Il y a tout juste un an s’ouvrait la Galerie Kandisha (en référence à Aicha Kandisha, personnage de conte) dans le 5ème arrondissement parisien.
Une galerie un peu particulière puisqu’elle est la première entièrement consacrée aux artistes du Maghreb, d’ailleurs à deux pas de l’Institut du Monde Arabe. 42m² dédiés à l’art arabe contemporain, mais aussi à la vision du monde arabe par des artistes européens. En ce moment, la galerie propose le travail de Pipoye, artiste de 14 ans, venant d’exposer à New-York.
Pour en savoir un peu plus sur cette galerire, nous avons rencontré sa fondatrice, Anne Frégeai, 25 ans.
Pourquoi l’art arabe?
Ce choix s’explique très naturellement pour moi. Il s’agit avant tout d’une histoire familiale, d’un héritage qu’ont voulu me transmettre mes parents, puis d’une histoire d’amour pour des pays aux mille et un visage. Des pays où chaque endroit est différent de l’autre, où les paysages sont splendides, des couleurs incroyables. Après tout ce n’est pas pour rien que les très grands artistes ont tous fait un jour ou l’autre escale sur ses terres (Matisse, Delacroix… pour ne citer qu’eux). Depuis que je suis enfant, je vais très régulièrement au Maroc, en Egypte. Donc depuis 20 ans, je vois notamment le Maroc en pleine évolution, en plein bouleversement… En fait, j’ai le sentiment que c’est ma mission. Que je dois faire découvrir au plus grand nombre possible des artistes de génie.
Quand on pense art arabe, on pense à quelque chose comme « berceau de l’humanité », en fait, les termes art arabe et contemporain sont rarement accolés.
Depuis quelques années déjà les artistes iraniens ont le vent en poupe. Mais les artistes que j’ai décidés de défendre sont surtout les artistes du Maghreb. Mis à part des artistes comme Mounir Fatmi et d’autres, les artistes marocains, algériens et tunisiens sont trop peu représentés. Et pourtant, avec le Printemps Arabe, ces artistes qu’ils soient photographes, peintres ou sculpteurs ont énormément de « choses » à montrer… Ils sortent des sentiers battus et explorent des domaines où on ne les attend pas du tout. Ils ont un besoin de liberté picturale, un besoin de franchir des barrières qu’il y a peu, n’osaient pas forcément franchir ou subissaient une forme d’interdit religieux… Ces artistes s’affranchissent de toutes formes de pression, qu’elle soit religieuse ou bien même interne à « eux-mêmes »!
J’ai exposé il y a un peu artiste incroyable, Omar Mahfoudi, l’exposition s’appelait d’ailleurs « Printemps brûlé« . Il s’est appuyé sur des portraits psychologiques pour montrer le conflit qui existe dans toute cette jeune population arabe qui est en train de se redéfinir en tant que marocain mais aussi musulman. Toutes ses toiles étaient lourdes de symboles, notamment avec la toile « Vent de Printemps » qui tire le portrait de Ben Ali, Moubarak et Khadafi, le tout ponctué par une vanité… Omar Mahfoudi vient de finir une résidence d’artistes de 6 mois à New-York.
Anuar Khalifi est aussi dans cette mouvance, c’est un artiste du street art qui s’inspire plus de l’enfance. Qui oppose cette forme de bonheur, naïveté qui définissent les enfants et la dureté du monde. Sauf que dans son travail se sont les enfants qui sont durs et le monde qui à l’air d’être jungle urbaine et colorée…Comme un enfant qui se bat dans un monde brutal, chargé.
Anuar va prochainement exposer son travail à Barcelone.
Tous les artistes exposés à la Galerie Kandisha sont différents. En ce moment, sont exposées des oeuvres du jeune artiste autiste Pipoye. Cet artiste s’exprime à travers l’art numérique. Il s’agit, ici, de moments, d’instants qui ont marqué la vie de ce jeune artiste. Des instants qui l’ont bouleversé comme la découverte du peintre Klimt, de Sonia Delaunay ; la découverte de grandes villes telles que Shanghai, Istanbul, Ispahan, Sao Paulo, Paris, New-York…
Pipoye a déjà été exposé à la Fiac, à New-York et va collaborer avec la marque italienne Impero Couture.
La place de la culture arabe (à travers son assimilation à l’islam certainement) dans le monde occidental n’est pas facile depuis dix ans. Est-ce que tu le ressens ? Est-ce que tu te sens un devoir vis-à-vis de l’intégration ?
Il ne s’agit plus d’intégration. L’Art est au-delà de tout devoir d’intégration lorsqu’il s’agit d’une évidence. Les artistes du Monde Arabe sont dans la place et vont marquer l’histoire de l’Art de leur empreinte…