Titre : Krrpk, T1 : Krrpk doit mourir
Scénariste : Bill
Dessinateur : Bill
Parution : Juillet 2012
« Krrpk » est une série au nom curieux. Il est d’ailleurs bien difficile à lire à haute voix. Heureusement que la découverte d’un album reste silencieuse. Ce nouveau personnage a vu le premier tome de ses aventures naitre durant le mois de juillet dernier dans la collection Shampoing. L’ouvrage a un format proche de celui d’un roman et se compose de plus d’une centaine de pages. C’est en lisant une critique élogieuse dans un magazine spécialisé dans le neuvième art que j’ai appris l’existence de ce livre. Je me suis donc décidé à l’acheter afin de profiter pleinement du plaisir annoncé dans l’article. Son prix avoisine les douze euros. Ce bouquin est l’occasion de rencontrer un nouvel auteur. Il se nomme Bill et se charge à la fois du scénario, des dessins et des couleurs. La couverture nous plonge dans un univers extra-terrestre. Un fragile petit être vert semble être entouré par des bestioles plus sombres d’apparence peu accueillantes. Il ne restait plus qu’à entamer la première page pour s’en faire une idée plus précise.
Le site Bd’Gest propose le résumé suivant : « Pauvre Krrpk, petit alien fraîchement débarqué sur la planète Grook, peuplée d’êtres franchement inhospitaliers, honteusement arrogants et ouvertement racistes. Dès son arrivée, il comprend qu’il n’est pas le bienvenu et qu’il va en baver. Mais Krrpk s’en fiche parce qu’il a un plan, parce qu’il sait qu’ils ne vont pas rigoler longtemps… et parce qu’il n’est pas très malin non plus. »
Rapidement, la série est claire quant à son appartenance à la catégorie « Humour adulte ». En effet, les vannes sont de sortie. Mais la nature des propos fait que les plus jeunes lecteurs ne peuvent voir cette lecture leur être recommandé. La première impression ressentie est plutôt agréable. Bien que l’histoire se déroule sur une planète inconnue et habitée par les créatures extra-terrestres, on ne sent jamais vraiment perdu. En effet, la société locale utilise des codes humains et terriens. Krrpk est un jeune immigré. Il est un petit peu perdu et semble découvrir la ville pour la première fois. On le voit donc complètement perdu. Il va se logiquement se faire piquer tout son argent et est en quête de quelqu’un sur qui s’appuyer quelle que soit la fiabilité de la personne en question. Une fois mis de côté la dimension originale du héros, la base de l’intrigue est classique et se fond dans une certaine mode actuelle.
On découvre donc le quotidien de Krrpk. Il vit dans un hôtel tenue par une personne aux multiples talents. Cette dernière s’est fait une spécialité de chercher à faire tourner des films pour adultes à ses clients. Pour résumer, le paiement en nature est privilégié au financier. De plus, notre héros rencontre un voisin qui est aussi subtil et discret qu’Attila le hun quand il se déplace. Bref, l’immersion dans la grande ville se fait en compagnie de bras cassés. Cela donne évidemment lieu à des moments drôles bien que parfois partiellement cousus de fil blanc. On se laisse porter avec plaisir. Le fait que l’auteur se fixe peu de limite dans l’excès et le mauvais a pour conséquence d’offrir des moments forts sympathiques. On est également curieux de voir la place que va trouver le nouvel arrivé dans ce monde. On a hâte de connaitre les nouvelles rencontres que sa nouvelle vie va lui faire faire.
Néanmoins, l’excitation de la découverte laisse rapidement place à une certaine routine qui au fur et à mesure que les pages défilent voit poindre la lassitude. Remplir cent vingt pages de gags, c’est dur. Et Bill n’y arrive que partiellement. Les histoires sont inégales. Cela fait que l’ouvrage peut difficilement se lire d’une seule traite. L’ennui guette au bout d’un moment. Je pense qu’en réduisant le nombre de pages de moitié, l’album aurait gagné en densité et en qualité. Du fait de la longueur de l’histoire, il aurait été intéressant que l’intrigue évolue davantage. Krrpk tourne en rond. Il évolue peu, son entourage se développe pas réellement. Je pense que voir Krrpk voir son quotidien s’enrichir aurait permis à cette routine de ne pas s’installer. Cela aurait eu pour conséquence de voir notre curiosité davantage suscitée. C’est dommage.
Les dessins sont simples et faciles d’accès. Les personnages sont ronds et épurés. Le style correspond parfaitement à l’atmosphère générée par les propos. Les expressions des visages sont excessives et se rapprochent de celles d’un manga ou d’un cartoon. Là aussi, il n’y a pas de fautes de goûts. Sur le plan des décors, toutes les planches ne répondent pas aux mêmes codes. Certaines voient le personnage quasiment seul. Ce qui l’entoure est réduit au plus minimal. Ce sont les pages que je préfère. Elles mettent en avant les textes et les personnages. Par contre, d’autres sont surchargés par l’univers qui entoure la scène. Quand on y ajoute des couleurs vives et parfois criantes, on frôle une certaine forme d’indigestion. D’ailleurs, je pense que ce choix graphique très dense participe à l’usure de la lecture à certains moments.
Pour conclure, la découverte de « Krrpk » ne s’est pas avérée inintéressante. L’auteur cherche à créer un univers qui lui est propre malgré certains codes bien connus. De bonnes idées agrémentent la lecture et on rit de manière régulière. Par contre, la densité narrative est trop faible pour faire de cet album un opus d’excellente qualité. Néanmoins, je jetterai un coup d’œil sur le prochain tome pour suivre l’évolution du travail de l’auteur et voir si les défauts tendent à s’atténuer pour laisser uniquement dans la lumière les qualités non négligeables de l’ensemble. Mais cela est une autre histoire…
par Eric the Tiger
Note : 11/20