à 33% |39|.
Sur les 30 plus grandes banques au niveau mondial, 15 sont européennes en 2011.
Six banques européennes sont plus grandes que JP Morgan, la banque la plus importante aux États-Unis |40|. De plus, trois banques européennes sont particulièrement offensives à Wall Street en particulier et aux États-Unis en général : il s’agit de Deutsche Bank, de Crédit Suisse et de Barclays. Elles détiennent 23% du marché de la dette aux États-Unis. Sur le marché des fusions/absorptions, Crédit suisse, DB et Barclays se situent en 4e, 5e et 6e position juste après Goldman Sachs, JP Morgan et Morgan Stanley |41|.
Les 20 plus grandes européennes se réservent 50% du gâteau
Dans l’UE, on dénombre 8000 banques qu’on peut ranger en trois catégories : 1° environ 4000 petites banques coopératives avec moins d’un milliard d’euros d’actifs ; 2° les banques avec des actifs entre 1 et 100 milliards d’euros ; 3° les banques avec des actifs entre 100 et 2.200 milliards d’ euros.
Les 20 plus grandes, soit 0,25% du nombre total, se réservent 50% du gâteau : elles ont plus de 23.000 milliards d’actifs.
En général, les petites banques sont plus solides et elles prêtent proportionnellement nettement plus aux ménages et aux entreprises de l’économie réelle que les grandes. Elles présentent également des risques moindres du fait de leur taille réduite. Une série d’études montre que les petites banques coopératives et les banques d’épargne sont plus efficaces, plus sûres et plus utiles que les grandes banques |42|. Elles peuvent venir en aide à leurs clients et financer des investissements locaux utiles. Dans certains cas, c’est d’autant plus vrai lorsque les pouvoirs publics y jouent un rôle |43|. Selon le rapport Liikanen, les pays européens où les banques coopératives et les banques d’épargne sont les plus efficaces sont l’Autriche, l’Allemagne, la Finlande et les Pays-Bas.
Les grandes banques sont « universelles »
La banque universelle (appelée également banque à tout faire ou banque généraliste) représente un grand ensemble financier regroupant et exerçant les différents métiers de la banque de détail, de la banque de financement et d’investissement et de la banque de gestion d’actifs. Cet ensemble intervient sur le territoire national mais également à l’étranger avec ses filiales. Un risque important de ce modèle bancaire consiste à faire supporter les pertes des activités risquées de banque de financement et d’investissement par la banque de détail et mettre ainsi en danger les avoirs des petits épargnants. C’est le cas des plus grandes banques européennes.
L’appétit des grandes banques pour les dérivés
Selon l’ISDA (International Swaps and Derivatives Association), l’organisme privé qui réunit les banques vendant des dérivés, 94% des 500 principales banques au niveau mondial utilisent des dérivés (en ordre d’importance, des dérivés sur les risques de change, sur les taux d’intérêts, sur les matières premières et des CDS) ; 80% des dérivés sont fabriqués et commercialisés par les banques, c’est un marché captif des banques. Les hedge funds (dont certains sont l’émanation des banques) pèsent très peu à côté des banques sur le marché des dérivés car leur poids ne dépasse pas 2000 milliards de dollars, ce qui est tout à fait marginal à côté des 100.000 milliards de dollars aux mains des banques (auxquels s’ajoutent les 67.000 milliards du shadow banking). L’écrasante majorité des dérivés échappe jusqu’ici à tout contrôle car ils s’échangent sur le marché de gré à gré (OTC).
Le trading roi
La moitié des actifs de Deutsche Bank et Royal Bank of Scotland sont utilisés pour faire dutrading. Cela représente 40% dans le cas de BNP Paribas et de Barclays.
Qu’est que le trading ?L’activité de trading consiste pour une banque à prendre des positions (à l’achat ou à la vente) sur les différents marchés financiers : actions, taux d’intérêt, devises, marchés dérivés, futures ou options sur ces instruments, marchés à terme des matières premières et des produits agricoles (y compris aliments), marché immobilier. Le trading est clairement une activité spéculative car il s’agit de profiter de mouvements de prix à court terme que leurs actions contribuent grandement à provoquer. Les achats ou les ventes ne sont pas effectués pour avoir l’usage du bien ou du produit acheté mais simplement pour faire un bénéfice. Ces activités ont largement provoqué la crise alimentaire de 2008-2009 quand les banques et autres zinzins se sont retirés brutalement et massivement du secteur immobilier en plein marasme des produits structurés liés au subprime et ont déplacé leurs opérations de trading vers les marché à terme de commodities |44|, notamment les céréales |45|. De même, ce trading a provoqué à la même époque et pour les mêmes raisons une flambée des prix du pétrole en juillet 2008 suivie d’une chute brutale quelques mois plus tard. Une partie du trading est déclarée dans le bilan de la banque, une autre partie – souvent la plus importante – est réalisée hors bilan sur les marchés de gré à gré.
