Une démocratisation grâce à la gamification
Depuis quelques années, le Quantified Self a quitté la sphère des "initiés" pour entrer dans la vie du grand public, notamment par le biais d'équipements ludiques, sportifs ou de la vie quotidienne, comme les balances intelligentes, la console Wii Fit ou plus récemment le Nike + Fuelband. L'évolution des technologies mobiles et du cloud computing a bien sûr permis aux adeptes du Quantified Self de mettre à jour facilement, et en temps réel, toutes leurs données. Autre avantage, le smartphone peut souvent se substituer aux capteurs pour l’enregistrement des données.
Si la notion de mesure de données personnelles n'est pas un concept récent (le simple fait de se mesurer ou de se peser régulièrement fait déjà partie de la "mesure de soi"), c'est plutôt du côté de l'enregistrement, l'analyse et surtout le partage de ses informations en ligne que se trouve le changement. Que ce soit pour mesurer ses propres performances avec celles des membres de sa communauté ou pour faire avancer les connaissances dans un domaine, nombreux sont ceux qui ont choisi d'enregistrer leurs données en ligne, et de les rendre publiques. Les pratiques et les motivations sont différentes, cependant, l'aspect ludique et la gamification sont le plus souvent mis en avant, en tant que moteurs de l'effort de l'utilisateur par exemple (ce dernier peut gagner des récompenses ou des "badges" à chaque nouvelle étape franchie, etc.). Le partage permet ainsi de se mettre en valeur en se mesurant aux résultats des autres et de se re-motiver.
Les cas d'école
L'exemple le plus extrême de Quantified Self est très certainement celui de l'ingénieur américain Gordon Bell. Depuis 1995, il procède à un archivage minutieux de tous les aspects de sa vie quotidienne, ce qu'on appelle le life-logging, allant même jusqu'à enregistrer toutes ses conversations et monitorer toute son activité sur internet. Une pratique qui peut être qualifier d'extrême, mise au service d'un projet de recherche de Microsoft, nommée "MyLifeBits".
Autre exemple significatif du Quantified Self, celui de Martha Rotter qui, suite à un problème dermatologique, a étudié son alimentation pendant un an afin de déterminer l'impact des aliments qu'elle ingérait sur sa santé. En retirant successivement plusieurs types d'aliments de sa consommation quotidienne, elle a pu découvrir qu'elle était allergique aux produits laitiers et mettre fin à son problème.
Du côté de la France, on peut citer Emmanuel Gadenne comme l'un des membres les plus actifs de la communauté de Quantified Self. Adepte de la pratique depuis 2003, il a débuté le Self Tracking afin d'améliorer son hygiène de vie. Il enregistre toutes sortes de données concernant son poids, son sommeil, sa consommation de café et d'excitants, son humeur, etc. Au bout de quelques mois, il a réussi à corréler équilibre de vie et sommeil, et constate aujourd'hui une amélioration de sa qualité de vie. Fondateur du groupe Quantified Self à Paris et auteur du livre Guide pratique du Quantified Self. Mieux gérer sa vie, sa santé, sa productivité, il est particulièrement impliqué au sein de la communauté des selfquantifiers.
Quelques outils de Quantified Self
RunKeeper : votre personnal trainer dans la poche
Fitbits : le podomètre intelligent
Withings : la balance connectée
Les limites du Quantified Self
La mise en ligne de données personnelles, notamment lorsqu'il s'agit de la confidentialité de données médicales, pose toujours question. Comment savoir si ces données ne seront pas utilisées à mauvais escient, ou vendues à des fins marketing. L'exemple de la mesure de la productivité au travail pourrait très bien être utilisée comme un motif de licenciement.
Si la pratique du quantified self peut bien sûr s'avérer particulièrement utile, notamment dans le domaine de la santé, pour les personnes souffrant de maladies chroniques notamment, il ne faut pas perdre de vue qu'elle comporte également un risque de dérive. Le fait de mesurer et d'analyser tous les aspects de sa vie quotidienne peut conduire à passer à côté de nombreux autres éléments, à risquer le burn-out d'informations et l'auto-diagnostic peut quant à lui s'avérer vraiment dangereux.
Il existe désormais pléthore d'outils et d'applications de Quantified Self (le guide du Quantified Self en a déjà catalogué plus de 500), plus ou moins fiables et plus ou moins connues. Certains requièrent l'achat d'un équipement de mesure complémentaire, d'autres une simple installation sur un smartphone. Un modèle économique commence à se dessiner, au fur et à mesure que le procédé prend de l'ampleur. Reste à savoir si le Quantified Self restera un phénomène minoritaire à la portée individuelle, ou si l'on tend vers un monitoring globalisé et plus institutionnalisé de l'activité humaine.