Mon petit-ami m'a quittée. En tout cas je considère que c'est tout comme.
Cela faisait deux semaines qu'on se parlait à peine. Lorsque j'en ai eu marre, je lui en ai parlé. Il a dit qu'il était perturbé et qu'il ne savait pas trop ce qu'il avait. Il ne voulait pas en parler. On en parlerait le lendemain, s'il y arrivait. Ok. Top chrono de la journée la plus longue de ma vie.
Après une journée immensément longue, des pleurs toutes les deux minutes et une terreur à peine dissimulée, il m'a appelée. Les murs de ma chambre étant aussi fins qu'un paquet de feuilles et la pièce principale étant toujours occupée par ma mère, j'ai décidé de sortir dehors pour discuter en toute intimité. Je me les suis pelée pendant les 2h30 qu'ont durées notre discussion. Je me suis rendue compte en rentrant chez moi que je ne sentais plus la moitié de tous mes membres, mais je m'en étais à peine rendue compte avant.
Il ne sait pas s'il veut me quitter ou pas. Il se pose des questions sur sa vie. Il va avoir 32 ans, il habite encore chez sa mère, tous ses collègues vivent seuls, il ne sait pas ce qu'il veut faire comme boulot, s'il doit changer, rester. Il voudrait tout changer dans sa vie. Je fais peut-être partie du tout, il n'en sait rien.
Il dit qu'il m'aime. Il croit être encore amoureux de moi. Je lui manque tout le temps. Il aime les moments que l'on passe ensemble. Il me trouve merveilleuse. Mais il ne veut pas se tromper. Il ne veut pas rester avec moi, si son bonheur réside ailleurs. Il ne sait pas. Et moi non plus.
Je voulais passer ma vie avec lui. J'ai fait mes choix d'orientation par rapport à lui. Je voulais tomber enceinte de lui, me coucher tous les soirs avec lui, je m'imaginais déjà notre mariage. Ce n'était pas uniquement pour moi. Si je désirais tout ça, c'est parce que c'était lui, et pas un autre. C'était mon Benoît et j'avais besoin de lui. Pour vivre, pour être heureuse, pour continuer.
Du jour au lendemain, j'apprends qu'il hésite. Je disais il n'y a pas si longtemps que tout se passait impeccablement entre nous en ce moment à une amie, que je trouvais vraiment que c'était génial. Alors qu'à ce moment là, il était déjà en plein doute, en pleine réflexion.
Je me fais l'effet d'une conne, d'une débile. Je me dis que j'étais aveugle, et que pour la énième fois de ma vie, mes sentiments n'étaient pas réciproques.
Je l'ai encouragé dans son projet qui incluait des photos érotiques avec des modèles féminines malgré ma jalousie et mon manque de confiance en moi. Pourquoi ? Parce que ce qui m'importe, c'est sa réussite, son bien-être, je voulais qu'il gagne son pari, qu'il y arrive. Je me disais que je n'étais pas là pour l'en empêcher, mais pour l'accompagner.
Je pensais être sa compagne. La personne qui serait toujours là pour lui. Je pensais, sincèrement, qu'il ne pouvait pas me quitter, qu'on s'aimait trop pour ça, qu'on s'entendait trop bien pour ça, qu'on était trop faits l'un pour l'autre pour ça.
Je pensais que notre relation était une relation enviable. On restait ensemble malgré les problèmes, tout finissait toujours par s'arranger, on a les mêmes goûts à quelques exceptions près, on aime passer du temps ensemble, on se fait tellement de bien qu'il suffit qu'on se colle l'un à l'autre pour être apaisé et dormir paisiblement (ce que nous n'arrivons jamais à faire seuls), nous rigolons ensemble, même hier au téléphone nous rigolions ensemble dès que possible. Et chaque fois, je me remettais à pleurer. Je lui disais qu'on se donnait l'impression que ça allait bien, alors que non. Il me disait qu'on ne pouvait pas changer le fait qu'on s'entendait bien et que ça partait forcément dans la rigolade.