Barclays, BNP Paribas, Deutsche Bank, Nordea, Royal Bank of Scotland et Société Générale sont les banques qui, proportionnellement, font le plus de trading (il représente plus de 30% de leurs actifs).
Pour quatre de ces banques (Barclays, BNP Paribas, Deutsche Bank et Royal Bank of Scotland), les dérivés qu’elles détiennent représentent en valeur notionnelle (à savoir le risque couvert) plus de 20 fois leurs actifs |46| et plus de 300 fois leurs fonds propresstricto sensu. Rappelons que le marché des dérivés n’est pas règlementé et n’est donc pas contrôlé ! Pour Royal Bank of Scotland, les dérivés représentent 30 fois les actifs, c’est 28 fois pour Deutsche Bank et Barclays, 25 fois pour BNP Paribas, 7 fois pour BPCE.
Les grandes banques, au cours des années 1990 et 2000, ont donc pris de plus en plus de risques notamment en développant le trading. Cela a fait fortement baisser la part des revenus fixes (les revenus des crédits aux clients, des titres de la dette publique ou de la dette des entreprises privées) dans leurs revenus. Dans le cas de Barclays et de la Deutsche Bank, entre 1993 et 1996, les crédits représentaient la moitié des actifs de la banque. En 2007-2008, ils ne représentaient plus qu’un dixième des actifs ! Les dépôts des clients (ménages, entreprises, pouvoirs publics, institutions financières) représentent moins de 30% du passif dans le cas de BNP Paribas, Deutsche Bank, Barclays, Société Générale.
Les banques prêtent moins aux ménages et aux entreprises non financières que ceux-ci ne leur prêtent
En général, les banques octroient moins de prêts aux ménages et aux entreprises non financières que ce que ceux-ci leur prêtent (via les dépôts qu’ils font). C’est ce que montrent les données concernant le poids des dépôts des ménages et des entreprises non financières (à l’exclusion des dépôts des entreprises financières) dans le financement (c’est-à-dire les dettes des banques) en 2011 : 41% pour la Belgique, 23% pour la France, 28% pour le Royaume-Uni, 36% pour l’Allemagne |47|.
En regard, dans les actifs, la part des crédits aux entreprises non financières (ENF) et aux ménages est nettement minoritaire : pour la Belgique, 10% aux ENF et 9% aux ménages ; pour le Royaume-Uni, 5% aux ENF et 15% aux ménages ; pour la France, 10% aux ENF et 12% aux ménages ; pour l’Allemagne, 10% aux ENF et 17% aux ménages ; pour l’Espagne, 23% aux ENF et 22% aux ménages |48|.
Les prêts des banques aux ménages et aux entreprises non financières constituent une part minoritaire de leurs actifs
En moyenne, la part des prêts des banques européennes (prises ensemble) aux ménages et aux entreprises non financières représentaient 28% de leurs actifs, le reste est constitué de créances diverses, ABS… et dettes souveraines |49|. Tout cela sans tenir compte de la part de l’ombre, c’est-à-dire le hors bilan, le fameux shadow banking system.
Les 10 plus grandes banques européennes sont aussi les plus aidées par les pouvoirs publics
Les 10 plus grandes banques européennes ont reçu à elles seules plus de la moitié de l’aide publique sous forme de recapitalisation et de garanties qui, entre 2008 et 2011, s’est élevée à 1 620 milliards d’euros (13 % du PIB de l’UE).
Les grandes banques travaillent dans l’ombre
Les grandes banques européennes, comme d’ailleurs celles des autres continents, rendent leurs activités le plus opaque possible en créant une multitude de sociétés. Dans un nombre significatif de cas, il s’agit de plus de mille entités légales différentes pour une seule banque. Outre le fait de rendre très difficile le travail des contrôleurs, ces multiples sociétés sont la plupart du temps basées dans des paradis fiscaux afin de payer le moins d’impôts possible |50|, de blanchir de l’argent sale et de permettre à leurs clients fortunés d’échapper à l’impôt.
Retour sur le retour sur fonds propres (ROE)
Selon le Rapport Liikanen |51|, en 2011, les fonds propres ne représentent que de 2 à 8% des actifs des grandes banques. Dans le cas de la Deutsche Bank, ils représentent à peine plus de 2%. Dans le cas d’ING et de Nordea (Suède), ils représentent un peu moins de 4%. Pour BNP Paribas, Crédit Agricole, BPCE, Société Générale ou Barclays, ils représentent environ 4%. Dans le cas des espagnoles Santander et BBVA, des italiennes Intesa Sanpaolo et Unicredit, ou encore de la belge KBC, environ 6% |52|.
