Le " Plan agro-écologique " présenté par le ministre de l'agriculture Stéphane Le Foll va engager de profondes modifications dans les pratiques agricoles pour réduire la pollution.
Difficile pour un ministre de l'Agriculture d'imposer brutalement aux agriculteurs de changer radicalement leurs modes de production, de leur demander de renoncer à des pratiques auxquelles ils recourent depuis des décennies, de renoncer à l'utilisation massive des pesticides (herbicides, insecticides, anti-fongiques) et des engrais chimiques qui, certes, permettent d'augmenter les rendements, mais épuisent aussi les sols, détruisent la biodiversité, polluent les nappes phréatiques... et nuisent au bout du compte à la santé et à l'environnement. Alors n'osant pas encore présenter l'agriculture biologique comme modèle de production pour préserver de façon durable notre environnement, et notre santé, il a choisi la voie de la patience, de la sagesse et du bon sens paysan pour atteindre son objectif de réduire drastiquement la pollution agricole dans les prochaines années.
Ainsi son " Plan agro-écologique ", qu'il a présenté à l'issue de la journée d'échange " Agricultures : produisons autrement " qui s'est tenue en décembre à Paris, va amener tous les acteurs du monde agricole, enseignants , chercheurs, producteurs... à changer profondément leurs habitudes.
Regrouper les expériences
Une plateforme web participative " contribuez-produisons-autrement.fr " va tout d'abord être mise en place dans les prochaines semaines afin de regrouper et de capitaliser les expériences concrètes en matière d'agro-écologie, et de structurer les connaissances en dépassant les approches cloisonnées. Tous les réseaux existants auront à mobiliser leurs membres pour alimenter cette plateforme. La mission, confiée à Marion Guillou, présidente d'Agreenium, devra permettre d'identifier des pratiques écologiques dont les agriculteurs pourront s'inspirer pour construire des systèmes adaptés à leurs exploitations.
Privilégier le développement de l'agro-écologie
Par ailleurs l'agro-écologie va être au coeur des contrats d'objectifs entre l'Etat et les Instituts techniques agricoles qui seront signés en 2013. Elle sera aussi une nouvelle priorité pour l'INRA, l'IRSTEA et le CIRAD. Les crédits du CASDAR seront réorientés en ce sens dans le cadre du prochain programme national de développement agricole (PNDAR) 2014-2020.
Dès 2013, sans attendre ce prochain programme, au moins 3 millions d'euros seront mis au service du projet agro-écologique.
Former différemment les agriculteurs
Concernant la formation des futurs agriculteurs, l'agro-écologie, à travers la réconciliation des disciplines agronomiques et écologiques, sera intégrée dans les programmes et les référentiel pédagogiques, tant dans les formations initiales que continues. Un accent sera mis sur le rôle de démonstration des fermes des exploitations de l'enseignement agricole public. Cela sera fait en profondeur à partir de l'année scolaire 2014/2015. Des premières évolutions seront intégrées dès la rentrée 2013 sous forme d'expérimentations.
Ces évolutions seront traduites dans la loi d'avenir pour l'agriculture.
Inciter à la conversion agricole
Stéphane Le Foll veut également inciter les agriculteurs individuellement et collectivement à se convertir à de nouvelles pratiques et à les maintenir dans la durée.
Les leviers budgétaires de la PAC seront ainsi réorientés pour favoriser les changements de pratiques, les investissements et l'animation nécessaires au développement de l'agro-écologie.
Le verdissement du 1er pilier de la PAC sera un signal adressé à tous les agriculteurs. Une incitation sera donnée aux investissements dans les exploitations agricoles qui entrent dans la logique " Produisons autrement " (sous forme de subventions ou de prêts).
La loi d'avenir pour l'agriculture mettra en place les Groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE). Ce seront des modèles d'organisation collective permettant de réaliser des investissements ou d'effectuer des changements de pratiques agricoles dans une démarche agro-écologique. Ils pourront mobiliser les outils budgétaires de la PAC en bénéficiant d'incitations plus fortes que pour des projets individuels. Ils bénéficieront aussi d'une fiscalité avantageuse
Six programmes d'action
Pour soutenir la mise en oeuvre de ces pratiques, des programmes d'actions seront renforcés ou mis en place : un plan écophyto rénové, pour réduire l'usage des pesticides ; un plan écoantibio, pour réduire l'usage des antibiotiques dans l'élevage ; un plan azote/méthanisation, pour mieux gérer la production d'azote dans les élevages ; un plan biodiversité-apiculture durable, pour protéger les abeilles et développer la production apicole ; un plan protéines végétales ; et un programme national " Ambition bio 2017 " pour soutenir le développement de l'agriculture biologique concernant la production agricole, la structuration des filières et la consommation des produits bio. Ce plan aura aussi pour objectif de diffuser les connaissances et les méthodes acquises pour le développement de l'agriculture biologique vers les autres modèles de production.
L'année 2013 sera consacrée à la concertation entre tous les acteurs concernés, et l'ensemble de ce programme d'action sera déployé en 2014.
Stella Giani