L'an dernier, le "Payments Council" britannique annonçait, dans l'indifférence quasi-générale, le lancement d'une initiative visant à favoriser le développement de services de paiement "P2P" (de "pair à pair") sur mobile, à l'échelle du Royaume-Uni. Le ralliement au projet de 8 banques parmi les plus importantes du pays lui donne aujourd'hui une nouvelle impulsion.
Pour mémoire, la démarche engagée consiste essentiellement à mettre en place un registre national des numéros de téléphone des particuliers, associés à leurs comptes bancaires. Dans l'esprit de ses concepteurs, ce répertoire constituerait une source de données universelle pour tous les porte-monnaie mobiles. Ainsi, lorsqu'un consommateur veut envoyer de l'argent, il n'a qu'à fournir le numéro de téléphone du bénéficiaire, les références bancaires nécessaires à la transaction (un simple virement) étant alors extraites de cette base unique.
Les 8 banques partenaires (comprenant notamment Barclays, HSBC et RBS), qui représentent plus de 90% des comptes courants de particuliers au Royaume-Uni, se sont donc engagées à mettre en place un service de paiement mobile compatible avec ce système d'ici le premier trimestre 2014. En pratique, elles proposeront d'abord à leurs clients, au sein de leurs services en ligne, d'enregistrer dans le fichier commun leur numéro de téléphone et le compte à lui associer. La deuxième étape consistera à offrir les applications mobiles permettant de réaliser les échanges d'argent.
Techniquement, le dispositif qui est en train de se construire est presque trivial car, en dehors de la mise en place de la base de données centralisée des comptes et de quelques règles pratiques à définir (par exemple pour la sécurisation des transactions et des applications), il repose sur les infrastructures existantes dont, en particulier, le réseau LINK (utilisé pour les retraits sur DAB) et, surtout, le service interbancaire "Faster Payments", capable d'exécuter des virements de compte à compte en temps réel.
Ces fondations sont, en fait, celles qui ont déjà fait l'immense succès de Pingit, le porte-monnaie mobile de Barclays (qui participe aussi à l'initiative du "Payments Council"). Il y a donc fort à parier, sauf si les 7 autres banques impliquées ratent totalement leurs déclinaisons du service, que les consommateurs vont adopter ce mode de paiement en masse. Et, si le précédent de Pingit est représentatif, ce sont non seulement les échanges d'argent entre particuliers mais aussi les paiements aux artisans et autres professionnels itinérants qui s'en trouveront bouleversés.
Comme je le pressentais dès l'origine du projet, la mise en œuvre de cette vision du paiement mobile universel s'avère extrêmement longue (sans surprise pour une initiative d'institutions financières...). Mais comme, en parallèle, les solutions alternatives ne progressent elles-mêmes pas très rapidement, l'échéance annoncée de début 2014 (en supposant qu'elle soit respectée) offre une excellente opportunité aux banques britanniques de reprendre la main dans un domaine qui tendait à leur échapper.
En effet, elles sont seules en position de cibler collectivement la quasi-totalité des consommateurs, avec une légitimité pratiquement incontestée. Si, comme le prédit une enquête réalisée par le "Payments Council", 30% des propriétaires de smartphones adoptent ces solutions, interopérables quel que soit leur établissement teneur de compte, il ne subsistera plus beaucoup de place pour la concurrence, du moins tant que l'accès à la base de données centralisée sera réservé exclusivement aux banques.
Pour conclure, reste la question qui brûle les lèvres : si les institutions financières britanniques parviennent à s'accorder sur un socle commun, leur exemple ne serait-il pas applicable dans d'autres pays ?