Faisons un petit exercice pratique pour avoir une idée approximative du rendement sur fonds propres en 2012 pour les banques d’une série de pays clés. Tout en faisant l’exercice, il faut avoir en tête ce qui est expliqué plus haut dans la partie « Le monde secret des banques ».
Le FMI a publié pour différents pays le bénéfice des banques en pourcentage du total des actifs au début de l’année 2012. Ce bénéfice est très faible et dans certains cas (Grèce, Irlande), il est négatif :
Grèce -0,4%
Irlande -0,8%
Italie 0,4%
Portugal 0,3%
Espagne 0,2%
Autriche 0,4%
France 0,2%
Allemagne 0,2%
Pays-Bas 0,4%
R-U 0,0%
Danemark 0,1%
Suisse 0,2%
Suède 0,6%
États-Unis 0,8%
Si on se limite à l’analyse de ce tableau, on en ressort avec l’impression que les actionnaires des banques européennes ne sont pas bien lotis. Mais allons plus loin en essayant de nous faire une idée du ROE. Considérons la Deutsche Bank qui, selon le rapport Liikanen, avait des actifs s’élevant à 2164 milliards d’euros et partons du principe que son bénéfice correspond à la moyenne publiée par le FMI pour l’Allemagne, soit 0,2%. Cela donne un bénéfice de 4,33 milliards d’euros. Toujours selon le Rapport Liikanen, les fonds propres de la Deutsche Bank en 2011 équivalaient à 2% de ses actifs |53|, soit 43,3 milliards. Le ROE s’établit dans ce cas à 10%, ce qui montre le vrai visage des banques en ces temps de crise.
Appliquons le même raisonnement à BNP Paribas. Sachant que les actifs atteignaient 1965 milliards d’euros en 2011, un bénéfice de 0,2% (soit 3,93 milliards d’euros) donnerait un ROE de 5%. En effet, les fonds propres de BNP Paribas représentaient en 2011, selon le Rapport Liikanen, environ 4% de ses actifs (environ 78,6 milliards d’euros).
Afin de compléter ces informations, nous serions reconnaissants à tous les lecteurs qui auraient accès aux données d’une ou plusieurs banques européennes concernant leur ROE de nous en faire part en écrivant à [email protected].
Un dernier point à souligner : l’estimation des actifs est sujet à manipulation de la part des banques, tout comme l’estimation des fonds propres et d’autres éléments du bilan, puisqu’elles doivent présenter des ratios plus contraignants dans le cadre des accords de Bâle III (voir partie 6 de cette série).
Conclusion
Pour parvenir à une solution alternative à la gestion capitaliste de la crise, il est indispensable de comprendre le rôle des banques et de mettre en lumière leur part d’ombre. Cela permettra de renforcer l’action citoyenne, et notamment les initiatives d’audit citoyen qui sont en cours en Europe (Espagne, Grèce, Portugal, France, Belgique, Italie…) et ailleurs |54|.
Les banques ont perdu beaucoup de leur légitimité, mais elles peuvent compter sur les gouvernants et les grands médias pour les soutenir coûte que coûte. Les banques privées et les gouvernements qui ont favorisé la dérèglementation financière radicale initiée dans les années 1980-1990 sont responsables de la débâcle. Les décisions actuelles prolongent et aggravent la situation. Il s’agit d’une nouvelle crise majeure du système capitaliste, à côté de tant d’autres comme la crise alimentaire ou la crise environnementale |55|.
La seule crise bancaire a représenté un coût colossal pour la société et ce n’est pas fini. Luc Laeven et Fabian Valencia, deux économistes du FMI, estiment que la perte de croissance du PIB due aux crises bancaires pour la période 1970-2011 s’élève à 33% (23% pour la zone euro, 31% pour les États-Unis). Selon eux, il est probable que le coût final sera plus important encore.
Selon les mêmes auteurs, sur la période 1970-2011, l’augmentation de la dette publique dans les économies avancées due aux crises bancaires s’élève à 21% (20% dans la zone euro et 24% aux États-Unis) |56|. Bien que ce ne soit pas du tout la conclusion des deux auteurs, on doit considérer cette dette comme clairement illégitime et refuser de la payer. Outre la nécessité de refuser le remboursement de la dette publique causée par la crise et le sauvetage des banques comme il s’effectue actuellement, il faut opter pour une réponse radicale à la politique des banques. Vu qu’elles utilisent de l’argent public, bénéficient de garanties de la part de l’État et doivent rendre un service de base fondamental à la société, le secteur bancaire doit être socialisé pour devenir un service public de l’épargne et du crédit.
La partie 5 de la série analysera les points faibles des banques dans la période actuelle et la partie 6 expliquera en quoi les initiatives des gouvernements en termes de règlementation des activités bancaires sont tout à fait inadéquates.
