On aimerait qu’il se passe enfin quelque chose, un retour au simple bon sens, un produit (le sičge/kilomčtre) enfin vendu nettement au-dessus de son prix de revient et donnant naissance ŕ des compagnies aériennes heureuses et prospčres. Non seulement ce n’est pas le cas mais rien n’indique, en Europe tout au moins, l’arrivée de jours meilleurs. D’autant que voici venue l’heure des bilans, qu’on ose ŕ peine consulter, tant ils ressemblent ŕ ceux de l’année précédente.
En 2011, nous dit l’AEA (Association of European Airlines), 752 millions de passagers ont été dénombrés, en ne comptant que ceux qui se sont déplacés sous pavillon du Vieux Continent (ŕ l’échelle du monde, ils étaient 2,9 milliards). Et l’AEA donne maintenant les Ťvraisť chiffres : le groupement professionnel précise que ses 32 membres ont acheminé 394 millions de passagers, les 300 et quelques millions supplémentaires étant l’œuvre des compagnies ŕ bas tarifs et, on tendance ŕ les oublier, les charters.
Oů le bât blesse, c’est le constat que le trafic des compagnies AEA a progressé de 2,9% seulement, ŕ comparer ŕ la hausse de 5,5% enregistrée au niveau mondial. Les statistiques des low cost ne sont pas encore connues mais on sait qu’elles ont fait beaucoup mieux. En clair, les Ťlegacy carriersť sont et restent ŕ la traîne. Ce que confirment les chiffres d’Air France : 77,4 millions de passagers l’année derničre, une petite progression de 1,8% ŕ peine. Et, pour mieux situer la tendance générale, Aéroports de Paris annonce 88,8 millions de passagers, soit +0,8% ŕ peine.
Et, apparemment, cela ne s’arrange pas, comme le confirment les statistiques de décembre d’ADP : ŕ CDG, le trafic passagers a reculé de 1,4% tandis qu’Orly faisait pire, moins 2,8%. Dčs lors, c’est tout le monde qui souffre mais, côté français, c’est franchement mauvais. Le jeu, si l’on ose dire, consiste ŕ trouver des responsables extérieurs. ŤLes coűts externes sont trop élevés, ils continuent d’éroder la rentabilité de nos compagniesť, clame Athar Husain Khan, secrétaire général faisant fonction de l’AEA. Et de dénoncer en vrac la mauvaise gestion de l’espace aérien, les difficultés liées ŕ l’assistance au sol et l’absence de consensus mondial sur les émissions.
Tout cela est évidemment exact. Tout comme il est vrai que le trafic de marchandises est encore et toujours ŕ la traîne : il a reculé de 4% en 2012 et se situe ŕ 8% en-dessous des chiffres de 2008. A l’image, bien sűr, de la basse conjoncture, laquelle a néanmoins bon dos. Dčs lors, on en revient encore et toujours ŕ un constat de carence tellement connu qu’on n’ose plus vraiment y revenir. A savoir que les recettes moyennes sont insuffisantes, ce qui revient ŕ dire que les tarifs devraient ętre relevés. A eux seuls, les membres de l’AEA ont perdu 1,3 milliard d’euros en 2012 et plus de 4 milliards depuis la crise de 2008/2009.
Les efforts ont principalement porté sur la diminution des coűts de personnels, avec la suppression de 37.000 emplois en 4 ans environ. Dans le męme temps, les dirigeants de compagnies ont continué de dénoncer les prix élevés du pétrole, comme s’ils ignoraient que leurs lamentations seraient reçues par l’OPEP dans l’indifférence la plus complčte. Mieux vaudrait suivre au plus prčs l’expérience novatrice de Delta Air Lines qui va, en 2013, engranger les bénéfices d’une initiative audacieuse, le rachat d’une raffinerie, qui devrait lui permettre de réduire sa facture de kérosčne de 300 millions de dollars par an.
De maničre plus générale, les idées nouvelles font malheureusement défaut. Les réformes annoncées ici et lŕ sont pour la plupart timides, insuffisantes. Si rien ne change, Ryanair et EasyJet pour le court-courrier, Emirates pour les lignes longues, prendront le pouvoir et, avec quelques émules, de Vueling ŕ Etihad, forgeront le nouvel avenir du transport aérien. C’est, aprčs tout, un scénario comme un autre. Mais ce n’est pas tout ŕ fait ce qui était prévu.
Pierre Sparaco - AeroMorning