Osman Hamdi Bey (1842-1910), A Lady of Constantinople
Quatrième de couvertureSur la rive anatolienne du Bosphore, une vieille dame est brutalement expulsée de son logement. Il s’agit de Leyla, la descendante ruinée d’une grande famille stambouliote. Elle fut propriétaire d’un yali, une des ces magnifiques demeures au bord de l’eau, avant de ne plus occuper qu’une petite dépendance située sur le terrain de son ancienne propriété. Quand Omer qui possède à présent le yali met fin à cet arrangement, elle est secourue et accueillie par Yussuf, le fils de l’ancien jardinier de sa famille devenu journaliste. Elle le suit dans un quartier moderne et cosmopolite d’Istanbul où elle découvre le monde des artistes et des marginaux aux côtés la compagne de Yussuf, Roxy – de son vrai nom Rukiye –, qui est chanteuse de hip-hop. Malgré une hostilité initiale, une vraie amitié se noue progressivement entre les deux femmes. Puis, quand l’ancien yali de Leyla est vidé de ses meubles, l’histoire familiale ressurgit grâce à la découverte d’une photo révélant la ressemblance troublante de la vieille dame avec un officier britannique. Leyla serait-elle issue d’une union illégitime entre une Ottomane et un Anglais? Lorsqu’elle rencontre le père du nouveau propriétaire, ce ne sont plus ces questions du passé mais bien le comportement d’Omer qui fait débat. En se confiant ainsi, Leyla ne sait pas qu’elle va provoquer un tout autre drame… Avec un sens du romanesque très marqué, ce nouveau roman de Livaneli exploite toutes les couleurs d’une société où cohabitent des couches sociales aussi diverses que l’ancienne aristocratie ottomane, le monde des nouveaux riches et les Turcs revenus de l’immigration en Allemagne. La maison de Leyla prouve une nouvelle fois le grand talent de conteur de l’auteur turc.
Livaneli est une des personnalités les plus en vue de la vie culturelle et politique en Turquie. Il s'est fait connaître en tant qu'auteur, compositeur et interprète d'un très grand nombre de chansons et de musiques de films. En 1971, ses prises de position après le putsch de l'armée lui on valu plusieurs mois de prison, puis l'exil en Suède. Il est l'ambassadeur de bonne volonté de l'Unesco depuis 1996. Délivrance, son troisième roman, s'est vendu à plus de cent mille exemplaires en Turquie et a été très bien accueilli par la critique lors de sa publication en français (Gallimard, 2006). Une saison de solitude a également paru aux Editions Gallimard en 2009.
Extrait Cette courte après-midi-là Leyla fit un rêve effrayant. Petite fille, elle se tenait sur le ponton du yali et, en proie à la terreur, elle voyait les deux rives du Bosphore se rapprocher l’une de l’autre. Le ponton sur lequel elle se tenait remuait et s’avançait vers l’autre rive en engloutissant la mer. La rive européenne s’approchait elle aussi de la même manière vers elle à toute vitesse. Leyla cria, elle voulait prévenir sa grand-mère mais, tétanisée par la peur, aucun son ne sortait de sa bouche. Au milieu des rives le rapprochement se produisit si rapidement qu’une ou deux minutes après le ponton sur lequel se tenait Leyla se confondit à la rive opposée. L’Asie était collée à l’Europe. A présent ce n’était pas la mer, mais une nationale qu’elle avait devant elle. Les maisons de la rive opposée étaient carrément au bout de son nez. Le béton avait englouti la mer et réuni les continents. Après s’être réveillée, Leyla ne put se défaire de l’emprise terrifiante de ce rêve. Elle avait mal à la tête, un goût amer dans la bouche, et son rêve paraissait si réel qu’il l’avait profondément affectée. Un jour, elle s’était tenue sur ce même ponton, quand tombait un brouillard à couper au couteau et qu’elle ne pouvait distinguer le Bosphore, et elle avait observé dans cette blancheur immaculée le glissement des gigantesques navires. On aurait dit qu’ils nageaient dans l’air et leurs cornes de brume retentissaient dramatiquement. Dans cette blancheur, et comme suspendues dans l’air, plusieurs barques de pêche à la bonite tentaient de rejoindre le rivage. Alors à ce moment-là aussi, la rive opposée était devenue invisible et les deux rives avaient paru réunies. On entendait les cris des mouettes. La peur s’était soudain emparée de Leyla et elle avait couru vers sa grand-mère. Celle-ci était derrière, dans le jardin au milieu du brouillard. Elle semblait baigner dans un nuage. Elle se rappelait s’être accrochée à ses jambes et avoir pleuré. Sa grand-mère lui avait caressé la tête. « N’aies pas peur, mon cœur, ma beauté, ma chérie. » GallimardFélix Ziem (1821-1911), Constantinople, le caïque de la sultane / Crédit : Crédit : © ZIEM Petit Palais / Roger-Viollet