Epilogue : Une histoire purement imaginaire
Pas nécessairement facile de se mettre dans la peau des dirigeants d’une grande banque, que ce soit un grand actionnaire ou un haut dirigeant nommé, pour comprendre leur vision du business. La grande majorité des personnes qui détiennent un compte en banque |57| ont peine à imaginer comment fonctionne ceux qui dirigent cette même banque, leur façon de penser et les avantages qu’ils en tirent. Comprendre concrètement ce qu’est le rendement sur fonds propres (ROE) est particulièrement difficile car nombreux sont ceux qui ne peuvent même pas imaginer tout ce que cache la réponse à une telle question
Essayons de rendre les choses plus accessibles, en réalisant une comparaison entre une famille comme il en existe tant et les patrons de grandes banques comme il en existe quelques-uns seulement.
Imaginons M. et Mme Fernandez en Espagne en 2007, proches de la cinquantaine, qui ont accumulé en 30 ans d’activités une épargne de 100.000 euros (ce qu’ils considèrent comme leur capital). Ils décident alors d’acheter une maison de 500.000 euros qui comporte trois appartements. Ils apportent leurs 100.000 euros de fonds propres, soit 20% du prix d’achat. Ils vont occuper eux-mêmes un appartement et les deux autres seront loués. Ils empruntent 400.000 euros à rembourser en 20 ans à un taux d’intérêt de 5% mensuel, ce qui représente 18.780 euros par an (la moyenne sur les 4 premières années du prêt) auxquels s’ajoutent 12.898 euros de remboursement annuel du capital (la moyenne sur les 4 premières années du prêt), soit 31.678 euros à rembourser chaque année. Ils font le calcul suivant : « Si on loue chaque appartement pour 1000 euros par mois, cela nous rapportera 10.000 euros par appartement, soit 20.000 euros en tout par an, hors frais d’entretien et charges diverses. Il nous restera à financer 11.678 euros, ce qui correspond à 117 % du loyer que nous avions à payer précédemment. Cela veut dire qu’il faudra réserver une plus grande part de nos revenus au remboursement du prêt, mais au bout du compte, quand nous aurons 70 ans, nous serons propriétaires de cette maison qui procure des revenus et nous pourrons un jour la léguer à nos 3 enfants ».
Par ailleurs, imaginons que, la même année, la banque Crésus prend aussi la décision d’acheter le même type d’immeuble que le couple Fernandez. Elle en achète des centaines comme ceux-là pour augmenter son patrimoine immobilier dans un contexte où les prix des maisons augmentent de manière accélérée. Un bien immobilier d’une valeur de 500.000 euros peut en valoir 600.000 deux ans plus tard. C’est donc une bonne opération. Comment va-t-elle financer son achat ? Elle construit le schéma suivant : elle apporte 4% de fonds propres, soit 20.000 euros. Pour les 480.000 euros restant, elle utilise 180.000 euros des dépôts effectués par les clients de la banque qui font verser leur salaire et autres revenus sur leur compte courant sans que la banque ne leur verse de rémunération (alors qu’elle reçoit cet argent en prêt et qu’elle l’utilise à sa guise). Enfin elle finance le solde (300.000 euros) en empruntant sur le marché interbancaire à un taux de 3,26 % (la moyenne des taux interbancaires européens « Euribor » des années 2007 à 2010). A côté de sa dépense sur fonds propres pour un montant de 20.000 euros (que la banque Crésus n’effectue qu’une fois évidemment), le coût annuel de son achat s’élève à 9 780 euros d’intérêts versés aux autres banques. Si, comme le couple Fernandez, elle loue chacun des trois appartements pour 1000 euros par mois, tous frais d’entretien déduits, cela donnera environ 30.000 euros par an dont il faudra retirer 9 780 euros de frais d’emprunts. Le revenu net s’élèvera à 20 220 euros, soit 101 % de rendement sur les fonds propres qu’elle a apportés au départ. Si on calcule le rendement sur l’investissement total, cela donne 20 220 euros sur 500.000 euros, à savoir 4,04 %.