Aujourd'hui, il est venu. J'ai dû dormir 13 heures grâce à un anti-dépresseur périmé, je me suis sentie molle toute la nuit, et ça m'a fait du bien, car je n'avais pas l'énergie pour penser. Quand je me suis définitivement réveillée, j'ai repleuré. Mon cerveau était remis en marche.
J'ai mal. Trop mal. J'aimerais mourir, rien que pour ne rien ressentir. Deux journées sont passées comme deux mois. Toute la journée, je l'ai passé allongée, à alterner crises de larmes et léthargie. Je l'attendais. Je ne vivais que dans l'attente de sa venue.
Lorsqu'il était là, il suffisait que je pose mon regard sur lui, et je craquais. Il s'en veut énormément, m'a dit que plus jeune il aurait tué pour qu'une fille pleure pour lui, et qu'il se rendait compte à quel point c'était horrible, à quel point ça lui faisait du mal.
Dans cette situation, on repense toujours à la dernière fois. La dernière fois que nous avons fait l'amour. Il y a deux semaines, dans l'Indre, en vacances. C'était bien. Mais si j'avais su que c'était la dernière fois... Je me dis que j'aurais aimé savoir. Que maintenant, je me retrouve au pied du mur. Comme si je n'avais pas suffisamment profité. Profité de lui qui me faisait tellement de bien, au cœur et au corps. Je me demande si nous referons l'amour un jour, et ça me fait mal. Je repense à nos dernières vacances. Et si j'avais su que c'étaient nos dernières vacances ? Elles auraient sans doute étaient moins heureuses. Car elles étaient heureuses. Nous avons passé des bons moments. Mais si j'avais su... Je repense à la dernière fois que je suis venue chez lui. Y retournerai-je un jour, en tant que sa petite-amie ? Tout redeviendra-t-il un jour comme avant ? Pourquoi n'ai-je rien vu venir ? Pourquoi n'ai-je pas pu me préparer ?
J'aimerais l'aider. J'aimerais qu'il reste avec moi. J'aimerais qu'il comprenne que nous avons de la chance, de nous aimer, de se sentir bien ensemble, et de n'avoir pas de problèmes plus graves qu'une baisse de libido parfois et des retards sur nos rendez-vous. J'aimerais qu'il comprenne qu'il gâche tout.
Ça m'est arrivé de consoler des gens qui venaient de se faire larguer. Finalement, je me rends compte qu'il n'y a pas de mots. Car la seule chose qui pourrait nous consoler, c'est que la personne de notre vie revienne. Et ça n'est pas possible.
Hier, j'avais des projets. J'avais mon avenir sous les yeux. Aujourd'hui, tout est tombé. Je ne vois rien, pour plus tard. Tout ça à cause d'une seule personne... Mais quand on se dit qu'on a rencontré l'homme de sa vie, n'est-il pas évident de baser son avenir sur lui ?
Je pensais être aussi la femme de sa vie. Visiblement, j'étais la seule à le penser.
Le temps est mon ennemi. Je ne sais pas quoi en faire. Je pleure, j'ai mal, je regarde l'heure. J'aimerais que tout s'accélère jusqu'au moment où ça s'arrangera. J'aimerais qu'il réfléchisse cette nuit et qu'il se dise que mince il est con c'est évident qu'il doit rester avec moi ! Et demain, tout irait bien.
Pour tout vous dire, je n'ai même pas d'espoir. Je n'ai qu'une chance sur deux. C'est oui, ou c'est non. Et je ne sais pas pourquoi, je me dis que si la réponse à venir était oui, nous ne serions pas dans cette situation actuellement. Avec lui, qui ne sait rien. Avec moi, qui ne vit plus. Ce sont les prémisses d'un non. Et j'ai peur. Tellement peur et tellement mal à la fois.
Magazine Culture
16 janvier 2013