« Son ouvrage majeur, dit Pepe Gutiérrez-Alvarez, « Les conseils ouvriers », fut écrit de 1942 à 1947. Rejetant la nécessité d’un parti, il s’y attacha à dégager les traits et principes fondamentaux qui caractérisent l’auto-organisation des masses et l’autonomie populaire à l’encontre des organisations ouvrières traditionnelles. »
Anton Pannekoek et quelques autres dessinaient ainsi la perspective d'un nouveau mouvement ouvrier révolutionnaire.
En notre temps, il n'est certainement pas inutile de connaître leur expérience.
Michel Peyret
Anton Pannekoek (1873-1960), théoricien du « communisme des conseils »
Anton Pannekoek (2 janvier 1873 - 28 avril 1960) fut, ensemble avec Karl Korsch et Herman Gorter [1], le principal théoricien du « communisme conseilliste », ou anti-léniniste. Né il y a 140 ans à Vassen, aux Pays-Bas, il se consacra entièrement à l’étude de l’astronomie entre 1891 et 1906, étudiant tout particulièrement les étoiles doubles et défendant sa thèse de doctorat en 1902.
Astronome de réputation internationale (un institut d’astronomie aux Pays-Bas porte aujourd’hui son nom), Pannekoek fut l’un des plus importants spécialistes de l’atmosphère stellaire et reçut plusieurs distinctions scientifiques en dépit des discriminations dont il souffrit à cause de ses positions politiques radicales.
Selon son disciple Paul Mattick [2] : « La vie d’Anton Pannekoek coïncide presque entièrement avec l’histoire du mouvement ouvrier moderne. Il en a connu l’essor en tant que mouvement de protestation sociale, sa transformation en un mouvement de réforme sociale, et son éclipse comme mouvement de classe indépendant dans le monde contemporain. Mais Pannekoek a connu également ses possibilités révolutionnaires dans les soulèvements spontanés qui, de temps en temps, interrompirent le cours tranquille de l’évolution sociale. II est entré marxiste dans le mouvement ouvrier, et il est mort marxiste, persuadé que s’il existe encore quelque avenir, ce sera un avenir socialiste. » [3]
Pour Pannekoek : « Les travailleurs ne doivent pas se contenter d’agir : il est nécessaire qu’ils imaginent, qu’ils réfléchissent et qu’ils décident par eux-mêmes. (…) En réalité, le capitalisme n’est pas ce monde que l’on veut nous faire croire composé d’individus signant des contrats sur un pied d’égalité : c’est un monde de classes en lutte (…). L’objectif et la mission de la classe ouvrière est d’abolir le système capitaliste (…). La démocratie, disent-ils, est le gouvernement du peuple. Mais le peuple n’existe pas, seules existent les classes. »
Paul Mattick souligna la double influence qui s’exerça sur Pannekoek : « Bien que fidèle à la tradition du ‘socialisme libertaire’ de Domela Nieuwenhuis, l’opposition de Pannekoek au réformisme et au révisionnisme social-démocrate était d’inspiration marxiste ».
Pannekoek adhéra au Parti social-démocrate des Pays-Bas (SDAP) en 1902 et, avec Herman Gorter et Henriette Roland-Holst [4], il anima pendant des années l’aile gauche de ce parti, en opposition à la tendance modérée dirigée par P.J. Toelstra.
En 1908, il fut appelé en Allemagne pour enseigner à l'Ecole du parti social-démocrate. Il fut l’un des fondateurs de la revue « De Tribune » de l’opposition de gauche hollandaise, qui critiquait sévèrement la ligne officielle de la IIe Internationale, s’en prenant y compris à Karl Kautsky [5]. Les « tribunistes » furent expulsé du parti et en créèrent un autre, beaucoup plus radical et qui deviendra plus tard le noyau fondateur du Parti communiste hollandais.