La différence de situations entre le couple Fernandez et la banque Crésus saute aux yeux. Car ce que fait la banque pour financer l’achat d’un bien est très éloigné de ce qui est à la portée de tout un chacun. Dans le monde très fermé des grandes banques (rappelons que sur les 8000 banques de l’Union européenne, les 20 plus grandes disposent de la moitié des 46.000 milliards d’actifs !), ce qu’elles empruntent, en quelque sorte elles ne le remboursent pas, elles ne paient que des intérêts. En effet, à chaque échéance où le capital doit être remboursé, elles recourent à un nouvel emprunt pour rembourser le précédent. C’est inimaginable pour des emprunteurs provenant de la majorité de la population. Il faut ajouter que, comme nous l’avons vu, elles ne rémunèrent pas les dépôts sur les comptes courants alors qu’elles utilisent l’argent qui y est déposé. Cette situation se prolonge tant que les grandes banques ont un accès continu et à peu de frais (de préférence inférieur au taux d’inflation) au crédit. Evidemment, si les déposants retirent leur argent ou/et si les différents prêteurs perdent confiance et serrent le robinet du crédit, la banque se retrouve alors en cessation de paiement car son petit jeu prend fin. Dans ce cas, il y a de fortes chances que les pouvoirs publics interviendront pour sauver la banque s’ils considèrent qu’elle est trop grande pour faire faillite (too big to fail).
Nous avons imaginé une situation se déroulant en 2007. Déplaçons-nous dans le temps et franchissons 5 années. Nous sommes en 2012, la bulle immobilière a éclaté en Espagne (en Irlande et aux États-Unis également) et a eu des effets dévastateurs. Des centaines de milliers de travailleurs de la construction se sont retrouvés sans emploi, l’activité économique a flanché, tous les autres secteurs de l’économie ont été affectés, le nombre de sans emplois a augmenté en flèche |58|. Le couple Fernandez s’est retrouvé au chômage et dans l’incapacité de poursuivre le remboursement de l’emprunt hypothécaire de 400.000 euros. La banque Philémon a repris le bien |59|, le couple Fernandez s’est retrouvé sans logement et a demandé à ses enfants de les héberger. La banque a vendu le bien et en a retiré 300.000 euros car les prix de l’immobilier se sont effondrés. Le couple Fernandez avait remboursé, en 4 ans, 75 120 euros d’intérêts et 51 591 euros de remboursement du capital emprunté. |60| Il restait 348 409 euros de capital à rembourser. En vertu des lois espagnoles, la banque Philémon exige du couple Fernandez, sans emploi et sans maison, 48 409 euros (soit le capital restant à rembourser après le versement des 300.000 euros du produit de la vente).
Maintenant, regardons ce qui se passe du coté de la banque Crésus qui avait acheté un bien similaire à celui du couple Fernandez. En 2012, elle peut poursuivre ses opérations d’achat avec une modification de son profil de financement car les autres banques ne veulent plus lui prêter de l’argent (les banques se méfient les unes des autres à cause des créances douteuses que nombre d’entre elles détiennent). Mais heureusement, les pouvoirs publics sont là pour venir en aide à la banque Crésus et aux autres banques. La BCE prête de l’argent aux banques à un taux nettement inférieur à l’inflation. Un vrai bonheur pour les banquiers.
Que fait la banque Crésus ? Elle rachète le bien immobilier des Fernandez pour la somme de 300.000 euros. Pour cela, elle investit 18.000 euros de fonds propres (soit 6% du prix de l’immeuble), utilise 132.000 euros prélevés sur les dépôts non rémunérés des clients, 100.000 euros empruntés à la BCE pour 3 ans à un taux de 1% et 50.000 euros empruntés à la BCE à court terme à 0,75%. Le coût annuel en intérêts pour la banque est de 1.375 euros. Elle loue les trois appartements au même loyer que précédemment, soit une rentrée de 30.000 euros moins 1.375 euros d’intérêts à payer, soit 28.625 euros. Le rendement sur fonds propres (ROE) est de 159%, le bénéfice sur le total de l’investissement est de 9.5%
Tout cela n’est que purement imaginaire. Mais est-ce si éloigné que cela de la réalité ?
L’auteur remercie Patrick Saurin et Virginie de Romanet pour la relecture de certains passages ainsi que Damien Millet, Danielle Sabai et Brigitte Ponet qui ont relu l’entièreté de cette quatrième partie.
La première partie de la série, intitulée « 2007-2012 : 6 années qui ébranlèrent les banques » a été publiée le 19 novembre 2012, la seconde partie intitulée « La BCE et la Fed au service des grandes banques privées » a été publiée le 29 novembre 2012, la troisième partie intitulée « La plus grande offensive contre les droits sociaux menée depuis la seconde guerre mondiale à l’échelle européenne » a été publiée le 23 décembre 2012.
Partie 1
Partie 2
Partie 3
Notes
|1| Alan Greenspan, président de la Réserve fédérale des États-Unis de 1987 à 2006, grand partisan de l’absence de contrôle au nom de l’autorégulation des forces du marché. The Economist, un des principaux hebdomadaires financiers, il est édité à Londres depuis 1843. Lors de sa naissance, il a résolument pris parti pour le libre-échange. L’aveuglement de The Economist partagée par Alan Greenspan mérite d’être mise en exergue au début de la présente étude. Sur The Economist voirhttp://www.monde-diplomatique.fr/20…
Citation tirée d’Alan Greenspan, Le Temps des turbulences, 2007, Jean-Claude Lattès, paris, 2007, p. 28.
|2| Commission européenne, « Aides d’État : le tableau de bord confirme la tendance à la diminution et à un meilleur ciblage des aides non liées à la crise », Bruxelles, 21 décembre 2012.
|3| Exemple théorique : si en 2008 et en 2009, les banques ont déclaré des pertes pour un montant de 250 millions d’euros, elles n’ont pas payé d’impôts pour ces exercices-là. Si elles déclarent 100 millions de bénéfices en 2010 et 100 millions en 2011, elles ne paieront pas d’impôts ces années-là car elles reporteront leurs pertes des années 2008 et 2009 qui sont supérieures à leurs bénéfices de 2010 et 2011.
|4| Les autorités européennes et les gouvernements de la zone euro n’ont jusqu’ici engagé aucune poursuite pénale ou civile contre des banques. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, dans la plupart des cas, les autorités de contrôle passent des accords financiers avec les banques fautives, ce qui leur permet d’éviter un procès.
|5| On verra dans la partie 6 que les mesures prévues dans le cadre de Bâle 3 et celles que les autorités européennes (Commission, EBA et ESMA) ont ajoutées sont totalement insuffisantes.
|6| En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (capitaux propres apportés par les associés, provisions pour risques et charges, dettes). Voir http://www.banque-info.com/lexique-…
Dans le cas concret envisagé ici, les actifs sont principalement des biens et des titres qui sont l’objet d’une spéculation financière (dont les banques sont les principales responsables) : des matières premières et des produits agricoles, des titres de la dette des entreprises privées (corporate bonds) et des États (dettes souveraines), des monnaies, des biens immobiliers…
|7| Ce qui provoque la baisse de la composition organique du capital, pour reprendre la terminologie marxiste.
|8| Les banques liquidées sont Fiona Bank (DK), Roskilde Bank (DK), EIK (DK), Amagerbanken (DK), Kaupthing Bank (FI, LU), Anglo Irish (Irlande), Bradford & Bingley (RU).
|9| Un aspect important de cette politique a été développé dans la partie 3 de cette série, « La plus grande offensive contre les droits sociaux menée depuis la seconde guerre mondiale à l’échelle européenne » publiée le 23 décembre 2012.
|10| Bien sûr, il y a d’autres dettes illégitimes qu’il faut également identifier et refuser de payer.
|11| Le secteur bancaire devrait être entièrement public à l’exception d’un secteur coopératif de petite taille avec lequel il pourrait cohabiter et collaborer.
|12| Damien Millet, Eric Toussaint, « Europe : Quel programme d’urgence face à la crise ? », 10 juin 2012.
|13| Patrick Artus, Marie-Paule Virard, La liquidité incontrôlable, Pearson, 2010, p.45.
|14| Les données sur le ROE de Goldman Sachs et de Morgan Stanley sont tirées de Tom Braithwaithe, « Leaner and meaner », Financial Times, 1er octobre 2012, p.9.
|15| Ce sont les capitaux dont dispose une entreprise, autres que ceux qu’elle a empruntés. Les fonds propres sont repris au passif d’un bilan de société. Source :http://www.lesclesdelabanque.fr/Web…. Les fonds propres comprennent également les réserves, c’est-à-dire les bénéfices mis en réserve.
|16| Voici la définition de l’effet de levier par la Banque de France : « L’effet de levier mesure l’effet d’un recours plus ou moins important à l’endettement sur la rentabilité financière, pour une rentabilité économique donnée. En acceptant un recours à l’endettement, les actionnaires d’une entreprise ou d’une institution financière s’attendent à un retour encore plus important en bénéfice en raison du risque supplémentaire pris. » Voir http://www.banque-france.fr/fileadm…, p. 112.
|17| Lehman Brothers était constituée de 2.985 sociétés interconnectées et était présente dans 50 pays.
|18| Voir Erkki Liikanen (chairperson), High-level Expert Group on reforming the structure of the EU banking sector, October 2012, Brussels, p. 59.
|19| Le Financial Times a mené une enquête sur ce scandale et a publié plusieurs articles bien documentés : « Deutsche Bank accused by ex-staff. Claims up to $12 billion paper losses hidden. Misvaluing alleged to help avoid bailout », 6 décembre 2012 (en première page et sur une page complète, p. 6.). Voir aussi les éditions du des 7 et 8-9 décembre 2012.
|20| IMF, Global Financial Stability Report, Restoring Confidence and Progressing on Reforms, October 2012 http://www.imf.org/External/Pubs/FT… , p. 82.