Expulsé d’Allemagne en 1914 pour ses convictions internationalistes, Pannekoek collabora avec l’aile bolchevique dans le mouvement zimmervaldien [6], ainsi qu’avec les spartakistes allemands [7]. Co-fondateur du PC hollandais, il participa à la création de la IIIe Internationale en 1919, s’identifiant avec la ligne générale établie lors de ses deux premiers congrès. Développant ses conceptions « gauchistes » et « conseillistes », Pannekoek deviendra l’un des animateurs du Bureau européen de l’ouest de l’Internationale communiste (IC). Ses positions politiques le rapprochèrent du KAPD allemand (Parti communiste ouvrier allemand, scission gauchiste du KPD) qui opposait les conseils ouvriers aux syndicats et au travail parlementaire.
Comme le résume Paul Mattick : « Pannekoek reconnut dans ce mouvement des conseils le commencement d’un nouveau mouvement ouvrier révolutionnaire, et en même temps le début d’une réorganisation socialiste de la société. Ce mouvement ne pouvait naître et se maintenir qu’en s’opposant aux formes traditionnelles. (…) Par des intrigues d’abord et, après 1920, ouvertement, les bolcheviks s’efforcèrent de combattre les tendances antiparlementaires et antisyndicales du mouvement communiste, sous prétexte qu’il ne fallait pas perdre le contact avec les masses qui adhéraient encore aux anciennes organisations. Le Congrès de Heidelberg en 1919 divisa le parti communiste allemand en une minorité léniniste et en une majorité qui adhérait aux principes de l’antiparlementarisme et de l’anti-syndicalisme sur lesquels le parti était fondé initialement. Une autre controverse vint s’ajouter à la première : dictature du parti ou dictature de classe ? Les communistes non-léninistes adoptèrent le nom de Parti des ouvriers communistes d’Allemagne (KAPD). Une organisation similaire fut fondée plus tard en Hollande. Les communistes de parti s’opposèrent aux communistes de conseils et Pannekoek se rangea au côté des seconds. Ceux-ci assistèrent au IIe Congrès de la IIIe Internationale en qualité de sympathisants. Les conditions d’admission dans l’internationale —subordination totale des diverses organisations nationales à la volonté du Parti russe — sépara complètement le jeune mouvement des conseils et l’internationale Communiste. »
Dans son évaluation de la signification de la révolution russe, il coïncida avec la tendance de l’Opposition ouvrière au sein du Parti bolchevique et, au sein de l’IC, avec toute son aile gauchiste qui entra en conflit avec Lénine et Trotsky à partir du tournant en faveur du front unique ouvrier. Avec ses camarades, Pannekoek abandonna l’Internationale communiste en 1921 et dénonça la restauration du capitalisme en URSS au travers de la NEP [8] et du système autocratique imposé par les bolcheviques.
Pour Pannekoek, la révolution russe fut la dernière des grandes révolutions bourgeoises et les bolcheviques représentaient en elle l’aile petite-bourgeoise radicale qui instaura une nouvelle forme de capitalisme. La même année 1921, il sera l’un des fondateurs du Parti Communiste Ouvrier Hollandais (KAPN). Le parti entra rapidement en crise et une scission se produisit autour de la question de créer une nouvelle internationale.
Pannekoek continua à travailler avec le groupe des « communistes internationalistes » jusqu’à la disparition de ce dernier en 1940. Il poursuivit son œuvre de scientifique et de publiciste. C’est à cette époque qu’il rédigea l’ouvrage « Lénine philosophe », où il accuse ce dernier de s’inspirer du matérialisme mécaniciste et petit-bourgeois et de ne pas être, en conséquence, un authentique marxiste.
Son ouvrage majeur, « Les conseils ouvriers », fut écrit de 1942 à 1947. Rejetant la nécessité d’un parti, il s’y attacha à dégager les traits et principes fondamentaux qui caractérisent l’auto-organisation des masses et l’autonomie populaire à l’encontre des organisations ouvrières traditionnelles. [9]
D’après un article publié dans :
www.kaosenlared.net/noticia/tiempos-revueltos-4-anton-pannekoek
Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera
On peut trouver de nombreux textes de Pannekoek en français sur le site Marxists.org :
http://www.marxists.org/francais/pannekoek/index.htm
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