|21| Plus de la moitié des actifs bancaires mondiaux sont entre les mains des banques de l’UE. Bien sûr, si on y ajoute les banques suisses, la part des banques européennes augmente encore.
|22| IMF, Global Financial Stability Report, Restoring Confidence and Progressing on Reforms, October 2012 http://www.imf.org/External/Pubs/FT… , p. 29.
|23| Voir Erkki Liikanen (chairperson), “High-level Expert Group on reforming the structure of the EU banking sector”, octobre 2012, Bruxelles. Erkki Liikanen est le gouverneur de la banque centrale de Finlande. Onze experts composaient ce groupe de travail dont le Français Louis Gallois. Un des intérêts du rapport Liikanen est qu’il confirme par une voix officielle, le diagnostic sur les turpitudes des banques, les risques ahurissants qu’elles ont pris pour faire un maximum de profit. Comme nous le verrons plus loin, ce rapport n’a pas plu aux banquiers. Voir :http://ec.europa.eu/internal_market…
Dans la suite de ce texte, ce document sera appelé le Rapport Liikanen.
|24| Rapport Liikanen, p. 41.
|25| Ces chiffres proviennent du Rapport Liikanen. Voir également : Damien Millet, Daniel Munevar, Eric Toussaint, « Les chiffres de la dette 2012 », tableau 30, p. 23, qui donnent des données concordantes à partir d’une autre source.
|26| Les asset backed securities (ABS) sont des valeurs mobilières (titres de créances) adossées fréquemment à des opérations de titrisation ayant pour sous-jacent des actifs qui sont le plus souvent des crédits. Les opérations admises peuvent être aussi bien des prêts hypothécaires, des prêts automobiles mais aussi des paiements par carte de crédit. Les asset backed securities sont émis sur le marché des capitaux et sont négociables entre les investisseurs.
|27| Rapport Liikanen, graphique 2.3.4
|28| Dérivé de crédit : Produit financier dont le sous-jacent est une créance ou un titre représentatif d’une créance (obligation). Le but du dérivé de crédit est de transférer les risques relatifs au crédit, sans transférer l’actif lui-même, dans un but de couverture. Une des formes les plus courantes de dérivé de crédit est le credit default swap (CDS). Source : Banque de France
|29| Produit dérivé : Produit financier dont la valeur dérive de celle d’un indice sous-jacent. Il existe des produits dérivés d’engagement ferme (change à terme, swap de taux ou de change) et des produits dérivés d’engagement conditionnel (options, warrants…). Ces produits peuvent être classiques (plain vanilla) ou plus complexes (exotiques). Source : Banque de France.
|30| Rapport Liikanen, graphique 2.3.5. A noter qu’en 2012, le volume du marché des dérivés OTC a de nouveau atteint 750.000 milliards de dollars (voir la partie 2 de cette série).
|31| Rapport Liikanen, graphique 2.3.6.
|32| Shadow banking, ou banque de l’ombre : activités hors bilan réalisées par les banques. Selon le Conseil de stabilité financière (CSF), l’organe érigé par le forum du G20 en charge de la stabilité financière mondiale, le volume des activités du shadow banking a dépassé 67 000 milliards de dollars (ce qui équivaut environ à la somme des PIB de tous les pays de la planète). Voir Richard Hiault, « Le monde bancaire ‘parallèle’ pèse 67.000 milliards de dollars », Les Échos, 18 novembre 2012, http://www.lesechos.fr/entreprises-….
|33| Source : Financial Times, « EU shadow banking plan rapped », 26 mars 2012 ; « MMF lose worth in low interest rate world », 10 septembre 2012.
|34| La situation peut varier d’un État à l’autre : dans certains pays on constate une diminution des actifs des banques qui est contrebalancée par une augmentation dans d’autres.
|35| Rapport Liikanen, tableau 3.4.1., p. 39.
|36| Voici ce que dit la Banque de France à propos des décisions prises en décembre 2011 par la BCE : « l’éventail des actifs acceptés en garantie est de nouveau élargi, avec une augmentation parallèle des décotes pratiquées. D’abord, la notation minimale pour les titres adossés à des actifs (asset-backed securities — ABS) est abaissée. Outre les ABS déjà éligibles aux opérations de l’Eurosystème, les ABS dont les actifs sous-jacents comprennent des prêts hypothécaires et des prêts aux petites et moyennes entreprises, seront éligibles sous réserve de deux notations affichant simple A au minimum lors de leur émission ainsi que pendant leur durée de vie. Ensuite, les banques centrales nationales seront autorisées, à titre temporaire, à accepter en garantie des créances privées supplémentaires (à savoir des prêts bancaires) respectant des critères d’éligibilité spécifiques. », voir http://www.banque-france.fr/fileadm…, p. 68.
|37| Selon le Financial Times, la liste des collatéraux que la BCE acceptait en 2012 comprend 40.000 produits financiers différents ! Voir FT, « Collateral damage », 25 octobre 2012
|38| La plupart des infos de cet encadré proviennent du Rapport Liikanen.
|39| Rapport Liikanen, graphique 2.3.14 pour les banques européennes. Aux États-Unis, les grandes banques ont profité de la crise pour augmenter leur force. En 2012, les 5 principales banques détenaient 43,7% des dépôts contre 37,1% en 2007. Les actifs des 4 principales banques (JP Morgan, Bank of America, Citigroup et Wells Fargo) ont augmenté de 56% depuis 2007 et atteignent 7.700 milliards de dollars. Source : The Wall Street Journal, 12 décembre 2012.
|40| Attention, les autorités des États-Unis ne calculent pas de la même manière les actifs que les autorités européennes. Les autorités étatsuniennes ont tendance à sous évaluer les actifs. Il n’en demeure pas moins que les banques européennes sont encore plus surdimensionnées que leurs consœurs des EU.
|41| Voir FT, « New York is a tall order for Europeans » , 4 October 2012, p. 20.
|42| Rapport Liikanen, p. 58.
|43| Il y a bien sûr de multiples exceptions car très souvent, les gestionnaires publics ont rompu avec la logique d’origine des banques publiques. C’est le cas de la plupart des « Cajas » en Espagne qui ont participé à la spéculation immobilière ou de différentes Landesbanken en Allemagne.
|44| Les commodities regroupent le marché des matières premières (produits agricoles, minerais, métaux et métaux précieux, pétrole, gaz,…). Les commodities comme les autres actifs font l’objet de négociations permettant la détermination de leurs prix ainsi que leurs échanges sur des marchés au comptant mais aussi sur des marchés dérivés.
|45| Voir Damien Millet, Eric Toussaint, « Retour sur les causes de la crise alimentaire », 24 août 2008. Les travaux de deux rapporteurs successifs des Nations unies sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler et Olivier De Schutter, confirment le rôle primordial de l’activité spéculative des sociétés financières dans la crise alimentaire.
|46| Rapport Liikanen, p.45, graphique 3.4.8.
|47| Rapport Liikanen, graphique 2.3.8.
|48| Rapport Liikanen, graphique 2.3.9.
|49| Rapport Liikanen, graphique 2.3.7.
|50| Rapport Liikanen, p. 52.
|51| Rapport Liikanen, p.47, graphique 3.4.13.
|52| Nota Bene : ce paragraphe présente les fonds propres en rapport avec les actifs. Si on compare les fonds propres au passif, on arrive en gros au même résultat, voir pour Barclays et Deutsche Bank le Rapport Liikanen, graph 3.4.18 et 3.4.19.
|53| La Deutsche Bank (DB) comme 26 autres grandes banques européennes devaient atteindre un ratio plus élevé de fonds propres « purs », 4,5%, en juin 2012 mais nous n’entrons pas dans ce scénario car la manière de calculer le ratio est Tier One (voir plus loin) qui est tout à fait discutable. De toute manière, le calcul que nous venons de réaliser est là pour donner une idée schématique. Pour connaître le ROE de DB, il faudrait avoir le montant exact du bénéfice et le montant exact des fonds propres.
|54| Au Brésil une initiative d’audit citoyen mène un travail dynamique depuis une douzaine d’années, des initiatives d’audit citoyen sont en cours de démarrage en Tunisie, en Egypte et au Mali.
|55| Voir Damien Millet et Eric Toussaint, La crise, quelles crises ?, Aden-CADTM, Bruxelles, 2009.
|56| Luc Laeven et Fabian Valencia, « Systemic banking crisis database : an update », IMF Working Paper 12/16, Washington, 2012.
|57| Ne pas perdre de vue que plus d’un milliard personnes ne disposent pas d’un compte en banque et que dans les pays riches, des centaines de milliers de familles se voient refuser l’ouverture d’un compte ou son maintien.
|58| En Espagne, le nombre de familles dont tous les membres sont sans emploi a atteint en 2012 un total de 1,7 million, soit 10% de toutes les familles d’Espagne. Par ailleurs, le taux de chômage officiel s’établit à 25% en général et à 50% pour les jeunes.
|59| Entre 2008 et 2012, en Espagne, 350.000 familles ont été expulsées de leur logement par les créanciers.
|60| Pour établir ce calcul (qui est plausible), on a pris en compte les conditions habituelles liées à un crédit hypothécaire.
Eric Toussaint, maître de conférence à l’université de Liège, est président du CADTM Belgique (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde, www.cadtm.org) et membre du conseil scientifique d’ATTAC France. Il a écrit, avec Damien Millet, AAA. Audit Annulation Autre politique, Seuil, Paris, 2012.
Source: CADTM